Ukraine : un point de rupture ?

Sur fond de combats armés inter-Ukrainiens, une nouvelle guerre froide se dessine entre la Russie et l'Otan.
Sur fond de combats armés inter-Ukrainiens, une nouvelle guerre froide se dessine entre la Russie et l'Otan.

En s’ajoutant à celles contre d’autres pays, les sanctions occidentales contre la Russie pourraient créer des conséquences beaucoup plus grandes que la somme de leurs restrictions.

Le conflit ukrainien entraîne actuellement d'importants bouleversements sur le vaste échiquier des échanges commerciaux et boursiers. Un conflit géopolitique d'ensemble longtemps nié entre les pays en développement et l'Occident est maintenant au grand jour. Jusque tout récemment, Poutine était vu comme le partenaire naturel des pays développés pour contrer la montée de la Chine populaire. Cette situation vient de changer radicalement. En réponse aux sanctions occidentales, la Russie vient d'instaurer un embargo sur les produits alimentaires. L'Occident et plusieurs pays émergents sont maintenant engagés dans une bataille économique et une radicalisation des relations est en cours. Dans ce conflit, les Russes ont agi avec sang-froid, détermination et habileté. Ils mettent en œuvre des tactiques découlant d'une stratégie créée dans un dessein plus vaste qui pourrait mener à changer les pays dominants le système économique mondial.

Sanctionné par Bruxelles et Washington, Moscou s'est rapidement tourné vers la Chine pour remplacer certains produits occidentaux. Les deux travaillaient déjà ensemble dans le BRICS et l’Organisation de Coopération de Shanghai. En mai 2014 la Russie s'est mise d’accord avec la Chine pour vendre 38 milliards de mètres cubes de gaz par an, pendant 30 ans, pour 400 milliards de dollars payables en yuan. Elle a aussi accepté de prêter à l’Arménie les 300 millions de dollars nécessaires pour prolonger la vie de la centrale nucléaire de Metsamor.

La soudaine accélération du développement de l’Organisation de Coopération de Shanghai avec son extension jusqu’à l’Iran crée une énorme masse eurasiatique face à l’OTAN. La nouvelle alliance eurasienne est favorable à Poutine qui y trouve plus qu'une manière d'affaiblir les sanctions occidentales. La Russie vient de signer un Mémorandum d’entente d’une durée de 5 ans qui prévoient une intensification rapide de la coopération économique avec l’Iran victime les sanctions économiques de l’Occident. La participation de compagnies russes dans les projets de construction et de reconstruction de centrales et réseaux électriques sur le territoire iranien est prévue.

Le PIB de la Russie est de 2000 milliards de dollars. Ses importations dans le domaine de l'agroalimentaire ont atteint le montant de 16,9 milliards de janvier à mai 2014. Moscou importe en fait de 60 à 70 % de ses produits alimentaires. C'est une faiblesse qui peut être une force en cas d’embargo. Poutine se tourne actuellement vers des pays d'Amérique latine qui y voient de nouvelles opportunités commerciales pour satisfaire la demande de leurs consommateurs. Le Brésil va intensifier ses ventes de viande et devrait fournir 150 000 tonnes de volaille supplémentaire au courant de l'année. Le Chili négocie ses quotas d’exportation à la hausse. L’Argentine actuellement victime de la justice américaine, vient de recevoir une délégation chinoise et ne demande pas mieux que de vendre tous ses produits aux Russes. Cet engouement des pays en voie de développement s’étend jusqu’aux portes de l’Europe. Le ministre turc de l'Économie vient de déclarer que son pays allait se rapprocher de la Russie et lui propose d’acheter ses fruits et légumes. Les sanctions européennes et américaines contre la Russie sont aussi vues comme étant bénéfiques aux exportations marocaines des fruits et légumes. Ce serait même une opportunité à saisir selon président de l’Association marocaine des exportateurs, Hassan Sentissi El Idrissi. Une fois l'embargo expiré, les Russes pourraient alors ne plus acheter les produits qui seront remplacés par des importations venant d'autres pays.

