Être ou ne pas être Charlie, le dilemme du Français musulman

Le défunt Charb montrant une "Une" de Charlie Hebdo.
Le défunt Charb montrant une "Une" de Charlie Hebdo.

La barbarie qui s’est abattue sur la France en ce début janvier ne peut laisser indifférent tout être sensible doté d’un cœur d’humain, même si nous Algériens en avons vu d’autres pendant la décennie noire (200.000 victimes de la folie islamiste du FIS conjuguée à celle d’un pouvoir militaire tout aussi barbare, comment l’oublier?).

Aux larmes des Français de souche, du Breton à l’Alsacien, du Lillois au Parisien et au Marseillais, se sont mêlées les nôtres, celles de tous les étrangers, maghrébins en premier, épris de liberté, qu’elle a accueillis sur ses terres. Et croyez-moi, nous sommes nombreux, bien plus nombreux que ces égarés formatés à glorifier la mort et un paradis factice au lieu de célébrer la vie sur Terre.

Plus jamais ça au pays de Voltaire ! Pour cela, il ne faut plus se taire, car se taire c’est se rendre complice de la bêtise humaine en cette période cruciale où l’engagement républicain doit surpasser toutes les différences.

Ne pas se taire, c’est continuer à dénoncer ces dérives idéologiques totalitaires desquelles les obscurantistes de tous bords puisent des permis de tuer des hommes et des femmes débordant de chaleur humaine dont le seul tort, à leurs yeux, est de semer ces symboles de l’innocence que sont le rire, la joie, l’allégresse et la célébration de la vie, ces antinomiques de la dévotion aveugle, aux motifs saugrenus de non-respect de quelques préceptes prétendument tombés du ciel. Préceptes souvent professés par des instructeurs aliénés que Voltaire surnommait les fainéants sacrés. Nous sommes nombreux sur ce journal des idées et du débat à alerter sur les dangers islamistes depuis de nombreuses années. Malheureusement, nos messages ont une portée bien réduite eu égard à la dimension gigantesque que requiert le terrain d’un tel engagement. D’autant qu’à cet espace modique qui nous est imparti est opposé celui, beaucoup plus vaste et puissant, de l’audiovisuel dans lequel des "honorables" Tarik Ramadhan sont sollicités en permanence pour justifier une cause obscure, avec un discours d’une extrême "intelligence" pour les faibles d’esprit. Discours construit pour convaincre tout cerveau malléable du bien-fondé d’un engagement pour la cause d’un Dieu dont lui seul serait pourvu du discernement nécessaire et suffisant pour en décoder les signes (comme il le revendiquait (le revendique-t-il toujours ? Je n’ose même plus le vérifier) sur son site internet), pendant que les "ennemis" d’Allah découvrent des jumelles de la Terre aux confins de l’univers. Connerie quand tu nous tiens se serait exclamé Cabu !

En ces lendemains de deuil, la France serait bien avisée de donner la parole à ceux qui ont épousé le moule de la république tout en ayant le courage de la confisquer à ces avortons de Dieu dont la mission sur Terre est de forcer l’humanité entière à s’incliner, se prosterner et se glisser dans le tunnel des ténèbres, quitte à exterminer la moitié de l’espèce humaine, comme ils s’étaient attelés à le faire en Algérie, et comme ils le font en ce moment dans les territoires déclarés daesh en Syrie, en Irak et au Nigeria de Boko Haram.

Afin que la France ne devienne pas le terrain et l’otage de guéguerres stupides importées d’orient et menées par des factions qui revendiquent l’héritage d’un message obsolète en l’an 2015, il est utile de délimiter les culpabilités des massacres de Charlie Hebdo. Et, de mon point de vue, la responsabilité de ce qui s’est passé incombe aussi et en premier lieu à ces vociférateurs du CFCM et au recteur de la Grande Mosquée de Paris, lesquels, souvenons-nous, avaient mobilisé les musulmans contre Charlie-Hebdo suite aux caricatures sur Mahomet, en organisant des manifestations et rassemblements de croyants à grande échelle dans la plupart des grandes villes de France. On n’appelle pas à des rassemblements contre Charlie-Hebdo sous prétexte d’offense porté à l’islam pour ensuite venir faire semblant de pleurer les victimes des attentats du 7 janvier, en toute impudeur! Il est grand temps de pointer du doigt les vrais coupables, les blâmer et leur faire porter leur part d’irresponsabilité et de faillite à leur mission, celle de n’avoir pas su empêcher que de jeunes innocents soient formatés pour tuer et se suicider pour défendre une cause insensée en toute démence, et celle de n’avoir pas su insuffler un islam dépassionné dans cette jeunesse en mal de repères et plongée dans le désarroi et l’amertume d’un quotidien pas toujours gai et enchanteur.

