Quand les Egyptiens se moquent des Algériens !

Al Azhar, un soutien idéologique précieux des dictatures.
Al Azhar, un soutien idéologique précieux des dictatures.

La chaîne égyptienne Alkanal a diffusé durant tout le mois de Ramadhan un feuilleton historique sur la vie de l’islamologue et théologiste Amin Metouali Alchaaraoui.

Cette œuvre est censée retracer le parcours biographique de cet éminent et très populaire Imam prédicateur sous la direction du docteur Baha Eddine Ibrahim. Il a été mis en scène par le cinéaste Mustapha Alchal. Dans son 17éme et 18éme épisode, ce feuilleton tente piètrement de retracer le passage d’Alchaaraoui en Algérie. Ainsi en dépit de la longue expérience des Egyptiens en matière cinématographique, et leur longue et massive présence en Algérie tout au début de son indépendance, les acteurs qui ont joué le rôle du président Boumediene et de ses ministres ont totalement été à coté de la plaque.

En écoutant le dialogue, le spectateur se croirait au Liban peut-être en Jordanie mais en aucun cas en Algérie. Au départ, l’imam ne voulait pas venir en Algérie car il croyait que le pouvoir en place dans son pays voulait se débarrasser de lui parce qu’il n’était pas d’accord avec le président Nasser sur sa brouille avec le royaume de l’Arabie Saoudite. Pour le convaincre, le metteur en scène devait imaginer un conseiller religieux du président Boumediene, un certain Cheikh Belkaid qui lui est apparu dans son rêve, sans le connaitre bien entendu et lui a demandé de venir en Algérie car le peuple a subi un ravage idéologique durant les 130 ans de colonisation, sous entendu vit dans l’ignorance et le péché et surtout s’éloigne de plus en plus de l’arabité. Dans les faits, il rejoignait la mission de Jamaa Al Azhar déjà en place depuis la prise du pouvoir du colonel Boumediene dans le processus de ce que les Algériens appellent le redressement révolutionnaire. Son fils cadet y était déjà sur place comme membre actif de cette mission. L’imam Alchaaraoui n’avait aucune difficulté de rencontrer dès son arrivée en Algérie le président Boumediene puisqu’il le connaissait lorsqu’il était étudiant à Al Azhar. Après lui avoir souhaité la bienvenue en lui présentant son vis-à-vis, Cheikh Belkaid, toujours en regardant ce feuilleton, il lui a fait part des difficultés qu’il rencontrait auprès de son staff pour les convaincre de suivre la voie divine.

Par la même occasion, il s’est tourné vers cheikh Belkaid pour lui demander de prier afin que l’Algérie sorte au plus vite de la spirale des années de sécheresse. En les écoutant Alchaaraoui s’est étonné que les Algériens ne connaissent pas la prière d’El Istisqa. Il leur propose de diriger cet événement et a obtenu l’accord pour sa généralisation en Algérie. Cette prière s’est déroulée dans les bonnes conditions et quelques jours après la pluie devait inonder le territoire algérien. Non seulement les dirigeants se sont vite reconvertis à l’islam mais ont totalement abandonné l’idée qu’ils avaient sur les méthodes scientifiques pour provoquer les pluies comme font certaines puissances occidentales. C’est à partir de cet événement, que personne de cette époque ne s’en rappelle que le feuilleton est passé à une phase plus grave pour ridiculiser carrément les Algériens. Ainsi les Algériens, selon eux, habitués au maraboutisme, commencent à adorer l’imam Alchaaraoui, le prenant pour un saint et faiseur de pluie. Il était tellement harcelé par la population qu’il s’est trouvé contraint de s’enfermer et de ne plus sortir jusqu'à son rappel en Egypte. Il a réussi cependant d’obtenir la promesse du président Boumediene de commencer par imposer un certain niveau de la langue arabe à ses ministres en attendant sa généralisation pour tout le pays. Il est clair que l’historien tente de traduire ce que les coopérants égyptiens qui étaient en Algérie racontent tout haut ce qu’ils pensaient tout bas dés qu’ils regagnent leur pays. Deux raisons peuvent être avancées pour étayer les éléments qui vont redresser cette maladresse historique.

