Chute des prix du pétrole : l’Algérie, aucune inquiétude… ?

Il est urgent que l'Algérie cesse de compter sur ses recettes pétrolières avant qu'il ne soit trop tard.
Il est urgent que l'Algérie cesse de compter sur ses recettes pétrolières avant qu'il ne soit trop tard.

Le prix à terme du Brent pour janvier 2015 s’est échangé le 1er décembre à moins de 68 dollars (67,53) soit son plus bas niveau depuis la crise économique de 2008.

Celui du Light Sweet Crude quant à lui est remonté à 66,59 dollars le baril contre 63,72 la matinée de la même journée, il a perdu tout de même près de 20% de sa valeur en novembre. Le Brent qui reste le plus représentatif avec plus de 2/3 des échanges mondiaux et se compose principalement de pétrole de la mer du Nord, est le plus prés de celui Algérien par sa légèreté et son taux de souffre réduit. C’est l’un des plus chers au monde. Parce que c’est un pétrole léger, à moindre teneur en soufre. Il est de ce fait apprécié des raffineurs. La variété de brut algérien est appelée Sahara Blend. Son prix s’établit en fonction du marché de Londres. Le pétrole Algérien bénéficie en plus d’une prime de qualité qui varie selon l’offre et la demande de bruts légers. Elle peut osciller entre 40 cents et 4 dollars. Or, C’est justement ce type de brut léger qui est en surplus sur le marché et qui de ce fait accentue la chute des prix. C’est le pétrole Algérien qui allège celui du Venezuela pour pouvoir l’écouler sur le marché Américain parce que le pétrole de schiste a atteint les qualités de légèreté apprécié par les raffineurs et cela leur permettra de s’en passer des pays producteurs de l’OPEP. Le Venezuela est l’un des pays le plus touché par cette baisse puisqu’il aura besoin de vendre son baril à prés de 160 dollars pour équilibrer son budget et faire face aux besoins de son économie. Il a tenté en vain avec l’Algérie, l’Iran, la Libye et le Nigeria de convaincre l’Arabie Saoudite de réduire sa production. Cette demande, non seulement n’arrangeait pas les visées politiques saoudiennes mais la quantité demandée semble impossible à réaliser : il faut au moins réduire le quota de l’OPEP de plus de 3 millions de barils pour faire réagir le marché. A la dernière réunion, les membres de cette organisation qui sont les plus touchés n’ont rien pu faire face au droit de veto saoudien. Le Venezuela, visiblement le plus déçu vient de prendre la décision de procéder à des coupes budgétaires en commençant par réduire les salaires des fonctionnaires. Cette décision est tellement difficile que le président Maduro et les membres de son gouvernement devront donner l’exemple en premier lieu. Cette situation inquiétante pèse également voire même lourdement sur l’Algérie, dont les recettes en devises avaient déjà commencé à se contracter considérablement depuis le début de l’année, du fait surtout de la baisse de sa production d’hydrocarbures et par conséquent des quantités de pétrole et de gaz exportées Quels sont les autres pays qui vont suivre l’exemple Vénézuélien ? A qui profite cette chute des prix du baril ? Et surtout jusqu’à où cette baisse va-t-elle aller ?

1.- Il n’y a pas que les pays producteur qui souffriront de cette baisse

Certains pays importateurs notamment l’Europe et les États-Unis ne vont pas se réjouir de l’allégement de leur facture énergétique car ils feront aussi face à un danger de taille: la déflation. Selon les calculs de Barclays, une baisse du baril de 10% provoque un recul des prix à la consommation de 0,1%. Si elle se confirme, la déflation a des conséquences désastreuses pour les finances des États. En Europe, selon le même rapport, cette situation est négative. Elle complique la tâche sur le plan de la politique monétaire, explique-t-on chez Saxo Bank. Les banquiers centraux pourraient être amenés à poursuivre ou intensifier leur politique monétaire accommodante. Ensuite à ce niveau des prix, les producteurs américains de gaz de schiste et dans les eaux profondes ne peuvent plus trouver leur compte dans les opérations de forage qui deviendront non rentables. Le boom des énergies non conventionnelles, notamment aux États-Unis, est l'une des raisons de la baisse des prix du baril. Mais le recule prolongé des cours menace la rentabilité de ce secteur. L'exploitation du gaz de schiste devient difficilement tenable lorsque le baril passe sous les 80 dollars. D'après l'Agence internationale de l'Energie, la baisse des prix du pétrole pourrait entraîner une chute de 10% des investissements dans le schiste en 2015 aux États-Unis.

