Climat : une plus grande égalité est nécessaire

Les changements climatiques engendrent des catastrophes à répétition
Les changements climatiques engendrent des catastrophes à répétition

Le rapport "Climate Change Impacts in the United States" publié le 7 mai aux États-Unis fait le portrait de la situation climatique actuelle avec un professionnalisme hors du commun.

Le document de 1350 pages préparé pour la Maison Blanche par 300 scientifiques explique aux Américains que le changement climatique engendre des catastrophes à répétition et un déclin généralisé des récoltes de maïs, de blé et de la biomasse pêchable. Il le fait en utilisant des photos d'exemples concrets, des diagrammes explicatifs et un historique facile à comprendre. En comparaison, le dernier document du GIEC, bien que beaucoup plus complet et scientifique, ressemble tout au plus à un devoir universitaire de premier cycle.

Même si ce rapport se base sur d'autres données que le GIEC, il arrive pourtant aux mêmes conclusions. Le changement climatique n'est plus une menace distante. La rapidité de la fonte des glaces en Arctique et la montée du niveau de la mer dépasseraient ce que les pires estimations laissaient envisager. D'ici à la fin du siècle, les scénarios les plus optimistes quant aux réductions d'émissions anticipent une augmentation des températures de 3 °F à 5 °F. L'Alaska s'est réchauffé deux fois plus vite que le reste des États-Unis et pourrait encore augmenter de 10 degrés d'ici 2100. Les conséquences du réchauffement climatique sont déjà visibles sur le territoire américain. Les printemps plus précoces obligent les fermiers à planter plus tôt des récoltes qui subissent plus fréquemment des tempêtes. La FAO estime que la production céréalière mondiale sera de 2,458 millions de tonnes en 2014, soit un recul d'environ 2,4% par rapport 2013. La production de riz devrait aussi reculer en 2014. La sécurité alimentaire mondiale est compromise.

Compte tenu de la quantité de gaz à effet de serre déjà présente dans l'atmosphère, le réchauffement de la planète au-delà du stade où cela en dégrade les écosystèmes ne peut déjà plus être complètement évité. Les températures moyennes aux É.-U. ont augmenté de presque deux degrés depuis 1895. Sur les 14 années les plus chaudes jamais observées, 13 appartiennent au 21e siècle. Chacune des trois dernières décennies a même été plus chaude que la précédente. En France, l'hiver a été le second le plus chaud depuis 1900 et de l'autre côté de la planète, l'Australie a eu la pire canicule de son histoire récente. Si le niveau des mers peut s'élever de près de deux mètres au cours des prochains siècles, l’Antarctique est cependant le principal sujet d’incertitude. En supposant que toutes les glaces qui y sont accumulées fondent, le niveau des mers pourrait s'élever de 57 mètres.

La situation est rendue encore plus grave parce qu'elle arrive pendant que la population mondiale doit augmenter de 2,5 milliards d'individus d’ici 2050. Dans l'actuel contexte économique, la croissance est privilégiée à la lutte contre le changement climatique. Jusqu’à présent, le développement économique a été intrinsèquement lié à la combustion d’énergies fossiles. Une bonne partie de ces gens vivra en ville et voudra un niveau de vie supérieur à celui de leurs parents ce qui signifie plus d’émissions de gaz à effet de serre. Plusieurs pays tentent donc de bénéficier des efforts effectués par les autres, sans que cela affecte leur propre économie. Un changement fondamental de mentalité doit avoir lieu.

Comme dans beaucoup d'autres choses, il coûte beaucoup plus cher de ne pas s'occuper des changements climatiques que de les amoindrir rapidement. En 2006, l’économiste Nicholas Stern affirmait dans un rapport sur l’impact de ces changements qu’en cas de non-réaction, les coûts pour l’économie seraient l'équivalent de perdre annuellement plus de 5% du PIB mondial. Ceci équivaudrait à revivre chaque année la grande dépression. Les 34 pays membres de l’OCDE ont donc réaffirmé le jeudi 8 mai leur détermination à trouver en 2015 un accord pendant les pourparlers du COP 21 à Paris pour que cela n'arrive pas. Les républicains américains et les conservateurs canadiens qui critiquent tant le nouveau rapport que ceux du GIEC comme étant des outils politiques pour empêcher le développement des sables bitumineux pourraient se retrouver pris à leur propre piège. Selon un document qui vient d'être rendu public par la Carbon Tracker Initiative, jusqu'à 1100 milliards de dollars pourraient être investis à perte d'ici 2025 dans ces sables bitumineux si les gouvernements de 200 pays respectent leur parole de lutter contre le réchauffement climatique. Cette source d'énergie est non seulement une des plus polluantes, mais aussi une des plus dispendieuses. Elle serait la première sacrifiée quand viendra le temps des rationalisations.

Toutes ces prévisions alarmistes ne seraient cependant que la pointe de l'iceberg selon un article d'un brillant étudiant en thèse de mathématiques, Safa Motesharrei, qui a fait la manchette mondiale en début avril. Celui qui étudie sous la direction du grand spécialiste des prévisions climatiques, Eugenia Kalnay, de l’université du Maryland aux États-Unis, a trouvé un nouveau modèle mathématique qui explique avec plus de précision le processus de disparition d'espèces animales plus évoluée et au comportement complexe comme l'homme. Le texte qui a été accepté pour publication par le prestigieux Ecological Economics montre qu'il serait possible que la civilisation industrielle puisse disparaître totalement en quelques centaines d'années après avoir vécu une importante période de prospérité. Seule une plus grande égalité entre les humains leur permettrait d’éviter ce sort. Cette même conclusion peut aussi s'appliquer dans la lutte contre le changement climatique.

Michel Gourd

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