1. L’Algérie n’a pas attendu les égyptiens pour exprimer leur Arabité L'islam est la religion d'État et la plus pratiquée en Algérie. Elle est suivie par 98 à 99 % de la population algérienne .L'Algérie est le huitième plus grand pays musulman parmi les pays à majorité musulmane et le troisième sur le continent africain (après le Nigeria et l'Égypte par la force du nombre de leur population). Plus de 2,2 % de la population musulmane mondiale vit en Algérie. L'islam a été introduit en Algérie pour la première fois en 670 par le général Arabe Oqba Ibn Nafaa, envoyé par les Omeyyades. En 776, les Rostémides furent la première dynastie musulmane d'Algérie. La plupart des Berbères se convertirent à l'islam puis formèrent leurs propres dynasties islamiques régnant sur le pays. Les algériens musulmans sont majoritairement de rite malékite, mais on trouve également des communautés ibadites comme dans le Mzab qui ont un rôle important et libre dans la société algérienne. Il existe aussi plusieurs confréries soufies ou autres, les zaouïas par exemple. Ces derniers n’ont aucune contradiction avec le culte musulman. Le ministère des Affaires religieuses et des Wakfs gère tout ce qui est relié à la religion (calendrier musulman, les horaires de prières, les jours de fêtes religieuses, l'annonce du ramadhan, le pèlerinage à La Mecque, l'entretien des mosquées etc.). Le Haut conseil islamique s'occupe des affaires religieuses dans le pays et il est formé d'un président et des membres. Son rôle est dicté par la constitution algérienne Cette constitution garantit à tous les citoyens une liberté du culte, et l'État en assure la protection. Les imams, les prêtres et les rabbins dépendent du ministère des Cultes et sont rémunérés par l’État.

Le gouvernement contribue au financement des mosquées, des imams et de l'étude de l'islam dans les établissements scolaires. L’enseignement de la charia (les lois de la religion islamique) est devenu depuis septembre 2005 obligatoire dans toutes les filières du secondaire. En outre, le gouvernement a intensifié le contrôle de l'enseignement religieux scolaire, des prêches dans les établissements religieux et l'interdiction de la distribution d'ouvrages religieux faisant la promotion de la violence Ceci selon toute vraisemblance, existe depuis toujours et la liberté du culte même au temps de la France. Donc Le débat secouant la société algérienne sur la question cruciale de l’identité arabe ou berbère de l’Algérie nécessite un retour à la source de ce clivage. L’origine en est, bien entendu, l’expansion arabe en Afrique du nord. Certains affirment que les Arabes n’ont jamais conquis l’Algérie, d’autres se revendiquent une origine arabe justifiant ainsi l’identité arabe de l’Algérie. Qu’en est-il en réalité? C’est une question qui touche la plupart des pays arabo-musulmans et l’Egypte pharaonique n’en fait pas exception.

2.- L’islam est contrôlé par l’Etat dans tous les pays arabes

Le contrôle étatique de l’islam caractérisé par la création d’un "droit musulman" et également par plusieurs exceptions portées au principe de séparation des cultes et de l’État a été une constante de la politique coloniale menée par tous les pays occidentaux et notamment Européens. Cette politique n’a pas été remise en cause après l’indépendance de ces états. En effet, ils ont estimé qu’ils n’avaient aucun intérêt à y renoncer puisqu’ils ne pouvaient que renforcer la légitimité que la référence à l’islam avait donnée à la revendication nationale. Alors que ces pays sont aujourd’hui confrontés au phénomène de l’individualisation des pratiques religieuses qui remet en cause le monopole des institutions islamiques officielles, l’État se désengagera-t-il du champ religieux en mettant fin à une tradition gallicane et jacobine héritée de la colonisation ? Jamaa Al Azhar que cet Imam a lutté toute sa vie pour son indépendance et n’a réussi a la fin de sa vie que d’obtenir des miettes, sert aujourd’hui le pouvoir en place. Sa position et son soutien au putsch militaire de juin 2013 en sont la preuve irréfutable.

