L’avenir de l'Algérie est entre nos mains, pas entre les pieds de ses footballeurs

L'EN.
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Nous pouvons peut-être battre la Russie, en Coupe du monde, ce soir et nous classer deuxièmes de la poule, mais nous resterons toujours un pays classé à la 176ème place, soit la dernière des pays au monde, en matière de débit Internet. Un tel retard pose de vrai problème pour le pays en termes de convergence énergie/numérique. Il est impossible d’instaurer une gestion intelligente dans le secteur de la production, du transport, de la distribution et de la consommation de l’électricité, sans avoir un débit Internet respectable. Et Slimani, Brahimi et M'Bolhi n'y pourront rien.

Par Mohamed Benchicou

Ce soir, nous saurons. Qualifiés ou éliminés, nous nous serons frottés aux grandes nations de ce monde avec nos rages et nos illusions. Nous aurons connu la chimère du meilleur sans rien diminuer de la réalité du pire. La chimère aura duré quelques semaines ; la réalité nous guette toujours. La Coupe du monde de foorball nous aura enseigné ...la force et les limites du football. Quand un simple jeu devient objet de grandes confrontations entre Etats, il peut, dans le même temps, impulser les plus spectaculaires enthousiasmes et installer le règne des apparences, créer le sentiment factice de puissance, être propulsé en redoutable instrument de pouvoir et devenir un fourvoiement des masses. Nous nous faisons dribbler par nos propres stars. Aucune victoire en football n'a réglé les problèmes politiques et économiques de fond. Selon Dietschy Paul, on est face à la loi de l'éphémère sportif. Elle aura, pourtant, permis des exhubérances et des joies cocardières que n'autorisait pas l'impitoyable réalité. C'est ce qui fait le caractère exceptionnel du football comme outil de gouvernance. Aucun chef d'Etat de par le monde ne néglige cette phase providentielle où le football devient ciment de l'unité nationale, prétexte à la fierté patriotique, déclencheur d'un nouvel optimisme. du sentiment national. Du chef de l'Etat ivoirien qui gère en personne les primes de victoire promises aux joueurs à la chancelière allemande Angela Merkel qui ne rate aucun match de la sélection de la Mannschaft, pas un dirigeant politique ne répugne à accompagner ce grand moment moment d'orgueil national. En 1966 déjà, après la finale remportée par l’équipe d’Angleterre contre la sélection ouest-allemande (4-2), Harold Wilson, le Premier ministre travailliste parvient à se glisser parmi les vainqueurs au balcon du Royal Garden Hotel et lors du banquet final. Angela Merkel, elle, était présente au Brésil pour le premier match de la Mannschaft face au Portugal et qui s'est terminé par une raclée au Portugal (quatre buts à zéro), mais elle s'était aussi rendue dans les vestiaires de Thomas Muller pour le féliciter. Selon le magazine Closer, François Hollande veut absolument imiter la chancelière allemande et voir jouer l'équipe de France mais son agenda de président est très serré. Il ne pourra se déplacer que pour les quarts de finale ...

C'est dire si le match de ce soir face à la Russie est capital non seulement du point de vue sportif mais aussi de "l'émotionnel nationaliste". Les supporters algériens sont parmi les plus dévoués à leur équipe, vue comme prétexte à reconstituer la fierté déchirée par toutes sortes de malheurs et particulièrement les années noires du terrorisme. Ils se rapprochent, à cet égard, des supporters de la sélection de Bosnie-Herzégovine, éliminée après sa victoire contre l'Iran (3-1) et que l'on considère comme les plus attachés à leur équipe, à la fois en nombre et en intensité, mûs par un sentiment national malgré des divisions ethniques. Selon Dietschy Paul (1), dans les sociétés en cours de pacification, les évènements sportifs tendent à remplacer les guerres comme lieux de mémoire des nations. N’a-t-on pas comparé la joie et l’unanimisme du 12 juillet 1998, date de la victoire de la France «black-blanc-beur» à l’allégresse des jours de la Libération ? Comme les tifosis algériens, les fans bosniaques revivent dans les matches de leur team national, le symbole d'une Bosnie-Herzégovine retrouvée, État territorialisé et expression d'un triomphe sur les agressions qui ont voulu l’anéantir, et qui ont cherché à dissoudre son esprit dans la noirceur des ténèbres ethno-nationalistes, tout comme l'Algérie a subi les ténèbres islamistes et policières.

Cet attachement sans pareil concerne tout autant les Algériens émigrés. Ici aussi le rapprochement avec les sympathisants bosniaques, dont une partie importante est issue de la diaspora, n'est pas superflu. Les Algériens partagent avec la Bosnie une autre spécificité : les années de guerre ont poussé des dizaines de milliers de familles sur le chemin de l’exil dont elles ne sont pour la plupart pas rentrées. Ces foules éprises de leur équipe compensent cet éloignement géographique par une dévotion sans limite à leur formation. Il en résulte un amour presque charnel qui unit les supporters aux joueurs, et ces deux catégories à leur terre. 

Ici s'arrête, cependant, la force du symbole. Il serait fort aléatoire de prétendre le substituer au politique. La tentation y est grande et les élites françaises elles-mêmes y ont succombé, en1998. Comme l'écrit Dietschy Paul, l’avenir de la Bosnie est entre les mains de ses citoyens, pas entre les pieds d’Edin Dzeko. Le football est peut-être l’avant-garde de ce que devrait être la Bosnie future, mais on ne peut pas lui demander de faire plus que d’être lui-même.

L'euphorie de 1998 a été vastement tempérée l’invasion de la pelouse du Stade de France par de jeunes supporters maghrébins lors du match France-Algérie en 2001, puis les émeutes de l’automne 2005. Les succès footbalistiques restent éphèmères et symboliques.

