Le Canada veut remplacer l’Afrique à la tête de la francophonie

Même si le Canada fait du lobbying pour sa candidate, aucun candidat sérieux ne semble se dessiner pour remplacer Abdou Diouf.
Même si le Canada fait du lobbying pour sa candidate, aucun candidat sérieux ne semble se dessiner pour remplacer Abdou Diouf.

Le choix du remplaçant d’Abdou Diouf qui quittera cet automne la tête de l'Organisation internationale de la Francophonie est une pomme de discorde entre le Nord et le Sud. Le Canada qui est un pays bilingue avec une population francophone décroissante tente de placer sa candidate à la direction de cet organisme.

Michaëlle Jean et des ministres canadiens font actuellement une tournée des pays de la francophonie pour tenter d’arracher à l’Afrique la tête de l’OIF. Elle vient de rencontrer le Président du Bénin, Boni Yayi. La ministre des relations internationales et de la Francophonie pour la province canadienne du Québec, Christine St-Pierre, a aussi soutenu la candidature de l’ex-gouverneure du Canada pendant son voyage en France en juin. D’autres ministres et diplomates sont impliqués dans cette campagne.

Or, c’est dans le Sud que se trouve le futur de la Francophonie. C'est en Afrique et non au Canada que le français est en expansion actuellement dans le monde puisque 54 des 77 États membres de la Francophonie y sont. Selon les dernières statistiques près de 80 % des 700 millions de francophones qui seront sur la planète en 2050 vivront en Afrique. De plus, c’est en raison du très fort taux de natalité sur ce continent que 60% des 220 millions de francophones ont actuellement moins de 30 ans. En comparaison, au Canada, la proportion de la population francophone diminue au lieu de croître. Elle était de 22,1% en 2006 et n’est plus que de 21,7% en 2011. Si cette décroissance est faible dans la seule province à majorité francophone du Québec, elle est dramatique dans plusieurs des autres. Dans les maritimes, les Acadiens qui ont été déportés puis sont revenus par la force de leur culture sont maintenant menacés d’assimilation.

Les intérêts des deux continents diffèrent énormément. Ils sont aussi éloignés que leur position sur le globe terrestre. La population canadienne est vieillissante et le pays sélectionne actuellement des immigrants qui sont très majoritairement anglophones. À l’inverse, l’Afrique a une population jeune pleine de force. Elle a besoin de formateurs francophones. Les classements internationaux faits dans le secteur de l’éducation montrent bien que les universités des pays africains qui parlent la langue de Molière traînent derrière celles qui ont adopté la langue de Shakespeare. Il est donc totalement déraisonnable de tenter de placer à la tête de la francophonie mondiale une personne qui n’a fait que des missions en Afrique et n’y a jamais vraiment vécu.

Cette tentative du Canada est aussi en violation avec la tradition de cet organisme qui, depuis sa création en 1997, élit un Africain. Les pays riches en argent du nord y ont de tout temps été des bailleurs de fonds tandis que les pays riches en population francophone de l’Afrique y tenaient la direction politique. Rappelons que l’administrateur général de la Francophonie, Clément Duhaime, est aussi un Canadien. L'homme qui est en poste jusqu’en 2018 devrait en toute conscience être remplacé dans le cas de l’élection de Michaëlle Jean si les 77 États membres de l’OIF ne veulent pas se retrouver sous la coupe d’un seul d’entre eux.

Ce n’est pourtant pas parce que les candidats manquent en Afrique. L’ancien ministre des Affaires étrangères du Congo-Brazzaville Henri Lopes, celui quatre fois ministre de l'île Maurice Jean-Claude de l'Estrac et l'ancien président du Burundi, Pierre Buyoya ne sont que quelques noms de personnes prestigieuses qui pourraient remplir cette fonction. Face à eux, celle qui a représenté la reine d’Angleterre dans la monarchie constitutionnelle canadienne ne possède que sur papier toutes les compétences requises. Bien qu’à la tête du pays, elle n’a jamais été députée ni ministre ou même élu directement par la population a aucune de ses fonctions politiques. Pourquoi le Canada veut-il la mettre là ?

Michel Gourd

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Aksil ilunisen

Les idées neo-colonialistes sont generalement prises au "serieux" par les regimes dictatoriaux en place; il y va de leur survie.

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L'Algerie dont la dictature se repose sur l'ideologie arabo-musulmane n'echappe pas a la regle!