Algérie, ces fantômes qui nous conduisent au désastre

Déjà très diminué, Bouteflika et son clan sont en train de conduire l'Algérie droit dans le mur.
Déjà très diminué, Bouteflika et son clan sont en train de conduire l'Algérie droit dans le mur.

La baisse récemment annoncée des prix des hydrocarbures; si elle affaiblit effectivement le régime politique fantomatique qui nous brime; elle ne garantit pas sa disparition mais annonce plutôt une grave crise sociopolitique.

Il s'agit en fait, comme diraient les mathématiciens, d'une condition nécessaire mais non suffisante. La condition de suffisance tient plutôt au développement de la solidarité entre citoyens et à l'émergence d'idées et de programmes qui tout en maintenant le respect des valeurs spécifiques à notre société permettraient notre intégration et notre adaptation dans la modernité. Cela n'a pas été fait; cela n'est pas facile à faire et franchement c'est pratiquement trop tard pour le faire. Il n'empêche que c'est le respect des différences qui permettra de freiner et de dépasser cette séparation qui semble opposer tradition-religion d'une part et pouvoir militaire absolutiste d'autre part. Ce dernier phénomène semble être commun et mine en particulier le fonctionnement politique des pays arabo-musulmans.

Bien entendu, ce n'est certainement pas en fermant les yeux que l'on empêchera la catastrophe provoquée par ce système en faillite, lequel de surcroît ne peut ni ne veut lâcher la bride ou changer de direction. Le constat est là que même nos fantômes qui sont responsables de ce désastre nous l'accordent. Non, impossible de céder le pouvoir et d'abandonner les avantages y afférents. Pour eux, cela reviendrait à interrompre un rêve paradisiaque pour vivre les yeux ouverts un abominable cauchemar. Et quel cauchemar ! Saddam d'Irak, Kadhafi de Libye, Salah du Yémen, Benali de Tunisie, et Moubarak d'Égypte en sauraient quelque chose à ce propos.

Je propose une approche comparée pour spéculer sur la situation la plus probable vers laquelle on risque de s'acheminer irréversiblement. Pour cela, je retiendrais les quelques pays arabes qui ont déjà bousculé les régimes en place dans le contexte de ce qui est communément appelé révolution ou printemps arabe. Je commencerais par établir une classification de ces pays arabes essentiellement sur la base de deux critères. Le premier critère sera la nature du régime politique dans le pays en question. je distinguerais trois groupes :

(1) les pseudo révolutionnaire (Irak, Libye, Syrie);

(2) les monarchies (Maroc, Arabie saoudite),

(3) les pays à fonctionnement plus ou moins libéral (Tunisie, Égypte, Liban). Le second critère concerne la disponibilité ou pas les hydrocarbures comme source principale de revenus. Le tableau suivant résume le classement de ces pays selon ces deux critères.

  Hydrocarbures Pas Hydrocarbures
Pseudo-Révolutionnaire Irak, Libye Syrie
Monarchie Arabie Saoudite Maroc
Libéral   Tunisie, Egypte, Liban

Ainsi, contrairement à l'opinion générale qui croit que la baisse des prix du pétrole conduirait automatiquement à la ruine du régime politique algérien, il se trouve que conformément à cette classification, cela n'est pas évident. Au contraire, l'observation de ce tableau indique que le devenir de l'Algérie peut plutôt ressembler à celui de l'Irak et de la Libye qui disposent de fortes ressources en hydrocarbures avec le modèle politique des pseudos-révolutionnaires.

Ce qu'il y a lieu de remarquer, c'est que:

- Les monarchies ont maintenu un fonctionnement traditionnel de leurs sociétés avec ou sans ressources d'hydrocarbures. Les souverains, en général, par transmission parentale, par formation dans les meilleures écoles, et par l'importance des enjeux, essayent de gérer au mieux les conflits et les crises. Le pays étant considéré comme une propriété privée, ils ont développé le sens de la responsabilité pour le maintien et la transmission du pouvoir aux héritiers. Dans ces régimes, le maintien de l'équilibre sociopolitique se fait par une négociation permanente qui s'effectue sous différentes formes: religieuses, tribales, corporatistes, familiales. La dichotomie entre monarchie et l'islamisme politique existe mais reste généralement contrôlable puisque ces monarchies font croire justement qu'ils puisent leur légitimité en grande partie de la religion. il y a donc fusion et confusion de la monarchie avec l'islamisme politique et donc sa neutralisation.

- Les régimes pseudo-révolutionnaires se caractérisent par des changements brutaux qui ont été imposé à la société tel que l'adoption formelle et irréfléchie du mode socialiste à des sociétés traditionnelles et colonisées. Ils ont fait perdre a leurs sociétés, leur équilibre naturel et leurs repères traditionnels. Ils utilisent cette fausse alerte permanente de "l'ennemi extérieur jaloux de l'indépendance" alors qu'ils sont les serviteurs les plus soumis à ce même ennemi. Leur incompétence à "gérer" autrement que par la force militaire et la disponibilité des richesses naturelles fait que ces régimes sont les plus instables. Ils mènent immanquablement à une recolonisation sous un aspect "nationaliste" qui s'accommode de l'incompétence, de la médiocrité et de la corruption. Les crises dans ces pays conduisent à des déchirements difficilement réparables. On peut constater que le schéma dichotomique de l'armée et de l'islamisme politique y est persistant auquel se superpose en plus le tribalisme.

- Les régimes à caractère plus ou moins libéral se caractérisent par le manque de ressources naturelles et de ce fait ont été obligé de s'ouvrir au monde extérieur. D'abord, ils ont besoin de l'aide financière extérieure mais tentent tout de même d'encourager le travail et l'effort pour compenser au moins partiellement ce manque de ressources en développant l'agriculture, la petite industrie de transformations, le tourisme, l'artisanat, les services, etc. Par leur relative ouverture, ils font une meilleure synthèse entre leur fonctionnement traditionnel et l'adaptation au monde moderne. Dans ces pays, les changements même s'ils sont très dramatiques ne conduisent pas automatiquement à une totale destruction du pays. Il existe aussi cette dichotomie entre le régime policier-militaire et l'islamisme politique; d'ou une certaine oscillation de l'un vers l'autre.

- La situation de la Syrie, actuellement désastreuse, présente une similitude avec le modèle politique des pseudos-révolutionnaires. Mais comme elle est dépourvue de grandes ressources en hydrocarbures, elle présente aussi une ressemblance fonctionnelle avec les libéraux. La Syrie reste un cas complexe par ses alliances stratégiques. En effet, elle constitue actuellement une ligne de front qui participe d'un équilibre géostratégique international.

Lorsqu'on considère l'état de ces pays, on constate qu'ils oscillent entre le régime militaire absolutiste et une opposition à dominance religieuse. Pour l'Algérie, l'expérience douloureuse des années 1990 a conduit à une perte de confiance profonde et durable de la chose politique. A cause de cela, des voies intermédiaires méritent d'être explorées.

Abdelouahab Zaatri

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Commentaires (9) | Réagir ?

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fateh yagoubi

merci pour l'iformation

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tahar foli

merci pour l'iformation

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