Emeutes : Oran en état de siège

Emeutes : Oran en état de siège

Au troisième jour de l’émeute, Oran est une ville fermée. Hier mercredi 28 mai 2008, alors que tout semblait calme et rentrer dans l’ordre, même si rares sont les commerces qui avaient ouvert, les Oranais vaquaient à leurs occupations tout en évoquant les événements de la veille, quand soudainement, vers 10h30, un mouvement de panique s’est de nouveau emparé de la ville.

La tension persiste donc. Après un tour en ville, nous constatons que les «lanceurs» de pierres sont revenus à la charge dans plusieurs quartiers et les brigades antiémeutes leur bloquaient le passage pour tenter de les canaliser et éviter leur dispersion comme ce fut le cas les deux premiers jours des émeutes. C’est le cas de la place d’Armes, de Saint- Pierre, où des jeunes dissimulaient des bouteilles de vinaigre, ce qui n’augurait de rien de bien rassurant. Les banques publiques étaient toutes fermées ainsi que les institutions de l’Etat ; toutes craignaient d’être la cible des casseurs qui en voulaient aux symboles de l’Etat. Au deuxième jour de l’émeute, la rue oranaise a vécu des moments d’une rare violence qui est montée d’un cran vers 18h notamment au niveau du centre-ville, à la rue Larbi-Ben M’hidi, qui faut-il le signaler avait subi il y a quelques jours le retrait par les autorités locales des fils électriques pour on ne sait quelle raison, dès lors la rue était plongée dans le noir, un noir qui a surtout profité aux émeutiers rendant difficile l’intervention des services de sécurité. Cette rue qui donne sur plusieurs chauds quartiers tels que Cavaignac et Saint- Pierre a connu une certaine forme de «solidarité des clans» entre les jeunes de ces quartiers qui d’ordinaire sont des bandes rivales. Alors que l’annonce faite au JT du 20h de mardi d’un éventuel «championnat à blanc permettant au MCO d’être maintenu en première division devait calmer les esprits, la nuit a profité aux pilleurs qui, constatant le retrait partiel de la police, se sont mis à piller les commerces du centre-ville ainsi que ceux de Choupot, une artère très commerçante.

Les caids de la rue

Dans la soirée de mardi, deuxième jour des émeutes, les scènes auxquelles les citoyens ont assisté, impuissants, face à la colère et au déchaînement d’une rare violence, sont sans précédent. Des feux allumés, des pneus brûlés, des cabines téléphoniques arrachées, des jets de toutes sortes de projectiles… les émeutiers étaient, et pour un bon moment, «les caïds» de la rue. Ce n’est qu’aux environs de 19h30 qu’un renfort important des forces de sécurité est intervenu pour rétablir l’ordre. Ce ne fut pas une mince affaire puisqu’elles devaient leur courir après dans tous les sens et devaient parfois défoncer les portes des immeubles où certains émeutiers s’étaient réfugiés. Après l’annonce au 20h de l’ENTV, d’un éventuel championnat à blanc et de l’ouverture d’une enquête sur la gestion des finances du club, les manifestations ont repris de plus belle. Les Hamraoua ont investi de nouveau la rue… La donne semblait pour un bref instant changée et force de l’ordre et émeutiers avaient cessé de s’affronter et les jeunes scandaient des slogans de victoire arrachée, estimaient- ils, grâce à leur révolte : «vive MCO à nous la reconquête de la première division, vive El Hamraoua…». A 21h, le calme semblait revenu, seule la désolation et les grandes pertes financières et morales sont restées ancrées dans les esprits. Malheureusement, il ne s’agissait que d’un leurre car quelques minutes plus tard (21h15), on remarque un mouvement suspect de bandes de jeunes munis de barres de fer et de barricades et qui semblaient décidés à aller jusqu’au bout d’une révolte peu commune. La nuit promettait d’être assez mouvementée, et les pillages faisaient sûrement partie de leur plan. La plupart des propriétaires des commerces ont amené leurs propres vigiles pour veiller sur leurs biens, certains ont même préféré y passer la nuit, car les rôdeurs en moto n’auguraient rien de rassurant. Il était clair qu’ils guettaient les commerces au grillage fragile et s’informaient sur le type de marchandises s’y trouvant. D’autres commerçants ont tout simplement vidé leurs magasins jusque tard dans la nuit. L’information s’est vite confirmée puisque l’on saura vers 22h que plusieurs quartiers connus pour leurs magasins de prêt-à-porter ont été pillés notamment à la rue Larbi Ben M’hidi, Khemisti ou encore l’avenue Choupot où les citoyens étaient impuissants face à ces scènes de vandalisme. Leurs appels incessants à la police n’ont pas empêché les pilleurs d’agir. Vers 23h, la lourde tâche est revenue aux éboueurs qui s’affairaient à nettoyer les rues du mieux qu’ils pouvaient car ce n’était pas si évident d’y parvenir tant les dégâts, les détritus et autres débris de la casse étaient éparpillés partout.

