De l’éducation à l’analphabétisme en Algérie

L'Ecole algérienne accuse d'énormes retards.
L'Ecole algérienne accuse d'énormes retards.

"Jadis les analphabètes étaient ceux qui n'allaient pas à l'école; aujourd'hui ce sont ceux qui y vont". (P. Guth)

Pour percevoir autrement le concept d’éducation, caractérisé lors d’une contribution qui se voulait un plaidoyer pour des chaines Tv et radio à thématique éducative (1), il s’agit de voir ici son antagonique qu’est cette notion évolutive de l’analphabétisme, en essayant d’apprécier son poids en Algérie. Dire alors qu’un système éducatif médiocre engendre un analphabétisme étendu, est une lapalissade dépourvue de tout humour.

S’il est usuellement défini comme un individu se trouvant dans l'incapacité ou la difficulté à lire, écrire et compter, l’analphabète, selon l’Unesco (la définition date de 1958) est cette "personne incapable de lire et d’écrire, en le comprenant, un exposé simple et bref de faits en rapport avec la vie quotidienne". En 1978, cette institution note : "Est fonctionnellement analphabète une personne incapable d’exercer toutes les activités pour lesquelles l’alphabétisation est nécessaire dans l’intérêt du bon fonctionnement de son groupe et de sa communauté et aussi pour lui permettre de continuer à lire, écrire, et calculer en vue de son propre développement et celui de sa communauté". Bon nombre de pays développés, faisant face au problème des adultes ayant été scolarisés, mais ne maîtrisant pas la lecture et l’écriture, ont adopté le terme d’analphabétisme fonctionnel. L’encyclopédie Universalis relève que "la notion d'illettrisme a été avancée pour désigner la situation de ceux qui, ayant été scolarisés, se révèlent incapables d'utiliser leurs connaissances pour répondre à certaines exigences minimales de la vie quotidienne (lecture et compréhension d'un mode d'emploi ou d'un horaire d'autobus, remplissage de formulaires administratifs, etc.)", l’illettrisme étant synonyme d’analphabétisme fonctionnel.

Quiconque alors est analphabète fonctionnel si, en dépit de sa scolarisation, il ne lit pas ou peine à lire une notice d’un produit médical ou autre, un article de presse pour s’informer sur ce qui l’entoure, une revue généraliste, un film sous-titré, une affiche publicitaire, une facture quelconque, un document administratif, des livres et autres. Et puis quand on a su déjà lire, mais qu’on ne lit plus, on ne peut maintenir notre aptitude à la lecture, et encore moins la développer. Quiconque est analphabète (inutile de de rajouter "fonctionnel"), s’il ne peut rédiger une demande d’emploi, une requête administrative ou remplir un formulaire. Et s’il ne sait pas compter, en effectuant des opérations élémentaires, telles la multiplication de deux nombres, sans l’usage d’une calculatrice. Peut-on parler dès lors, d’un individu intégré socialement ? Et peut-on comprendre les problèmes du milieu où nous vivons, connaitre nos droits et devoirs ? Puis, quelles sont aujourd’hui, ces activités qui ne nécessitent pas une éducation de base telle que vue par l’Unesco (1) ? Et que dire d’une personne ayant un niveau d’instruction suffisant, mais dépourvue de valeurs citoyennes ? Ce qui vient d’être soulevé, suggère bien évidemment la réalité éducative en Algérie, façonnée depuis un bon bout de temps, par la politisation d’une école infiltrée par les recrues de l’obscurité, ceci en totale contradiction avec au moins, un article de la loi d’orientation sur l’éducation nationale qui stipule que l’ école "doit être préservée de toute influence ou manipulation à caractère idéologique, politique ou partisan".

