Tant pis pour le Sud algérien ? (II et fin)

Sourd aux revendications populaires d'In Salah, le pouvoir réprime pour faire taire la contestation.
Sourd aux revendications populaires d'In Salah, le pouvoir réprime pour faire taire la contestation.

Le gouvernement ne reconnaît plus sa population.

D’habitude calmes, voire effacés, les habitants du Sud se sont subitement mis à manifester leur existence. Comme sortis du néant, ils brandissent une revendication inhabituelle, tout droit venue de pays repus : "Laissez le schiste en paix, arrêtez de défigurer et de polluer notre environnement !". Tout en continuant le massacre, le gouvernement dépêcha les marabouts-notables du Nord pour "soigner" les gens d’In Salah devenus bizarres. Ils leur parlèrent sans les convaincre. Les amulettes qu’ils distribuèrent n’eurent aucun effet. Sans rire, le premier ministre expliqua que l’extraction du gaz de schiste n’est pas plus nocive que le lâcher d’un pet. Tfuh, et les manifestations continuent. Même le président se mêla pour certifier que l’extraction du gaz de schiste se fera sans douleur. Rien n’y fait. Les gens d’In Salah continuent de s’opposer à l’exploitation des gaz de schiste avec une ténacité telle que le gouvernement s’est mis à crier au complot : "Il y a forcément la main de l’étranger !" Pour lui, la manipulation est évidente. Ce seraient ces "puristes" de Daesch qui auraient mis dans la tête de la population du Sud cette idée "saugrenue" de protéger l’environnement pour accueillir le retour des souhabas.

La population aussi trouve bizarre la situation. Le pouvoir, si prompt à lâcher du lest d’habitude, s’entête à faire des trous dans le sol saharien. La France, qui ne veut pas entendre parler de gaz de schiste chez elle, serait-elle «le courage» qui manquait jusque-là au gouvernement ? Total-Algérie jure que non. Pourtant, beaucoup de citoyens ont constaté que le gouvernement se met promptement au garde à vous chaque fois que François Hollande parle. Alors-là, quand Hillary Clinton vient poser son postérieur pour quelques heures à El Mouradia et leur dit que l’Algérie est 2eme réserve de gaz de schiste après les USA, on lui fourre illico 500 000 dollars dans un sac plastique et on la raccompagne à l’aéroport au son d’une zorna. Le gouvernement se met tout de suite à rédiger une commande pour 99 milliards de dollars de la technologie et des produits américains les plus récents pour faire de profonds trous jusqu’à atteindre la roche et la fissurer. Les oreilles d’Obama palpitent de joie. Une relance de l’économie de son pays et la création d’emplois aideront à perpétuer le règne de ses amis politiques. Par une alchimie dont seul notre gouvernement possède le secret, les produits ayant servi à fissurer la roche se transforment en billet verts qu’un vent du Sud entraine joyeusement vers les Etats-Unis, ne laissant dans le désert algériens que les produits nocifs qui se joindront aux déchets nucléaires légués par la France en février 1960, peu avant de quitter le pays. Nocifs, vous dites ? Le gouvernement vous ressortira les «analyses» rassurantes de Sid Ahmed Ghozali qui "ne peut pas être accusé d’être proche du pouvoir ou de ne pas connaître le secteur" ou ramènera sur le plateau télé zéro notre ami Bouziane non pas pour faire de la promo aux énergies renouvelables, lui qui est du CDER, mais pour expliquer qu’en Amérique on arrive à extraire le gaz de schiste sous les fesses des étudiants sans que ceux-ci ne ressentent quoi que ce soit.

Grâce à la technique du puits horizontal, on peut ramener vers son jardin le gaz extrait sous le quartier résidentiel voisin. Une réponse scientifique convaincante ? Ce ne sera pas l’université algérienne qui va l’apporter. Le ministre de l’enseignement supérieur se garde de l’impliquer. En déplacement à Tizi Ouzou, il refuse tout contact avec les étudiants et les enseignants. Il ne rentre donc pas à l’université. Même son syndicat préféré, le CNES, il ne le "reçoit" que rapidement à l’hôtel Amraoua…pour lui promettre des logements et des diplômes aux nouveaux enseignants, nombreux à en réclamer. Finalement, pour dissiper tout doute sur la nocivité de l’extraction du gaz, la Sonatrach fait venir un spécialiste américain qui tentera de rassurer sans trop tricher. Réaliste, il dira "qu’il n’existe pas de risque zéro". Avant de préciser : "La contamination des nappes d’eau, l’infiltration du gaz naturel dans l’eau potable ou encore les défaillances liées aux procédés d’enfouissement de déchets chimiques et radioactifs sont les principaux risques relatifs à l’exploitation du gaz non conventionnel." Dans le doute, s’abstenir …Mais l’Amérique a tout prévu, y compris le traitement des effets secondaires. Et l’Algérie a de quoi l’acheter. Un autre Américain suivra pour déclamer l’amour de son pays pour l’Algérie. Aucun doute, l’Amérique aime l’Algérie comme elle aime tous ses clients à travers le monde mais ne s’encombre pas d’états d’âme. Pas de plan Marshall pour aider l’Afrique à se reconstruire au lendemain de ses guerres contre l’Europe. L’Amérique est l’un des rares pays à n’avoir jamais signé le protocole de Kyoto. Et il vient d’entrainer dans son sillage le Canada qui s’adonne à l’exploitation du pétrole le plus polluant, celui des sables bitumineux, pour le lui livrer malgré l’opposition de la société civile et des parlementaires américains et canadiens.