A noter également que lorsque le pétrole devient moins cher, les énergies vertes sont directement concurrencées. De l’autre côté et en dehors de l'Arabie Saoudite et de la péninsule arabique, les pays exportateurs de pétrole ont besoin d'un baril élevé, supérieur à 100 dollars pour boucler leur budget. La situation comme on l’a précédemment évoqué est actuellement tendue dans les pays comme le Venezuela, l’Algérie, le Nigeria, l’Iran, l’Iraq et surtout la Libye. Dans ces pays, l'équation budgétaire reste apparemment très compliquée Il y a même des rumeurs de défaut de paiement. L'Iran, pour qui l'or noir reste la première source de revenus en devises, devra aussi faire face cette année à un déficit des recettes pétrolières de l'ordre de 8 à 10% car son budget était calé sur une prévision de baril à 100 dollars. Même tension au Nigéria où l'or noir représente 83% des exportations et 70% des recettes de l'État. La Russie, qui avait aussi fixé ses prévisions de budget sur un baril à 100 dollars, est doublement perdante, d'un point de vue économique mais aussi politique. L'Arabie Saoudite et son allié les États-Unis semblent s'être entendus pour maintenir les prix bas et affaiblir Moscou. Il ne faut perdre de vu que l'Arabie Saoudite, premier pays exportateur de pétrole, risque aussi de faire face à un déficit budgétaire l'an prochain mais les énormes réserves de devises du pays devraient lui permettre de financer ce déficit sans avoir à réduire drastiquement ses dépenses ou d’une manière plus simple pour aboutir à ses visées d’abord multiple puis d’ordre stratégique.

2.- Et l’Algérie dans tout cela !

L’Algérie ne semble pas s’inquiéter outre mesure de la baisse des réserves de change. En effet, Elles se sont contractées à 193,269 milliards de dollars à fin juin 2014, après une progression au second semestre 2013 à 194 milliards de dollars en fin de période.

Corrélativement à l’effet de valorisation, l’encours des réserves de changes (or non compris) a progressé à 194,961 milliards de dollars à fin mars 2014, pour ensuite se contracter au second trimestre 2014. Malgré cette «tendance défavorable», la Banque d’Algérie considère que le niveau des réserves de changes reste «adéquat pour permettre à l’Algérie de faire face à une persistance du choc sur la balance des paiements extérieurs pour le reste de l’année ou au-delà. En ce sens, l’on note un encours historiquement bas de la dette extérieure (3,719 milliards de dollars à fin juin 2014 contre 3,396 milliards de dollars à fin décembre 2013) qui «concourt à la position financière extérieure nette», même si cet endettement a progressé de 323 millions de dollars. (01) Les disponibilités du Fonds de Régulation des Recettes se sont amenuisées durant le premier semestre 2014 de plus de 6 milliards de dollars. Les indicateurs financiers du pays semblent virer au rouge, les exportations d’hydrocarbures diminuent mais les importations augmentent, les déficits de la balance des paiements se sont aggravés durant cette période, mais les responsables politique restent optimistes pour dit-on ne pas saper le morale des Algériens.

3.- A qui profite cette baisse du baril ?

