"Pourquoi l’Etat a-t-il acheté ce qu’il pouvait prendre gratuitement ?"

Dans cette affaire OTA, l'Etat a fait curieusement montre de grandes faiblesses.
Dans cette affaire OTA, l'Etat a fait curieusement montre de grandes faiblesses.

Spécialiste du monde des affaires, maître Nasreddine Lezzar qualifie le rachat des 51% des parts d’Orascom Telecom Algeria (OTA) auprès de Wimpelcom de «douteux» et accuse les autorités d’avoir permis à la partie égyptienne de sortir par la grande porte.

Dans l’entretien qu’il a accordé à El Watan, il argumente ses propos et apporte des éclaircissements sur cette transaction dont l’opportunité et la valeur continuent de susciter de lourdes interrogations.

El Watan : L’acquisition par le FNI de 51% des parts sociales d’OTA a suscité de nombreuses questions, notamment sur le prix et l’opportunité d’une telle transaction. Qu’en pensez-vous ?

Nasreddine Lezzar : Est-il opportun pour un fonds (le Fonds national d’investissement, FNI) public d’acquérir des parts sociales d’une entreprise mixte détenue par un investisseur majoritaire étranger ? Il faut signaler que depuis son installation en Algérie, OTA a eu beaucoup de démêlés avec les autorités. Elle a fait l’objet d’un redressement fiscal, d’une condamnation pour fraude fiscale, d’une interdiction de transfert de dividendes et a procédé à une vente illégale de la licence à Wimpelcom, et ce, à travers une cession d’actions. La prise de participation d’un fonds d’investissement public avec une entité coupable d’autant d’irrégularités constitue un véritable malaise éthique. Mais Orascom a recouru à l’arbitrage international parce qu’elle estime avoir été lésée. Il faut peut-être revenir en arrière.

Les autorités algériennes avaient gelé, en 2010, le transfert des dividendes d’OTA en raison de soupçons de fraude fiscale. Le gel des transferts de dividendes frappe en général une entité fortement soupçonnée de manœuvres frauduleuses. L’opérateur de téléphonie mobile Djezzy a perdu toutes les actions en justice intentées contre la Banque d’Algérie visant à annuler le redressement fiscal. Djezzy est accusé d’avoir commis, de 2007 à 2009, des infractions financières multiples. Les appels introduits par Orascom Telecom Algeria (OTA) et Orascom Telecom Holding (OTH) ont été jugés irrecevables.

Après plusieurs amendes infligées par la justice en 2010, OTA avait écopé d’une nouvelle amende en mars 2012 suite à un verdict de la justice qui a, cette fois, assorti la condamnation financière d’une peine de prison à l’encontre d’un membre de l’équipe dirigeante d’OTA pour les mêmes chefs d’accusation relatifs aux violations de la législation sur les changes. Il est quand même curieux qu’au moment même où Djezzy était condamnée par la justice algérienne, le ministère des Finances négociait le rachat.

Le montant de la transaction reflète-t-il réellement la valeur des actions rachetées ?

Il est quand même curieux que tant de déboires avec les autorités et la justice n’aient pas affecté la valeur de Djezzy. Il faut savoir qu’en général, il y a deux façons d’obtenir la valeur. La première concerne la valeur patrimoniale, c’est-à-dire les actifs et le passif, ou l’actif net corrigé, pour avoir une première idée de l’évaluation. Or, dans ce cas, il suffit de revoir la valeur d’acquisition de la licence et des investissements consentis comme patrimoine pour constater que le prix du rachat des actions est ahurissant. Un expert m’a d’ailleurs dit que ce volume de bénéfices ne s’enregistre que dans les casinos.

La seconde méthode d’évaluation est celle que les professionnels appellent l’évaluation par le Good Will, c’est-à-dire par les bénéfices que peut rapporter l’entreprise. Les évaluateurs ont semblé oublier que Djezzy n’a plus que deux années d’exercice vu la date prochaine d’expiration de la licence (2015). A moins qu’ils aient prolongé la durée de vie de Djezzy avec la licence 3G dont on ne connaît pas la durée. En lui accordant la licence 3G, les autorités algériennes ont donné un envol extraordinaire et inespéré à la valeur de Djezzy.