Les attentats contre Charlie Hebdo, tout comme ceux du 11 Septembre 2001 à New York, mettent l’humanité entière devant une responsabilité qui engage l’avenir de la survie même de l’espèce humaine. Une telle responsabilité exige de développer des chantiers d’éducation universelle dans tous les pays de la planète, en particulier dans ces pays musulmans dans lesquels les programmes scolaires gravitent autour d’un endoctrinement pervers qui transforme l’écrasante majorité des collégiens, lycéens et universitaires en farouches combattants d’Allah. C’est une condition nécessaire et certainement suffisante pour la construction d’un monde uniformément civilisé, à même de stopper la propagation vertigineuse du monde des ténèbres. Tel combat d’éveil doit être mené sur le terrain du discours d’alerte partout sur la planète, car il ne s’agit pas de dresser une partie du monde contre une autre, l’une qui serait évoluée et l’autre pas, mais d’arrondir les différences des uns et des autres à travers une charte morale universelle qui écarte toute référence à ces textes au nom desquelles la violence est érigée en mode opératoire exclusif comme du temps les plus reculés des croisades et autres expéditions fanatiques entreprises par toutes les religions pour conquérir et asservir des peuples inoffensifs partout sur la planète. Il s’agit donc d’une définition générique du terme civilisation, une définition qui ne laisse pas le moindre espace à quelconque amalgame comme semblent le ressentir les musulmans face à des propos sommes toutes rationnels qui osent pointer du doigt l’Islam. À moins de faire preuve d’une mauvaise foi primaire, comment renier l’évidence criarde que la racine du mot islamisme se trouve bien dans les cinq premières lettres qui composent ce mot ? Que les grands ulémas musulmans nous expliquent et nous proposent les moyens d’éviter l’amalgame qui est fait entre islam et islamisme alors qu’ils refusent tous l’idée d’une réforme de fond des textes, une réforme urgente qui nécessite du courage intellectuel à même de nettoyer le Coran de tous ces appels explicites au meurtre que les extrémistes de tous bords appliquent au premier degré.

Ce que vient de vivre l’Hexagone nous touche profondément, nous qui avons fui la barbarie islamiste des années 1990 en Algérie pour venir nous réfugier en France. J’avoue qu’au soir du 7 janvier, l’idée d’aller vivre ailleurs trottait sérieusement dans ma tête. Mais cette idée s’est dissipée le soir du 11, suite à cette symbiose magnifique entre le peuple et ses représentants, réunis pour une même cause, un même combat : ceux de dire non à la barbarie islamiste! L’islamisme avait pourtant été vaincu en Algérie avant d’être réintroduit par Bouteflika, cet islamiste déclaré, l’ami que la France officielle soigne et soutient sans le moindre état d’âme, alors qu’il fait partie de ceux qui ont encouragé les filières islamistes en Algérie en pardonnant aux assassins, et par voie de conséquence en France aussi. N’avait-il pas affirmé toute honte bue "je me sens plus proche des islamistes que des démocrates" ? À ce propos, il est bien dommage que la France officielle n’ait pas tendu la main aux démocrates algériens, car cela faisant, le terreau de l’islamisme aurait été épuré depuis plus de 20 ans. Au lieu de cela, on a offert l’asile politique aux sanguinaires du GIA et soigné monsieur Bouteflika, leur représentant légal.

Dommage aussi que le sursaut républicain du peuple Français fut entaché de la présence de représentants insolites tel que ce prince d’Arabie Saoudite, présence qui relève de l’hypocrisie la plus absolue. Car comment continuer à fermer les yeux sur ce qui se passe à la source même de l’Islam, dans cette même Arabie où un jeune blogueur vient d’être condamné à 10 ans de prison ferme et 1000 coups de fouets aux motifs qu’il aurait insulté et renié l’islam (?). C’est le monde à l’envers, une bande de vieux tarés qui s’acharne sur une jeunesse éprise de liberté ! Malheureusement, c’est le même schéma, conforme à une espèce de géométrie fractale, qui se reproduit dans tous les pays musulmans. À l’image de ce vieillard agonisant que la France soigne et cajole et qui s’accroche désespérément au pouvoir pendant qu’il n’est donné d’autre choix à la jeunesse algérienne que celui de glisser dans le moule d’un message aliénant ou de prendre les chemins de l’exil, bien souvent au péril de sa vie.

On pourra toujours rétorquer que Benyamin Netanyahu no plus n’avait pas sa place dans ce cortège de paix. À part que Benyamin Netanyahu ne maltraite pas son propre peuple. Quant au sionisme qu’il représente, cela est une autre histoire.