Les grands consommateurs d'or noir devraient voir leur facture énergétique s'alléger. Pour la Chine, deuxième importateur net de pétrole au monde, la baisse actuelle des cours, si elle se maintient, lui fera économiser 60 milliards de dollars sur un an, estime une enquête de The Economist. Avec une facture énergétique de 500 milliards d'euros par an (2014), l'Union européenne pourrait voir cette note baisser sous les 400 milliards avec un baril à 85 dollars. La faiblesse de la devise européenne face au dollar devrait toutefois limiter les effets positifs de la baisse des prix du pétrole, les achats se faisant en billets verts .Globalement, une baisse durable de 25% des prix du pétrole peut faire grimper la croissance économique mondiale de 0,5%, avance l'hebdomadaire britannique. Ceci pourrait expliquer en partie le saut fait par la croissance économique Française de 0,3% ce dernier trimestre. Pour un analyste de Saxo Bank, "l'Arabie Saoudite et l'ensemble de la péninsule arabique restent les grands gagnants. Ils profitent d'un baril peu cher pour gagner des parts de marché alors qu'ils avaient perdu du terrain face au schiste". Pour les compagnies aériennes, le kérosène représente entre 30 et 35% des coûts (9,2 milliards d'euros l'an dernier chez Air France par exemple, pour un baril au prix moyen de 109 dollars). Si la baisse des prix du pétrole se poursuit, cela leur permettra principalement de restaurer leurs marges. La filière chimique, pour qui la facture énergétique s'élève à 8 milliards d'euros, devrait elle aussi profiter de la baisse. Mais les effets ne sont pas encore visibles. Il faudrait pour cela que le recul des prix du baril soit durable, Ces groupes doivent également jongler avec la parité euro/dollar. Pour les routiers en revanche, l'effet d'aubaine se mesure déjà. D'après la Fédération nationale des transports routiers, la baisse moyenne de 4,5% des prix du gazole entre novembre 2013 et octobre 2014 a déjà permis d'économiser 318 millions d'euros. Certes, par exemple en France, l'importance des taxes dans la formation des prix du carburant limitent la baisse des prix à la pompe, tout comme la faiblesse de l'euro. Mais l'effet est quand même là, le gazole a baissé de 5,4% sur un an à 1,252 euro le litre. Le sans plomb 95 a de son côté reculé de 4% sur cette période, à 1,434 euro/litre. Aux États-Unis, où les taxes sont moindres, le département américain de l'Énergie a calculé qu'une baisse des prix du baril de 100 à 70 dollars représente une économie de 30 milliards de dollars par an pour les ménages.

4.- Cette tendance va-t-elle durer dans le temps ?

Une consommation d'énergie accrue mais une demande qui se tasse au fil des ans. C'est ce qui ressort des prévisions de l'Agence internationale de l'Energie, qui publie au mois de novembre dernier sa grande étude prospective annuelle. 37% serait la croissance attendue de la demande mondiale d'énergie d'ici 2040 selon le scénario central de l'AIE. Cette prévision est très éloignée de celle de l'Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP) qui avait estimé, dans sa dernière étude prévisionnelle, à 60% la croissance de la consommation mondiale d'énergie à cette échéance. D'après l'AIE, la géographie de la demande mondiale sera profondément bouleversée. La consommation d'énergie stagnera dans la plupart des pays européens, au Japon, en Corée du Sud et en Amérique du nord. Les nouveaux moteurs de la demande se trouveront dans le reste de l'Asie (notamment en Inde et en Asie du sud-est) qui représentera 60% de la demande mondiale, en Afrique sub-saharienne, au Moyen-Orient et en Amérique latine. Cette agence estime à 1% le rythme de croissance annuel de la demande mondiale d'énergie après 2025. La demande va donc se tasser puisque la hausse était de plus de 2% par an au cours des deux dernières décennies. "La croissance démographique et économique sera moins consommatrice d'énergie qu'auparavant", écrit l'AIE. Le «changement structurel de l'économie mondiale au profit des services et d'une industrie plus légère» va ralentir la demande mondiale d'énergie, tout comme la hausse des prix.