Que se passera-t-il après la fièvre du Mondial ? Qu'est-ce qui attend les jeunes tifosis algériens une fois les lampions éteints ?

L'Algérie, entre les mains d'un vieux pouvoir, n'est en rien préparée à l'inquiétant avenir qui l'attend. La vision rentière de l'économie l'a emporté sur tout le reste.

Selon le Premier ministre Sellal, l'Algérie sera sans pétrole en 2030. C'est-à-dire dans quinze ans. Mais le gouvernement n'a aucune stratégie économique de substitution au pétrole. Quinze ans, c'est le temps qu'a passé l'administration Bouteflika à la tête du pays sans toutefois réussir à faire reculer d'un seul point la dépendance aux hydrocarbures. Les exportations hors-hydrocarbures représentaient 97% en 1999, à l'arrivée de Bouteflika ; elles représentent toujours 97% en 2014... L'économie algérienne ne s'est ni développée ni modernisée. En quinze ans, la Corée du Sud, notre adversaire en Coupe du monde, a connu une phase spectaculaire de croissance et d’intégration dans l’économie mondiale moderne. Dans les années 1960, le PIB était globalement identique à celui de l'Algérie. Aujourd'hui, la Corée du Sud est classée douzième puissance économique mondiale selon le calcul du produit intérieur brut en parité de pouvoir d'achat et quinzième selon le critère monétaire traditionnel. Au niveau des échanges, en 2007, il s'agit de la 11e et 13e puissance commerciale mondiale respectivement en termes d'exportation et d'importation de marchandises. Si l'on exclut les échanges intra-Union Européenne, la Corée du Sud devient respectivement la 6e et la 7e puissance exportatrice et importatrice de biens.

Il est convenu que ce succès, à la fin des années 1980, a été obtenu grâce un régime de liens étroits entre le gouvernement et le monde des affaires, prévoyant notamment un système de crédit dirigé, des restrictions sur les importations, le financement de certaines industries ; il s’explique aussi par une très importante quantité de travail. Le gouvernement a favorisé l’importation de matières premières et de technologie, aux dépens des biens de consommation et a encouragé l’épargne et l’investissement au détriment de la consommation. En Algérie, rien de tout cela. Ce serait plutôt le contraire qui a été mis en branle depuis ces quinze dernières années : la consommation au détriment de l'investissement, les importations aux dépens de la production (elles sont passées de 9 milliards de dollars en 1999 à 67 milliards de dollars en 2013 !)... Cette conception rentière de l'économie vient de connaître son point d'orgue avec la décision présidentielle d'exploiter le gaz de schiste du Sahara. L'initiative vient isoler un peu plus les ingénieurs et les entrepreneurs créateurs de valeurs industrielles. Le pouvoir algérien ne sait pas faire autre chose que de puiser dans les énergies fossiles pour nourrir, habiller, scolariser et sécuriser sa jeunesse. Il ne sait pas valoriser le génie algérien, créer de nouveaux gisements par le savoir...L'initiative entreprenariale est ligotée, comme le montre la crise au sein du patronat (FCE). Résultat : nous pouvons peut-être battre la Russie, en Coupe du monde, ce soir et nous classer deuxièmes de la poule, mais nous resterons toujours un pays classé à la 176ème place, soit la dernière des pays au monde, en matière de débit Internet. Un tel retard pose de vrai problème pour le pays en termes de convergence énergie/numérique. Il est impossible d’instaurer une gestion intelligente dans le secteur de la production, du transport, de la distribution et de la consommation de l’électricité, sans avoir un débit Internet respectable. Et Slimani, Brahimi et M'Bolhi n'y pourront rien.

M. B.

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Commentaires (17) | Réagir ?

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R A M E S S E S II

Le paradoxe Mass Benchicou, avoir la tête en bas et le Q en l'air, voila un résumé du pourquoi on prend toujours des décisions à l'inverse de l'intérêt de l'Algérie.

Les enfants Coréens du Sud non pas de pétrole, ni gaz mais ils ont une école sérieuse pas une Madrassa ou on dispense des versets au lieu de l'informatique, de la technique, de la Biotechnologie, je suis moi même Bouddhiste mais jamais d'interférence avec mon monde professionnel, ni imposer aux autres, vous allez me dire que je suis contre l'islam, rien de tout cela, je dit juste à l'instar de Abane, le civil sur le militaire et l'intérieur sur l'extérieur.

Pas de religion (opium) à l'école, séparation de la religion du monde scientifique, ce combat a eu lieu au 15 éme siècle entre d'un coté les Superstitieux (maraboutisme + islamisme) et de l'autre les scientifiques (la logique et la raison).

Les décisions en Algérie sont prises par les religieux non pas par les économistes, après 2030 la raison va revenir en Algérie mais à un prix, une guerre qui touchera tout le Nord Africain, à Alger 05 millions d'habitants, les gens vont bruler d'autres gens pour faire à manger.

en 2030, à Alger il n y aura ni Gaz, ni électricité, ni gasoil, ni essence, ni cuisine, rien de tout cela, même la foret aurait déjà disparu, à voir les arbres (palmiers) qu'on plante dans le nord du pays,

j'ai déjà remarqué tous les Kabyles Algérois qui remontent chaque Week end àr Tmurt pour s'approvisionner en denrées (oignon, pomme de terre, huile d'olives, ....) à cause des crédits bancaires, AADL, CNL, Voitures, ...... les gens n'arrivent pas à rembourser!

en 2030, tous les four by four (4*4) que vous achetez à coup de 300 /400 millions vous seront juste utile à élever des poules en gros des poulailler!

RMII

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karim bouderbane

enfin un journaliste qui pense avec ça tète

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