Le massacre perpétré contre Charlie Hebdo aura le mérite de dessiner les contours d’une conscience républicaine plus que jamais d’actualité, ceux d’un esprit et d’une cause Charlie qui se doivent d’être partout semés, car :

Être Charlie, c’est refuser toute forme de barbarie !

Être Charlie, c’est lutter pour la liberté de penser et de s’exprimer!

Être Charlie, c’est refuser tout fanatisme et tout racisme qu’il soit politique, ethnique ou religieux !

Être Charlie, c’est perpétuer le combat de Saïd Mekbel, Tahar Djaout et bien d’autres afin que de leur sacrifice jaillisse la flamme qu’ils ont tenté d’allumer pour nous en Algérie avec les étincelles de leurs plumes.

Être Charlie, c’est refuser de célébrer la mort, en consacrant la vie !

Être Charlie, c’est accepter la provocation et la parodie sans limites pour préserver le rire, ce propre de l’homme, l’unique caractéristique qui le sépare de l’animal.

Être Charlie, c’est ne pas se laisser charmer par des discours factices et fascistes !

Être Charlie, c’est vibrer en permanence aux rythmes de «Keep zen, say no-Lepen !»

À l’opposé ; ne pas être Charlie, c’est souscrire à l’horreur indigne du XXIe siècle et verser dans le racisme et/ou le fanatisme primaires !

Ne pas être Charlie, c’est refuser la liberté, l’égalité et la fraternité, ces socles solides que tout monde civilisé se doit d’épouser.

Ne pas être Charlie, c’est accepter de ne plus rire et s’éloigner du propre de l’homme pour se confondre avec le monde animal.

Osons dire, osons nous remettre en question sans nous perdre en conjectures inutiles et farfelues, comme le font la plupart des musulmans invités à s’exprimer sur les plateaux radios-télés. Expressions desquelles ressort une préoccupation unique, celle d’une inquiétude chronique quant à la stigmatisation généralisée des musulmans de France. Bien que telle inquiétude soit légitime cela ne doit pas nous faire occulter des questions fondamentales qu’il serait mal venu d’évacuer en ces moments de questionnements qui engagent l’avenir des enfants du monde, celui de nos enfants à tous:

- L’islam est-il compatible avec le monde moderne ? La réponse est évidemment non ! Comme ne le sont pas les autres religions, à la différence, elle est de taille, que les autres religions n’interfèrent plus outre mesure dans les codes de gestion et d’interactions qui régissent la cité.

- Il n’est pas besoin de recourir à de longs discours pour démontrer que toutes les notions modernes de liberté, d’égalité et de fraternité sont bougrement mises à mal par le contenu de tous les textes sacrés, y compris le Coran. Comment parler de liberté quand l’esclavage est reconnu et encore pratiqué comme du temps de Mahomet, et que le crime pour apostasie est soumis à la peine de mort dans de nombreux pays dont l’islam est la religion d’Etat ? Comment parler d’égalité quand la femme, l’autre moitié de l’humanité, est quasiment inexistante dans les sourates, sinon pour lui dicter une soumission aveugle et machiste à son bienfaiteur, l’homme ? Comment parler de fraternité quand, au fil des versets, on encourage le rapprochement entre musulmans et l’éloignement de l’impie, c.a.d. le reste de l’humanité, celle qui refuse la soumission et la conversion au dernier mensonge de Dieu ?

Il n’est pas exagéré d’affirmer que l’Orient et l'islam sont malades. Une maladie que l’Occident a laissé propager en entretenant des liens contre-nature avec des dirigeants cupides, rétrogrades et malveillants, et qui maintiennent leurs peuples dans un état d’aliénation primaire pour mieux les piller. Et l’Occident qui en profite bien s’en est rendu complice sans le moindre état d’âme. Il serait bien plus généreux de chercher les moyens efficaces de soigner cet islam malade de ses dirigeants au lieu de lui emboiter le pas dans une surenchère de violence et d’exclusion de tout ce qui ne ressemble pas à une jolie tête blonde. N’est-ce pas pape François ?

À cet égard, un texte sur l’esprit Charlie ne saurait être complet sans pointer du doigt les responsables politiques qui se sont succédé aux commandes de la France depuis Charles De-Gaule, lesquels ont tous laissé parquer les ethnies maghrébines dans des cités dortoirs pour laisser germer, à foison, une désespérance collective qui a encouragé le repli sur soi de l’écrasante majorité des musulmans. Et pour reprendre une phrase à la mode : Les banlieues françaises ont bel et bien été exclues de la république ! Il faut aussi le reconnaitre pour mieux y remédier. "Cachez ces bougnoules que nous ne saurions voir !", pour verser dans la provoc et le style Charlie-Hebdo. De plus, même les maghrébins intégrés au sens universel du terme font souvent face à une discrimination insidieuse quand elle n’est pas carrément assumée au grand jour dans certains milieux professionnels. Une ségrégation qui remonte jusqu’à l’enceinte de l’Elysée avec le fameux "allez, fi- saâ !" rapporté par Azouz Begag.