5.- Conclusion

On constate de visu que cette baisse des prix du brut qui sera suivie sans aucun doute de ceux du gaz a été de bonne augure pour de nombreux pays déjà en difficultés comme la France, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, la Grèce et bien d’autres. Ajouté aux efforts de rigueur budgétaire qu’ils prévoient d’entreprendre, cela va certainement faire partir la croissance européenne et, partant mondiale. Mais espérer un prix à 140 dollars comme veulent de nombreux pays de l’OPEP, cela va prendre plusieurs années. Donc il est urgent pour ces derniers pays de prendre la diversification de leurs économies au sérieux.

Rabah Reghis, Consultant et Economiste Pétrolier

Renvoi

(01) Lire le dernier rapport de conjoncture de la Banque d’Algérie

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Commentaires (2) | Réagir ?

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R A M E S S E S II

De Ain Zeft à Ain Salah en passant par Sidi Aissa que des barils pompés, dans peu de temps vous n'aurez que les larmes comme pétrole, vous ne voulez pas écouter ni entendre le cri des Outardes!

On est drogué au pétrole, et vivement la fin de cette malédiction, et retour aux racines, dieu soleil, et le dieu du vent, maintenant vous avez de quoi zigoter pour 5 ans de plus après vous allez prendre une charrette en stop!

RMII

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Massinissa Umerri

Ces chiffres sont beaux, mais ne representent pas la realite' d'une dynamique complexe - oui complexe comme dans les nombres complexes - il y a une partie reelle et puis l'imaginaire. Puis il y a cette verite' que tout cela, c. a. d. la speculation/prevision n'est que de l'imaginaire calcule', et extrapole' avec l'imaginaire - il devient necessaire de peser le poids de celui-ci dans toutes ces equations. Pour ainsi dire, toutes ces previsions faisaient partie de l'improbable, il y a quelque temps - et les voila qu'elles s'imposent comme Donne'es, unrefutables. Les Etats-Unis declarent la guerre a la Russie de Putin, et la 1ere des actions dont telles manoeuvres, sont d'ordre strategiques, c. a. d. detruire les moyens defense comme d'attaque de l'ennemi - La Russie n'est plus l'adversaire ou le partenaire-soupsonne' a contenir, il est pointe' du doigt et NOMME' puis qualifie' d'ennemi - pas seulement par l'administration Obama, mais tout le politique Americain, c. a. d. l'Amerique (seul position partage'e par le Senat et le Congre' et Maison Blanche depuis 9 septembre 2001 - republicains et democrates) - Une action a laquelle adhere systematiquement les allie's. Cette resolution renseigne donc, sur ce qui va suivre. http://rt. com/usa/211527-representatives-condemn-russia-aggression/

Enfin, concernant l'algerie - En effet, ce n'est pas les forces de repression qui devoir doubler le ramadhan, ou les projets grandiose (a commissions suculeuses) qui disparaitre, mais le chaab qui va devoir bouffer plus d'OMG (qui vient de se faire liberer par Bruxelles) - L'agro-alimentaire cancereux va passer a la vitesse superieure, ainsi que la facture pharmaceutique - Reduire (ou plutot changer) l'import-bagnole Coreen au profit des pharmaciens Europeens.

En conclusion, ca va etre miraculeux, les algeriens sentiront moins que les Venuzueliens ou Iraniens les effets, et personne ne trouvera a dire quand a l'evaporation des 200 milliards, mais surtout la secheresse TOTALE, des reserves. Les generations d'apres?, ils n'auront qu'a bouffer leurs propres enfants, et a suivre le droit chemin - retour aux sources, pas besoin de bagnole ou d'usines Kofr, etc. Tout sera pret, ils seront de bons egorgeurs, ils ne seront necessairement pas les egorge's !

D'ici-la, la corruption et le detournement auront genere' la classe dirigeante de l'economie... tout rentrera en place, l'algerie sera democratique avec ses 3 classes sociales.

Une chose est sure - Cette economie-la, sera tellement ligote'e par des contrats genre renault, qu'il ne s'agira plus d'independance economique a l'independance politique - quoi qu'on y est deja de maniere discrete. Vers la fin de l'anne'e prochaine, ca va etre St. Denis Hallal.