Slimane Azem, le poète exilé

Slimane Azem.
Slimane Azem.

Slimane Azem est né le 19 septembre 1918 à Agouni Gueghrane au pied du majestueux Djurdjura. Issu d'une famille pauvre et nombreuse, il noyait sa mélancolie dans les poèmes de Si Mohand U M'hend, chantre incontesté de la poésie kabyle. D'aucuns l'appelaient Jean de La Fontaine kabyle.

Ayant juste appris à lire et à écrire à la faveur de sa courte scolarisation, il quitta l'école ainsi que son village natal pour Staouéli où il travailla avant même que ses onze ans ne fussent bouclés. A cette époque-là, sa famille, à l'instar de toute la Kabylie, se débattait dans la misère et le dénuement. Deux ans avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, il atterrit en France où il exerça jusqu'à son arrestation en 1942 par l'Armée allemande. Peu de temps après sa libération en 1945, il rencontra Mohamed El Kamel, qui eut vite repéré ses talents artistiques et son don pour la poésie.

Dans la chanson Amuh amuh, un de ses premiers textes, il convia les Algériens établis en France à regagner le pays et à s'éloigner de l'injustice dont faisaient montre les Français. A contrario, dans Tamurt-iw aazizen, un texte poignant, il dépeignit un instant de déchirement entre la famille et le prétendant à l'exil. 

L'itinéraire artistique de Slimane n'Lamara, comme il était communément appelé à Agouni Gueghrane comprend deux grandes périodes.

Avant l'indépendance, il avait énormément chanté l'exil, l'émigration et les vicissitudes des Algériens qui avaient, malgré eux "abandonné" leurs propres familles à la recherche d'un emploi.

Dans un second temps, il avait dénoncé sans réticence l'arbitraire et la démagogie des gouvernants algériens qui ruinaient le pays. Son éloquence, son génie poétique et sa force proverbiale lui avaient permis de décrire et interpeller ses contemporains et leurs agissements en les comparant à certains animaux. «taqsit bwmerqerq baba ghalu» ou encore «efagh ayajrad tamurtiw » chanson passée sur les ondes de l'Ortf en 1956. Ces diffusions lui valurent de sérieuses inimitiés...

Un quart de siècle durant, cet orfèvre du verbe avait composé, outre la dizaine de sketchs interprétés avec Cheikh Nourdine, plus de quatre cents chansons dans lesquelles il évoquait la solidarité, la fraternité, mais aussi la trahison, l'injustice... En 1970, il obtint un disque d'or, tout comme Nora. Ils furent d'ailleurs les seuls Nord-africains à être gratifiés de cette distinction.

Ses textes lui coûtèrent une interdiction sur les ondes de la chaîne II et ce jusqu'en 1988. Quant à la télévision algérienne, elle continue d'ignorer Da Slimane au profit des "brailleurs écervelés et élevés en batterie" Pourtant Slimane Azem reste sans conteste un monument de la chanson kabyle. Il puisait avec une subtilité de prestidigitateur dans le terroir traditionnel pour peindre son époque, ses pairs et les travers de la société que fut la sienne. "Inna yas Slimane" est la formule consacrée pour utiliser les expressions de ce barde souvent prises pour des maximes ou autres dictons. Da Slimane s'est éteint le 28 janvier 1983 à Moissec en France sans qu'il ait pu revoir son pays.

A défaut d'être reconnu par les autorités de son pays, la ville de Paris le met à l'honneur et inaugure la Place Slimane-Azem dans le 14e, au pied de l'église Notre Dame du Travail dans la rue Vercingétorix.

Cet événement aura lieu le 11 octobre 2014 à 16h30 et une projection-débat se tiendra à 18h30 au cinéma l’entrepôt, 7, rue Francis de Pressensé.

Farid Bouhanik

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Commentaires (7) | Réagir ?

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algerie

merci

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algerie

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