3.- C’est plutôt l’Egypte qui subit la refonte de ses orientations religieuses

Les événements en cours actuellement en Egypte ont démontré la fragilité de convictions religieuses des égyptiens et la nouvelles direction du pouvoir en a fait sa stratégie. En effet, dans son discours du 11 janvier dernier, adressé au directorat chargé du moral des militaires égyptiens le maréchal Abd el Fatah el Sissi, s’est attelé à la refonte en profondeur des orientations religieuses. Il pointe du doigt cette principale bataille, et ce plus grand défi que le peuple égyptien doit relever. Il a souligné la nécessité de présenter une nouvelle vision et une compréhension moderne et globale de l’islam, en remplacement du discours immuable qui a cours depuis 800 ans. Il a dit aussi qu’il incombe à tous de se conformer au vrai islam, afin d’améliorer l’image de cette religion aux yeux du monde, attendu que l’islam est jugé à travers le monde, depuis des décennies, comme étant la religion de la violence et de la destruction, à cause des crimes commis faussement en son nom. Ainsi, isolé de part le monde, il cherche à rejoindre le club des «fighting terrorism». Il s’agit pour lui d’une nécessité absolue, car il y va de la survie de l’Égypte en tant que nation. Une vague sans précédente de violences organisée par les Frères musulmans l’a obligé de dissoudre la Confrérie et de la déclarer hors-la-loi en tant qu’organisation terroriste. C’est la première fois dans l’Égypte moderne que des muftis osent sacraliser un zaim comme on l’a fait pour El-Sissi en le déclarant comme un don de Dieu. Ce qui fait dire à un chercheur égyptien « l’inconscient collectif des Égyptiens est à la recherche d’un pharaon qui redonne à l’Égypte l’équilibre, l’harmonie et la paix, c’est la raison pour laquelle el Sissi, s’exprimant au nom des Égyptiens, parle de l’importance de la refonte en profondeur du discours islamique. » En effet l’Égypte musulmane a refoulé son passé pharaonique et chrétien, ce passé qui est aussi sa vraie nature remonte lentement à la surface et cherche à s’exprimer. Or il est fondamentalement incompatible avec l’islam, s’il ne l’était pas il n’aurait pas été refoulé. Comment se fait-il qu’un chef militaire se mêle d’un sujet qui ne relève pas de ses compétences? Si l’on se réfère au régime pharaonique, la réponse est simple : le pharaon dans l’Égypte ancienne n’était pas seulement le roi, il était également chef religieux et par le fait même intermédiaire entre ses sujets et les dieux égyptiens. Son autorité s’étendait sur tous les temples et sur tous les prêtres. Parce que l’Égypte renoue tranquillement avec sa vraie nature, son nouveau chef se trouve naturellement à assumer sa responsabilité morale de pharaon, car il s’agit bien de responsabilité morale, la civilisation de l’Égypte ancienne n’aurait pas duré plus de trois mille ans si l’institution pharaonique ne reposait pas sur des bases morales solides. El Sissi est convaincu que le peuple égyptien poussera un profond soupir de soulagement quand la version revue et corrigée de l’islam lui sera présentée. Le temps presse, l’Égypte doit se remettre en selle rapidement parce que sa survie est en jeu. L’islam tel qu’on le connaît est son principal handicap, l’islam doit changer en profondeur. C’est ce que le peuple égyptien désire au fond de lui-même et c’est ce que le maréchal a parfaitement compris. Reste à savoir si l’autre frange de la société lui laisse le temps de mettre en œuvre sa stratégie. Il sait parfaitement qu’un retour de manivelle y va de sa vie. Donc ceux qui croient que l’Algérie a un problème avec son islam devront commencer par balayer devant leurs portes d’abord.

Rabah Reghis, Consultant et Economiste Pétrolier

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Commentaires (14) | Réagir ?

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fateh yagoubi

MERCI

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fateh yagoubi

merci

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