Chaos

Au lendemain des affrontements d’hier, Oran s’est réveillée dans un piteux état. Alors que les citoyens pensaient que les choses étaient rentrées dans l’ordre, dans la matinée, la rumeur d’une nouvelle émeute sans précédent circulait et la rue a de nouveau été désertée et les commerces fermés. Les ménages ont eu du mal à s’approvisionner et un vendeur de viande nous confie «les habitants ont fait de grandes provisions comme si une guerre allait éclater !». Une ménagère nous interpelle pour nous dire qu’«au lieu de piller, qu’ils parlent de la cherté de la vie nous n’en pouvons plus !» une autre nous dira que «les boulangeries sont toutes fermées, on dit qu’il n’ y a plus de farine mais que se passe-t-il, Oran est livrée à un triste sort !». Une remarque qui a été faite par plusieurs citoyens qui estimaient que la présence policière n’était pas aussi importante face à l’insécurité et à l’anarchie qui profitaient aux émeutiers. «Pourquoi n’ont-ils toujours pas fait appel à des renforts plus importants ? Qu’est-ce qu’ils attendent ? On ne se sent pas en sécurité !» A midi, une ambiance très tendue était perceptible et les affrontements ont repris entre les forces de l’ordre et les émeutiers, qui étaient de plus en plus nombreux au niveau du quartier de Saint-Pierre et de la rue d’Arzew (rue Ben- M’hidi) où des renforts importants de police ont commencé à affluer au niveau de ces quartiers et se sont déployés dans les ruelles pourchassant les émeutiers et effectuant des arrestations. D’épais nuages de bombes lacrymogènes obscurcirent le ciel et seul le recours au vinaigre, pouvait apaiser l’effet de ce gaz. Jusqu’aux environs de 16h, le déploiement des services de sécurité était maintenu et les émeutiers tentaient de revenir à la charge avec des jets de pierres et des insultes. La tension a atteint un degré de non-retour qui fait craindre le pire. Des renforts de police quadrillent le centre-ville

Vers 17h, le redéploiement des forces de sécurité et les multiples arrestations commençaient à restaurer le calme même si certains tentaient toujours de revenir à la charge. La situation n’était pas totalement maîtrisée puisqu’à chaque fois que les forces de sécurité quittaient les lieux, les émeutiers se regroupaient de nouveau et allumaient le feu tout en lançant des projectiles. Ainsi, la police est resté en position au niveau des quartiers chauds pour empêcher le retour de la violence. Ailleurs, nous apprenons que le calme est revenu même si des attroupements étaient toujours signalés. Au niveau du commissariat central, un autre attroupement a été signalé, mais il s’agissait des familles des jeunes arrêtés, venues s’enquérir du sort réservé à leurs enfants, mais leurs tentatives se sont avérées vaines. Concernant le nombre des arrestations, aucune information ne nous a été communiquée même si de toute évidence, le nombre a dû augmenter en ce troisième jour d’émeute. Vers 17h30, même si une certaine accalmie s’était installée depuis l’arrivée des renforts, les commerçants n’ont pas voulu prendre le risque de rouvrir leurs magasins, une attitude qui sera, nous diton, maintenue jusqu’à samedi quand la situation sera plus calme et surtout plus stable. Toutefois, les Oranais espèrent que le marché des fruits et légumes ainsi que les boulangeries seront ouvertes, faute de quoi, ils auront du mal à s’approvisionner. Tous souhaitent le retour au calme et l’apaisement.

Source : Amel B. (Le Soir)

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Commentaires (48) | Réagir ?

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papaciny

je suis attristé de voir ma ville dans cet état 2 ans sans la voir et ensuite la voir comme ça me désole mais nous svaons tous d ou vient l erreur combien de temps peut t on tenir une cocotte minute sous pression ? toujours est il que la terre lasse de voir le désastre c'est secouée en signe d avertissement après bien entendu l accord du tout puissant

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Majid de paris

C'est simplement le signe avant coureur d'une nouvelle révolution du peuple affamé... comme ce fut en octobre 1988... ! Rappelez vous nous étions jeunes étudiants insouciants et rebelles.. !

Et pourtant à l’époque « El Heda » était facile …

Bon Courage Compatriotes

Majid 2 Paris

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