D’autre part, si l’on ne prend pas en compte, nos concitoyens qui n’ont pas eu la chance de fréquenter les bancs d’école, ou bien ceux qui en ont été prématurément exclus, comment expliquer qu’un étudiant, en fin de cursus de surcroit, ne puisse pas rédiger son mémoire, une thèse, si nous omettons le contenu scientifique de son document ? Ou qu’une personne ayant achevé son cursus et obtenu ses diplômes, ne sache pas écrire une demande d’emploi ou tenir une conversation au moyen d’une seule langue, peu importe laquelle ? Comment est-il possible que des professeurs fassent des erreurs relevant de notions fondamentales dans leur domaine, et corrigées parfois, par des élèves, les anecdotes sur la question étant légion ? Sinon, c’est à l’école qu’on acquiert les outils de base de l’esprit critique, d’analyse et de synthèse. Et c’est à l’école ou dans d’autres cadres, et non pas à l’université qu’on apprend à lire, à écrire et à compter, en dépit de tout ce qu’on peut dire ou redire sur l’enseignement supérieur. Et tant que l’école ne remplit pas ses missions, l’université ne servira que de garderie pour bon nombre d’étudiants, déjà formatés.

Car même avec un diplôme difficilement obtenu, il n’est pas du tout évident pour son détenteur, de décrocher un emploi, les meilleurs étudiants étant recrutés par les organismes de renom, non seulement sur la base d’un diplôme, mais en tenant compte aussi, des notes obtenues lors du cursus et après concours ou sur entretien. En outre, d’aucuns qui ne maitrisent ni la langue d’enseignement, ni les connaissances de base, exigent un Master pour tous, hissés par un nivellement par le bas. Le populisme et l’absence du langage vrai, ne feront qu’amplifier le marasme.

Il est donc plus que temps de revoir les modalités de recrutement à tous les niveaux, dans tous les secteurs, et d’embrayer sérieusement sur la formation "tout au long de la vie", paramètre clef de l’évolution d’une carrière. Il ne faut alors être ni devin, ni trop instruit, et certainement pas myope, pour saisir le lourd impact de l’analphabétisme fonctionnel. Une "éducation" à l’analphabétisme en somme, ce fléau générant d’autres, nettement plus pernicieux. Si la réalité éducative est certes difficile à transformer, en un court délai, il est tout aussi difficile de saisir la lenteur d’actions pour lesquelles les ressources sont disponibles. On peut penser par exemple, encore une fois, aux chaînes éducatives (Tv et radio), puisque les autres outils des TIC (2) ne peuvent être mis en œuvre à court terme, notre pays étant numériquement fracturé. Si nous sommes dans l’erreur, qu’on nous le dise. Tout citoyen aimerait le savoir. Analphabète ou pas. Donc juste une info. Il y a les journaux. La télé et la radio. Merci Messieurs. Sincèrement et respectueusement.

En guise de conclusion, face à une politique balisée par des lois ou autres textes fondamentaux prometteurs, et en présence de nouvelles équipes au discours du sens réconfortant, des actions timides ont cependant, de quoi estomaquer. En vérité, il devient difficile de saisir le poids de poches de résistances, d’inerties, de médiocrités, d’irrationalité, d’ambitions démesurées, disséminées et incrustées au sein de nos institutions, bloquant l’élan d’une Nation vers le progrès. Quel paradoxe, celui où le Laser de la Science semble craindre l’obscurité de l’ignorance !

Rachid Brahmi

Renvois

(1) Rachid Brahmi, in Le Quotidien d’Oran du 27 novembre 2014, «Des chaînes, une éducation pour tous»

(2) Les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) consacrées à l’éducation sont dénommées sous leur acronyme TICE.

Plus d'articles de : Analyse

Commentaires (4) | Réagir ?

avatar
adil ahmed

merci

avatar
Guel Dring

Le monde à l'envers ? Ce sont des signes qui conditionnent l'approche du principe que devra suivre le soleil en se levant de.... l'occident (l'Ouest)

plus grand signe prédit par le Prophète Mohamed (qssl) où tout les Humains se rendront à l'évidence

" Si l'ordre (la responsabilité) est attribué au non méritant attends-toi à l'Heure. "

"Qui se repent AVANT que le soleil ne se lève à l'Ouest verra son repentir agréé par Dieu ".

visualisation: 2 / 4