Les sanctions occidentales font d’ailleurs aussi mal à plusieurs de leurs propres pays. Si la chute des ventes de voitures s’est accélérée au mois de juillet en Russie, la France et l'Allemagne perdent aussi des plumes. Les échanges entre la Russie et l'Europe représentaient 460 milliards de dollars par an. En comparaison, celles avec les États-Unis qui ont lancé ces restrictions ne représentent que quelque 40 milliards de dollars. Ce sont donc les économies de ses alliés qui payent pour ses décisions. En 2013, 47 % des obligations émises par la Fédération de Russie l’ont été sur les marchés européens, soit 7,5 milliards d’euros. Le volume des ventes d’équipements militaires entre la Russie et l’Europe se chiffrait à 3,2 milliards d’euros annuellement. L’Europe y exportait pour 4 milliards d’euros de biens à usage et civil et militaire. C’est près de 12 milliards d'euros par an d’exportations agricoles de l'UE qui étaient destinées à la Russie. Ces pertes se rajoutent d’ailleurs à celle de compagnies françaises. BNP Paribas vient de se voir imposer une amende de 4,3 milliards de dollars par les Américains. Ces nouvelles sanctions sont d'ailleurs à géométrie variable puisqu’elles ne touchent pas les grands joueurs occidentaux comme la société Exxon Mobil qui continue de travailler avec la société d’État russe Rosneft à l’exploration d’un site en Mer de Kara, au nord de la Sibérie.

Avec ces sanctions, l’Europe et les États-Unis ont internationalisé le conflit ukrainien au lieu de le circonscrire. Les sanctions économiques ne sont efficaces que lorsqu’elles sont prises par la partie qui bénéficie d’un monopole ou d’une forte dominance. En situation d'oligopole ou d'interdépendance importante, comme c’est le cas actuellement dans la haute finance mondiale, elles entraînent une polarisation. Malheureusement pour l’Occident, le BRICS est le bloc économique avec les industries qui ont actuellement les potentiels de développement les plus élevés.

L'Europe et l'Amérique sont donc de plus en plus confrontées aux pays du BRICS qui serrent les rangs contre ces gros joueurs dominateurs et irascibles. Si l’Occident cherche actuellement à pénaliser les économies qui ne suivent pas ses directives, ce qui en résulte est cependant beaucoup plus que la somme de ces restrictions. C’est la création de deux mondes distincts avec chacun leur propre système de circulation des biens. Le conflit qui opposait dans un premier temps la Russie à l'Ukraine et ses alliés pourrait bien devenir la fracture qui scindera le monde en deux et entraînera à long terme la domination du BRICS sur l’économie mondiale.

Michel Gourd

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Commentaires (2) | Réagir ?

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Massinissa Umerri

Voici un mot examiner de pret. "La Tare" - c. a. d. cette minscule masse, insignifiante d'elle-meme, qui fait tomber la blance d'un cote ou de l'autre. Elle s'appele l'Afrque - et par Afrique, je veux dire celle qui est NWAAAAAAAAAAAAR !

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uchan lakhla

Cheikh Karl Marx disait que le capitalisme est de nature révolutionnaire, il détruit tout sur son passage, rien a ajouté rien a retranché, quant à l'Europe elle continue d'être l'idiot du village le monde dixit Hubert Védrine. Par une violente compagne médiatique via ses ONG, l’oncle SAM livre la guerre à la Russie de Poutine par procuration, l’Europe a-t-elle les moyens militaires, humains et financiers pour livrer bataille, on voit bien aujourd’hui les pays qui veulent sanctionné Poutine, pleurniché sur le sort de quelques beaujolais, des pommes et les tranches de jambon qui ne seront pas écoulé chez Poutine, sur les voitures de luxes qui ne seront pas vendues là-bas, c’est pathétique tout de même, espéré livrer bataille a quelqu’un qui tiens vos bourses entre ses mains, qu’il peut écrasé comme bon lui semble, la nouvelle Europe faire la guerre a quelqu’un qui mis 400 milliards de $ dans vos poches, sachant que l’oncle ne mettra pas un Kopeck dans ce conflit, de l’autre côté, les armées Européennes n’ont plus cette capacité de nuisance, l’armée Française qui se casse les dents au Mali, sa chute et le rétrécissement de son cercle d’influence est accélérée après la réintégration de l’OTAN, dont le patron n’est rien d’autre que le Pentagone, De Gaulle avait raison quand il a quitté l’alliance, car il connait bien ce monde libre et son machin truc, bien sûr les américains qui se sont cassés la gueule en Irak et l’Afghanistan qui ne peuvent plus rien faire comme à leurs accoutumés, à part sous-traité aux Saoudiens et Qataris la formation et l’armement des hordes islamistes, un investissement qui va peut-être légitimé intervention et occupation de nouveau les territoires juteux en pétrole, en 1991, Francis Fukuyama l’un des idéologues du libéralisme, disait que la fin de l’histoire est enfin accomplie, que l’oncle SAM gouvernera le monde tout seul, aujourd’hui les choses ne sont plus ce qu’ils sont avant, à force de cherché les Russes, les occidentaux ou le monde libre finira par le trouvé, on ne peut pas humilier éternellement un pays de surcroît puissance nucléaire.