L’Algérie est même félicitée par Marican et l’Europe pour être parvenue à régler le problème du Mali au détriment de l’Azawad auquel est refusé toute reconnaissance officielle. Même la Libye vient de remettre son destin à l’expertise algérienne. Décidément nos dirigeants sont de fins diplômâtes courtisés par les grands de ce monde ! Ils n’ont pas de temps à perdre à écouter l’avis des petites gens du Sud.

Le cocktail de partis politiques et d’anciens premiers ministres évoluant dans le camp de l’opposition appellent les gens du Nord à apporter leur soutien à ceux du Sud qui exigent un arrêt immédiat de l’exploration/exploitation du gaz de schiste. Les policiers répondent massivement à l’appel. Par milliers, ils investissent les rues d’Alger pour faire danser les opposants au son d’une zorna. Ne croyant plus beaucoup aux partis politiques, du pouvoir comme de l’opposition, insensibles aux problèmes environnementaux, les gens du Nord réagissent faiblement. Nekkaz, un opposant atypique, qui ose se déplacer à In Salah est chassé manu militari par les forces du désordre qui s’adonnent au saccage de biens privés.

Ce qu’il faudrait, c’est une figure emblématique de l’écologie. Il n’y en a pas en Algérie. On fait appel au Français José Bové. Sans succès.

L’émeute reprend, célébrée violemment par la police et la gendarmerie. A balles réelles. Dasin, réapparue pieds nus, sein en l’air, brandissant un drapeau, prend la tête de la manifestation comme lors de la prise de la Bastille en 1871. Des femmes rejoignent massivement la manifestation pour encourager les émeutiers et leur distribuer des chiffons imbibés de vinaigre. Dasin est maintenant au chevet des citoyens blessés dont certains gravement. A Tam, Daba et Fnu-Fnu marchent derrière les étudiants pour protester contre l’exploitation du gaz de schiste et contre la répression.

Racisme officiel

La population fait appel au Président de la république. L’armée répond. Elle envoie des militaires s’interposer entre les protestataires et la police/gendarmerie. La puissance militaire. Que pourront les chars contre le Sud affamé et méprisé quand celui-ci foncera vers le Nord ? Ce ne sera certainement pas avec des "Khaleches, retournez chez vous en Afrique !" que la police les contiendra. Il faut plutôt écouter la population du Sud. Si elle estime qu’elle peut vivre et faire vivre le Nord avec l’eau de sa nappe, l’énergie solaire thermique et l’agriculture qu’elle souhaiterait voir se développer grâce aux énergies renouvelables, c’est qu’elle a peut-être raison. La bataille du futur sera celle de l’eau, l’or bleu. L’efficacité énergétique sera de rigueur. Et c’est de nourriture que la population mondiale risque de manquer à l’avenir. D’aucuns songent déjà à introduire les insectes dans l’alimentation de la population du Sud pour suppléer au manque de protéines.

Ecouter les gens du Sud mais pas seulement. Il faut d’ores et déjà réfléchir à mettre en place les règles qui permettraient à tous les Algériens de vivre ensemble, sans hypocrisie, dans le respect les uns des autres, Kabyles, Touarègues, Chaouis, Mozabites, Arabes, Chenouis…tous bénéficiant d’une répartition équitable des richesses du pays et d’un environnement sain. Pour que l’Algérie ne succombe pas aux incessants coups de boutoirs américains ou français qui risquent, à terme, de la dépecer, elle se doit de conserver une certaine cohésion. Sa population doit être à même de débattre de tous les aspects de sa vie qu’ils soient économiques, sociaux, culturels, historiques, identitaires ou environnementaux. Elle doit être pleinement impliquée dans la construction de son devenir démocratique pour lequel elle a opté. L’Etat censé fédérer toutes les composantes de l’Algérie doit se conformer aux règles régissant une société démocratique et œuvrer à lui faire retrouver la place qu’elle occupait au sein de la Méditerranée du temps de Massinissa.

