Climat : l’ONU au pied du mur

Le réchauffement climatique ne semble pas inquiéter les Etats.
Le réchauffement climatique ne semble pas inquiéter les Etats.

Le manque de résultats concrets au sommet sur le climat le 23 septembre au siège des Nations unies à New York peut-il menacer l’existence même de l’ONU ?

Malgré les nombreux sommets de l’ONU contre le réchauffement climatique, les concentrations de dioxyde de carbone, de protoxyde d'azote et de méthane ont atteint de nouveaux pics en 2013. Toutes les interventions des Nations unies et de leur secrétaire général, Ban Ki-moon, n’ont pas empêché la concentration de méthane dans l’atmosphère d’être actuellement à 253 % de ce qu’elle était en 1750. C’est 142 % pour le CO2 et 121 % pour le protoxyde d’azote. Est-ce que l’ONU serait finalement une façade qui permet à des pays de continuer des actions qui mettent à mal la planète entière ? Faut-il un organisme plus contraignant ? Les 120 chefs d’État et la centaine de responsables de la société civile et de multinationales appelées par l’ONU à New York le 23 septembre peuvent fournir une partie de la réponse.

L’ONU n’a pas su corriger les dysfonctionnements de la Société des Nations qui a failli à son devoir et a été dissoute en 1946 après la seconde Guerre mondiale. L’Organisation a alors hérité des propriétés, mandats et services de la SDN, mais a été impuissante pendant pratiquement toute son existence et plus récemment face au sort de la Crimée, à l’avancer du M23, lors des massacres commis par Israël au Liban ou pour désarmer le Hezbollah. La paralysie qu’entraîne le droit de veto de certains grands pays qui ont une place permanente au sein du conseil de sécurité rapproche l’ONU du triste sort de la SDN. Ses liens financiers peuvent être une des raisons de cela. Si l’ONU a 192 pays membres, son fonctionnement est payé à 22% par les États-Unis, 16,62% par le Japon, 8,58% par l’Allemagne, 6,64 % par le Royaume-Uni, 6,30% par la France, 5,08 % par Italie, 2,98% par le Canada, 2,97% par l’Espagne et 2,67% par la Chine. On n’a donc pas à être surprise que l’Organisation n’ait pas acquis une capacité d’action propre et reste encore dépendante des États. Comme plusieurs de ses bailleurs de fonds pourraient être victimes de ses actions, elle est intentionnellement maintenue comme un instrument à la disposition des puissances qui la composent. Face aux changements climatiques, on peut aussi adresser à l’ONU les mêmes reproches faits à la SDN avant la Deuxième Guerre mondiale.

Or, les preuves de l’urgence de prendre des actions concrètes pour diminuer les gaz à effet de serre sur la planète s’accumulent. Le climat est en train de changer et les conditions météorologiques deviennent plus extrêmes à cause des activités humaines telles que l’exploitation des combustibles fossiles. Les ouragans et les typhons sont plus violents et fréquents qu’ils ne l’ont jamais été. Des vents plus puissants les poussent sur des trajectoires inattendues. Les phénomènes météorologiques extrêmes ont obligé le déplacement de plus de 150 millions de personnes dans les cinq dernières années. Seulement en 2013, les catastrophes naturelles ont provoqué le déplacement de 21,9 millions de personnes dans le monde. Le typhon Haiyan a obligé près de 4,1 millions de personnes à se réfugier dans les régions moins touchées. Le typhon Trami a aussi provoqué le déplacement de plus de 1,7 million de personnes. En raison de ces changements et de leurs conséquences comme la malnutrition, les inondations et des vagues de chaleur, 250 000 personnes de plus par an pourraient mourir sur la planète à partir de 2030. Pourtant, les États tardent à agir et à prendre des engagements contraignants. 

Pourquoi cette résistance au changement ? Est-ce parce que le phénomène touche généralement les pays en développement ? Les résultats à l’ONU sont-ils dictés par les intérêts des industries nationales des bailleurs de fonds ? Pourtant, les secteurs responsables sont clairement identifiés. Ce sont 90 entreprises liées à l’industrie des énergies fossiles qui produisent les deux tiers des émissions de gaz à effet de serre depuis 1854. Le silence de Ban Ki-moon sur les manières de contraindre les pays qui nuisent au processus rend l’organisme pire qu’inefficace. Les dirigeants peuvent y faire de beaux discours pour bien paraître et apaiser les foules sans pour autant être obligé d’agir. Comme le montrent les sommets passés, les déclarations ambitieuses n’ont aucune valeur quand elles ne sont pas suivies d’actions concrètes. À l’heure actuelle, l’ONU ne possède pas de force d’intervention qui lui est propre pour agir rapidement et efficacement en cas de crise. Or, une telle force aurait son utilité pour aider, entre autres, les habitants des Seychelles dont les îles sont lentement submergées. Elle pourrait aussi être un outil pour contraindre un État récidiviste à cesser de nuire au bien commun.

Les grandes marches tenues ce dimanche de par le monde pour dénoncer le réchauffement global montrent que la population mondiale veut des actions concrètes pour sauver la planète de cette menace. Pourtant, aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État. Face à l’impuissance de l’ONU à obtenir des succès concrets, d’autres organismes fournissent des voies alternatives. La Commission internationale sur l'Économie et le Climat estime qu’il est possible de lutter contre le changement climatique et d'avoir en même temps de la croissance économique. Elle a produit un document qui fournissait des pistes de réflexion aux participants du sommet de New York. Le président des Seychelles, James Michel, affirme qu’il est temps que nous reconnaissions le changement climatique comme un crime collectif contre l'humanité. Le devoir d’ingérence est une obligation morale de porter assistance en cas de crime de ce type. Sans annonce précise à New York sur la réduction des émissions de CO2 de la part des gouvernements, il faut se demander à quoi sert vraiment l’ONU. Un organisme plus contraignant devrait peut-être être créé pour obliger les pays du monde à gérer les changements climatiques et leurs causes.

Michel Gourd

Plus d'articles de : Opinion

Commentaires (0) | Réagir ?