Au nom de l’esprit Charlie, déballons tout, débattons de tout, mais "Keep zen, say no-Lepen !".

Quant à nous musulmans, croyants ou non, pratiquants ou non, il est temps de substituer à la foi religieuse destructrice, une foi citoyenne fédératrice pour que pétille la France des lumières et un monde que nous voulons toujours meilleur pour nos enfants. L’Algérie et ses dictateurs militaro-islamistes nous ont chassés, il est de notre devoir de contribuer à élever la fraternité dans ce pays qui nous a accueillis pour que jamais plus d’autres Charlie ne tombent sous les balles de la folie meurtrière des islamistes.

Mais tel vœu restera vain et pieu tant que la France et le monde se refusent à comprendre que si de plus en plus de jeunes se rabattent sur le ciel et ses promesses, c’est qu’on n’a pas su leur proposer une raison de vivre sur Terre. Qui doit assumer telle déviance sociale sinon les responsables politiques qui n’ont pas su les intégrer dans le giron de la république, avec en prime ces discours d’identité nationale mal énoncés qui ont exaspéré un communautarisme à fleur de peau de tous ces musulmans parqués dans des ghettos?

Il est long, il est loin le chemin de grâce pour tous, mais il est temps de conjuguer nos efforts pour l’accomplir et aspirer au bien-être de l’humanité. Et seule une liberté d’expression saine, illimitée et dépassionnée peut l’en paver.

Pour toutes ces raisons, Charlie, je le suis aujourd’hui, je le serais demain jusqu’au dernier souffle de ma vie !

Kacem Madani

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Commentaires (17) | Réagir ?

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Jean-Claude Bergès

Je ne suis ni croyant, ni incroyant : Je suis. Je n'ai pas besoin, dans ma vie que quelqu'un me dise quand je fais le mal, je le sais, ni quand je fais le bien, je le sais aussi. Aussi ma responsabilité envers les miens est totale. Et si Dieu existait, il ne pourrait me juger plus durement que moi-même, je n'ai donc pas peur de lui.

Par contre j'ai peur de celui inventé par certains hommes, qui n'est pas qu'Amour et Pardon.

D'origine Chrétienne, j'ai aussi les guerres de religion, les croisades, en travers de la gorge. L'Islam non plus n'est pas exempt de ces dérives. Trois livres donneraient les consignes de vie aux humains. Je ne peux prétendre m'immiscer dans les règles des croyants, mais il est dit dans ces livres qu'il faut les lire avec intelligence et non comme un recueil de règles à suivre "au pied de la lettre". C'est à mon avis ce qui fait la différence entre une religion vivante et une dérive sectaire de la croyance.

La France est un pays laïque, c'est à dire que les règles qui régissent le "vivre ensemble", les lois, permettent aussi de vivre librement n'importe quelle croyance, n'importe quelle foi, tant qu'elle n'est pas contraire au "vivre ensemble". N'est-ce pas le premier pas vers un monde de paix de tolérence et d'amour.

Et après, il y a ce que les monde de la finance mondiale, les tenants du capitalisme qui asservit l'homme et la planète nous impose de plus en plus. Notre véritable émancipation n'est-elle pas dans ce combat là ?

Fraternelles salutations

Jean-Claude

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khelaf hellal

Vous avez raison, il n'y a pas lieu d'avoir peur de Dieu s'il existe, il n'a jamais fait de mal à une mouche, et même s'il est offensé, insulté, renié, il ne répond jamais par une violence terrible comme le carnage perpétré par les fréres Kouachi à Charlie Hebdo. Ce qui fait qu'on a plus peur des menaces et des atrocités venant des fous de Dieu, de ces terroristes fanatiques que de Dieu lui-même. L'arnaque des consciences réside justement dans cette peur de Dieu qu'ils tiennent à répandent dans les esprits comme une trainée de poudre pour asservir et faire soumettre ceux qui les écoutent, la peur de ses châtiments, le jugement dernier, son enfer etc... Et ainsi par la peur, ils inhibent leur volonté et leur capacité de raisonnement, l'esprit est mis en situation de réceptivité passive de telle maniére à lui faire admettre plus facilement n'importe quel message, jusqu'au baratin interminable des charlatans.

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