Aomar Aït Aïder

Enseignant-chercheur et écrivain

Lire la 1re partie : Tant pis pour le Sud algérien ? (I)

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Commentaires (3) | Réagir ?

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Massinissa Umerri

" D’aucuns songent déjà à introduire les insectes dans l’alimentation de la population du Sud pour suppléer au manque de protéines. " - On fait, il y une compagnie Americaine qui fabrique de la farine a partir d'insectes et de verres. De la pure protein, dit-on ! C'est peut-etre ce que bouffent les morts - et c'est pour ca qu'il n'y reste que des squelettes apres quelques mois.

Merci pour la fraicheur du texte. L'Algerie federe'e est une utopie si on s'oppose a l'emancipation politique des Peuples que vous citez, c. a. d. cette menace "separatiste" alors que les algeriens n'ont jamais ete aussi separe's que depuis l'independance de fafa.

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sarah sadim

Article rafraichissant des impostures et forfaitures d'un pouvoir prébendier et sectaire, celui de Abdellaziz Bouteflika.

N'oublions ses allégences Francaises, quand aux américains ils n'ont point besoin de son allégence car invité pour un moment à rester encore au pouvoir.

Le pouvoir de Bouteflika doit prendre fin plusieures puissances occidentales et autres trouvent:L'algérie dangereusement vide et une évolution euthanasique rapide des institutions de ce pays, dirigés par des hommes du clan bouteflikiste, cooptés et nommés sur des bases strictement sectaristes et parfois régionalistes quand l'extension se fait sur Mascara par exemple, le systéme annonce ses "Premiers craquements dislocatifs", car ne reposant sur aucun projet de société, si ce n'est celui de détourner, piller et extrader ses richesses ailleurs.

Pire le pouvoir bouteflikiste velleitaire à l'échelle régionale semble trés discrédité chez ses voisins, ou d'éventuels conflits ne sont pas à écarter.

Economiquement l'algérie est ruinée et ses réserves financiers en devises sont placés en toute opacité par Bouteflika et ses hommes, encore à savoir si ces réserves sont récupérables avec la grave conjoncture économique internationale.

Toutes les libertés fondamentales constitutionnelles sont violés délibéremment et continuellement par le pouvoir de Bouteflika, aucune liberté de pensée ou d'opinion n'est permise, à part les louanges des larbins de l'extreme ouest algérien ou de quelques Kabyles et Chaouis de service au gouvernement ou au parlement.

Les institutions sécuritaires 5 Police et Gendarmerie) sont en pleine dérive anti populaire et sont la cause essentielle des futures "Crash Sécuritaires" qui pointe à l'horizon, aussi bien à nos frontiéres qu'avec les populations du Sud, de l'Est et du centre nord du pays, n'oublions pas le sud ouest algérien qui risque de s'embraser aprés les secousses de Béni Abbes et des reguibat de Tindouf (infos étouffés par le pouvoir)..

La santé publique en pleine descente vers les enfers, ce secteur vidé de ses meilleurs cadres médicaux et autres par l'empressement de Sellal et son gouvernement de les envoyer à la retraite, le crash du systéme de santé a déjà commencé juste avant le départ de Ould Abbes, c'est un autre débat grave, au moment ou tout wali malade sans parler du président et ses larbins sont soignés au prix fort en devises dans les hopitaux francais, scandaleux et insolent pouvoir.

L'université est dans la nullité en amont et en aval, gaspillage de milliards pour des "prunes" et multiplication démùagogiques du nombre d'universités qui n'ont que le nom d'université, démagogie insidieuse de destruction à moyen terme du pays par des personnels de niveau universitaire "indigent" et nul ou égal à zéro.

L'administration judiciaire est délinquante et point final.

Quand aux populations complétement abruties, dans une existence neuro végétatives, ces populations ne tarderont pas à sombrer à la premiére bourrasque dans l'anarchie sociale et existentielle pour longtemps.

Ca sera long de continuer, mais finalement on ne le dit que rarement:

Bouteflika et ses larbins du clan, et ses appareils sécuritaires et financiers, et ses hommes de pailles gradés entrepreneurs algériens, doivent etre détruits et poin t final.

On ne traite pas un cancer avec de l'Aspirine, le traitrement radical suivie d'une cure aussi radicule des métastases qui risquent de persister aprés, est le seule solution de salut pour l'algérie;

Autrement, les métastases risquent de contaminer tout le voisinage régional, le pouvoir actuel est plus riche que la cosa nostra italienne ou la maffia russe, warning son extinction est sanitaire et impérative.

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