Plus que décidées à fleurir le pays

Les barques, synonymes de rêves de départ des milliers d'Algériens en quête d'une vie meilleure.
Les barques, synonymes de rêves de départ des milliers d'Algériens en quête d'une vie meilleure.

Plus le temps passait, plus croissait mon angoisse. Et la raison en était toute simple : comme prisonnier en mon village, je n’épatais ni ne séduisais ni ne contentait quelqu’un. Je ne débattais plus. Ce n’était guère dans les nouvelles traditions des gens poussés au silence par tant de malheurs dans leurs vies, par les tragédies dans le pays…

Depuis longtemps donc, je me tenais à l’écart, de ceux qui vivent ainsi : toujours leur attention pour les nécessités et effacés à ne pas se mêler de quoi que ce soit… donc avec tout ce beau monde qui donne l’impression d’avoir renoncé depuis longtemps à tout.

J’en revenais peu à peu de l’exil mais sans jamais vraiment avoir oublié toutes ces années loin de ce village où j’existe sans que l’on me demande quoi que ce soit, ma famille y a toujours résidé et après mon absence durant assez de temps, ils s’étaient de nouveau habitués à ma présence forcée en ces lieux.

Mais je restais encore toujours torturé de ne pas être de la classe des grands. Incapable à juste percer un jour .Et cette conscience de mes incapacités à réussir quoi que ce soit m’était tout le temps difficile à dépasser.je n’oubliais quasiment jamais. J’avais tant voulu créer des monuments et avoir un nom. Mais de n’avoir jamais fini mes apprentissages, je n’avais cesse de vivre les drames pérennisés tant n’existait rien en nos contrées pour me secourir, me faire oublier. J’avais tant voulu sortir de l’anonymat. Je n’ai jamais pu. J’étais resté toujours tourmenté, toujours si peiné de ressembler à ces gens simples qui vivent sans se soucier s’ils sont petits ou grands, ignorants ou créateurs. Comme j’ai constamment détesté cette insignifiance que je voyais en eux toujours à ne rien exprimer que cette satisfaction béate, si imbus d’eux-mêmes.

De n’avoir pas fini mes apprentissages, je ne cessais pas d’en faire des drames. Et cela durait des années et des années. Et qu’est-ce qui m’avait donc empêché de me remettre à étudier afin de se parfaire ou tirer juste quelques années et décrocher mon sésame pour le marché du travail ? Cela ne s’était pas fait. Je n’étais pas de ces intelligents qui ne se laissent jamais aller, ces endurcis à tout. J’étais tant faible que je n’en finissais pas avec cette "maladie des contrastes des mondes". Et je n’étais aussi obligé d’aller ailleurs, de quitter le toit familial, mes parents ne m’y poussaient nullement. Je me souviens aussi du temps de mon jeune âge, qu’Ils ne voulaient jamais notre départ .Mais je n’étais pas du tout satisfait comme assez de mes camarades de l’époque de notre mode de vie. Ou même si on l’était, on était conscient de partir un jour, d’être appelés à rejoindre les universités des grandes villes ou carrément les villes d’outre-mer dont on louait beaucoup les libertés qu’on découvrait dans les livres d’auteurs de France.

Et comme mes parents ne disaient rien, cela quelque peu m’arrangeait. J’avais tant trimé seul dans les grandes villes d’Europe ! Ne fallait pas se débrouiller à travailler pour se loger se nourrir et se vêtir s’amuser aussi…Cela m’avait-il, tant éreinté pour le restant de mes jours ?

Au village de nouveau, je ne m’étais pas accroché de nouveau à quoi que ce soit. En vérité, ce n’était pas que j’étais ignorant. Je ne m’en remettais pas de son fulgurant départ, de mon immense chagrin. Je n’avais jamais avec elle accepté la fin de notre fabuleuse histoire. Et je restais toujours à ruminer. Et des années plus tard encore, lorsque j’avais appris son décès, il m’était impossible l’oubli total d’elle, de son amour, de son tout.

Aujourd’hui la plupart du temps devant l’ordinateur à tenter l’aventure de l’écriture, Ruth obsède moins mes journées.

Je ne m’en soucie guère des autres. J’en avais tellement souffert par ici. Car en ce village je sais que l’autre ne nous permet pas l’évasion comme en Europe où avec chacun tant libre on peut réaliser tant de choses. Jusqu’à bâtir des monuments. De si belles histoires. Sans comme ici être toujours dans les craintes.

Ce qui ne veut pas dire que je ne comprends pas en notre pays toutes ces chaînes qui nous empêchent de vivre. Cela changera sûrement un jour lorsqu’ on s’aidera, lorsqu’ on nous aidera à être des citoyens et non des sujets. L’espoir existe tant qu’on essaiera toujours d’apprendre de nous et des autres. Ces autres des pays d’ailleurs qui nous souhaitent que de quitter un jour les ténèbres de l’ombre et de l’obscurantisme.

Et si moi aujourd’hui, je m’en sors et arrive quelquefois à l’oubli, c’est qu’en notre pays il y a des raisons d’espérer aujourd’hui… guérir au moins de nos maladies de cœur. Et tous ces jeunes avec tant de chances avec toutes ces gazelles qui se libèrent… elles sont dans les bureaux, dans les hôpitaux, au volant des voitures, partout plus que décidées à fleurir le pays.

De Boghni, Amokrane Nourdine

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Commentaires (1) | Réagir ?

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klouzazna klouzazna

Beau measage d'espoir.... à méditer !!!

quand je me regarde je me deçois... et quand je regarde les autres je me rassure, c'est une belle devise à s'approprier !!!