Les premiers pas décisifs de la révolution algérienne

Une fois déclenchée par un groupe de militants, la révolution a connu un essoufflement les premiers mois de 1955
Une fois déclenchée par un groupe de militants, la révolution a connu un essoufflement les premiers mois de 1955

Le déclenchement de la guerre d’Algérie survient au moment où le principal parti nationaliste, le PPA-MTLD, traverse sa plus grave crise.

Pour échapper au contrôle des deux groupes se disputant le contrôle du parti, en l’occurrence les centralistes et les messalistes, un groupe d’activistes se lance dans l’action armée, un projet cher à la frange radicale du PPA-MTLD. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce projet manque immanquablement de préparation. Et pour cause ! Après l’accomplissement d’une trentaine d’attentats la nuit de la Toussaint, le passage à l’action armée s’avère, au fil des jours, périlleux et incertain.

En fait, malgré le passage à l’acte, le plus dur reste totalement à faire. Bien que les allumeurs de la mèche croient, eux aussi, à la dureté de la tâche, au lendemain des actions du 1er novembre 1954, les dirigeants de l’ALN (armée de libération nationale) – dans les mouvements de cette nature, la naissance du bras armée précède l’organisation politique – doivent faire face à une double difficulté : organiser les maquis et échapper à la riposte des autorités coloniales.

I- Mobiliser les Algériens

Malgré le cloisonnement qui a caractérisé la constitution des premiers noyaux de l’ALN, les initiateurs de la lutte armée sont obligés de faire appel à tous les volontaires. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que, dans le contexte colonial, les dirigeants disposent d’une réserve assez importante. Pour parvenir à leur but, ils doivent exposer les objectifs de leur mouvement en insistant sur le fait qu’il ne soit pas lié à aucun mouvement existant jusque-là. Mais, en 1954, le seul homme qui puisse rassembler les Algériens, c’est indubitablement Messali Hadj. D’ailleurs, les chefs de la Kabylie, Krim Belkacem et Amar Ouamrane, n’ont-ils pas refusé de se joindre au CRUA (comité révolutionnaire pour l’unité et l’action) et plus tard à la réunion des 22 pour cause de l’attachement de la région à son chef charismatique, Messali Hadj.

Hélas, la révolution se fera sans Messali. Quant aux centralistes, ils rejoignent le mouvement après l’avoir combattu à ses débuts. Pour autant, peut-on considérer Messali Hadj comme un traitre ? En tout cas, aucun historien sérieux ne s’est aventuré sur ce terrain. Car, bien qu’il soit absent à ce rendez-vous de l’histoire –il faut dire aussi que c’est lui qui a formé les initiateurs du projet révolutionnaire –, Messali Hadj a consacré les meilleures années de sa jeunesse à la libération de son pays.

Toutefois, pour revenir au contexte de l’époque, le nouveau parti, le FLN historique et non pas l’actuel où le seul sacrifice de ses dirigeants –car il s’agit d’un travail à plein temps –consiste à détruire les richesses nationales, doit se renforcer, et ce, par tous les moyens. En effet, la tâche nécessite le sacrifice des meilleurs fils de l’Algérie. Et dès le début de l’année 1955, le FLN trouve la tête politique qui lui manque. Il s’agit évidemment d’Abane Ramdane. Ce dernier, en compagnie d’autres valeureux chefs, à l’instar de Larbi Ben Mhidi, réalise le grand rassemblement national et l’unique que l’histoire du pays ait connu. Avec tous les reproches que les uns et les autres auraient pu ou pourraient faire à Abane, ils ne peuvent pas nier le fait suivant : sans l’arrivée du sang neuf –d’où l’inanité d’un contrat moral entre les neufs chefs historiques –, la révolution algérienne serait étouffée dès 1955 avec la neutralisation des 3 sur les 5 chefs militaires de l’intérieur (Didouche mort en janvier 1955, Ben Boulaid arrêté en février 1955 et Bitat arrêté en mars 1955).

II- La riposte coloniale

Pris de vitesse –bien que les activités du CRUA ne soient pas totalement ignorées –, le régime colonial reprend, peu à peu, le contrôle. «Après la dissolution du mouvement indépendantiste bien connu [le PPA-MTLD] décidée en conseil des ministres, qui fait l’objet d’un décret le 5 novembre, des centaines de ses militants font l’objet d’une rafle dès la nuit suivante. Au total, en l’espace de peu de temps, ils seront plus de 2000 à être emprisonnés», écrivent Benjamin Stora et Renaud de Rochebrune, dans «la guerre d’Algérie vue par les Algériens». N’étant pas associés à la préparation de la lutte armée, ces militants ne peuvent pas compromettre l’existence su FLN. Autrement dit, ces arrestations ne vont pas contrarier les desseins du nouveau parti, le FLN. Et contre toute attente, les militants qui sont sur le point d’être arrêtés préfèrent rejoindre le FLN que de croupir dans les geôles coloniales.

Cependant, après la chute du gouvernement, dirigé par Pierre Mendès France, l’un des hommes de la IVe République ouvert au dialogue, le nouveau président du Conseil, Edgar Faure, ne perd pas de temps. Dès son investiture, il met en place des mesures répressives susceptibles de porter un terrible coup d’estocade au mouvement indépendantiste. "Prévue pour une durée de six mois, adoptés le 31 mars 1955 par l’Assemblée, la loi sur l’état d’urgence permet en principe aux préfets d’interdire la circulation des personnes et des véhicules, d’instituer des zones de protection, de prononcer des assignations à résidence, etc.…", écrit Philippe Masson, dans la revue «Historia». Mais, le plus dur reste à venir. La loi sur la responsabilité collective reste la plus prisée par les responsables du "rétablissement d’ordre", notamment lors de la bataille d’Alger. Enfin, sur l’année 1955, les renforts militaires battent leur plein. Plus de 100000 militaires vont rejoindre l’Algérie. En ce sens, l’année 1955 constitue un véritable tournant de la guerre d’Algérie.

Pour conclure, il va de soi que le déclenchement de la guerre d’Algérie ne laisse pas de place à l’expectative. À ce titre, malgré le flou et l’incertitude, le FLN va réussir à s’imposer, dans le premier temps, sur la scène politique algérienne, et ensuite comme le seul interlocuteur face au gouvernement français. Dans la douleur et le sang, les premiers chefs vont créer un climat de solidarité. Mais, cet esprit de sacrifice et de solidarité va-t-il perdurer ? Malheureusement, certains dirigeants ne pensent qu’à satisfaire leur ego. Du coup, avant même le cessez-le-feu, un groupe de militaires, à leur tête Houari Boumediene, s’empare illégalement du pouvoir, privant ainsi le peuple algérien de son droit à vivre sans carcans. Plus grave encore, 52 ans après l’indépendance, l’Algérie continue à être gérée par le même clan. Profitant de la passivité du peuple algérien –son renoncement est quelque part une trahison au sang versé par les valeureux chouhadas –, le régime algérien abuse et profite de tout.

Boubekeur Aït Benali

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Commentaires (14) | Réagir ?

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algerie

merci

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