Les autorités affirment que le rachat des 51% des parts d’OTA était le seul moyen d’éviter l’arbitrage international auquel a recouru OTH, qui était porteur de risque pour l’Etat. Est-ce le cas ?

Je pense qu’au lieu d’acheter une entreprise au matériel obsolète et au Good Will très réduit par une expiration prochaine de la licence, les autorités algériennes auraient pu adopter un des scénarios suivants : mettre fin à la licence d’OTA pour cession illégale, relancer un appel d’offres pour une autre licence et attaquer OTH pour violation du cahier des charges en cédant la licence irrégulièrement à WimpelCom. Ou alors attendre l’expiration normale de la licence, lancer un appel d’offres avec une mise à prix substantielle proportionnelle au Good Will qu’on donne (dûment ou indûment) à Djezzy et ainsi renflouer les caisses publiques au lieu de les saigner. Il est certain que Djezzy aurait accepté une entrée gratuite du FNI dans le capital et à hauteur du minimum légal en contrepartie d’une prolongation de la licence.

La question qui reste posée est celle de savoir pourquoi avoir acheté ce que l’Etat pouvait prendre gratuitement ou en se faisant payer ? Par ailleurs, dans le deal entre le FNI et OTA figure l’abandon par Djezzy de la procédure d’arbitrage devant le Cirdi. La volonté de l’Etat algérien d’éviter une condamnation peut-elle expliquer ou justifier ces compromis ?

Je ne comprends pas l’audace d’un investisseur coupable de tant d’irrégularités. Tout comme je ne comprends pas, non plus, cette peur ou panique (feinte ou réelle) des autorités algériennes devant les procédures d’arbitrage. Les griefs de Djezzy devant le Cirdi tourneraient autour des condamnations fiscales dont il conteste la légalité. La volonté d’éviter l’arbitrage peut trouver son origine dans une impéritie des autorités fiscales algériennes qui, finalement, doutent du bienfondé de leurs décisions ou dans la recherche d’un compromis douteux au détriment du Trésor public.

D’après vous, quel est le deal qui lie le FNI à OTH ?

Ce deal comprend de nombreuses obligations entre les parties ; il doit être évalué dans sa globalité, et passer par plusieurs phases, à savoir le payement par Djezzy de ses dettes fiscales, notamment le redressement, et son autorisation à transférer les dividendes. Le terme deal signifie accord ; l’Etat algérien donne une piètre image en négociant.

La question qui reste posée est de savoir pourquoi avoir acheté ce que l’Etat pouvait prendre gratuitement ou en se faisant payer un attribut fondamental de sa souveraineté qui est le recouvrement de l’impôt. Pour la dette fiscale, il est quand même paradoxal que le fisc, nanti de privilèges et de facilités d’exécution judicaire forcée, n’ait pas réussi, pendant toutes ces années, à faire payer OTA. L’Etat semble négocier sa souveraineté fiscale. Pourquoi tant de faiblesses ? En plus, pour l’autorisation de transfert des dividendes, il faut rappeler que cette interdiction a été décidée suite à une fraude fiscale qui constitue un délit ou crime économique.

Cette interdiction ne peut être levée que par décision judicaire suite à une annulation de la condamnation pénale. Cette transaction est une atteinte à l’autorité et la suprématie de la justice. Il semblerait que Djezzy n’ait pas régularisé sa situation vis-à-vis du fisc et la Banque d’Algérie. Pourtant on avait déclaré que le lancement de la 3G a été reporté afin de permettre à Djezzy d’apurer sa situation pour soumissionner. Il ressort de ce qui précède que Djezzy a été autorisé à soumissionner alors que sa situation fiscale n’était pas apurée.

Salima Tlemçani

in El Watan du 3 mai 2014.

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Commentaires (4) | Réagir ?

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elvez Elbaz

Et les retrocomissions pardi!

Chawala said "REBELJAZAIR"!

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Massinissa Umerri

Vousvouscassez la tete. Il y a conflit d'interet. Vous ne pouvez pas acquerir une license telecom, sans la protection d'un general ou plus d'un general. Je partle d'experience vecue. Leurs parts ne doivent pas etre majoritaires dans la holding de mes 2. Si la Holding perd tout, alors ils perdent. Si celle-ci gagne, ils retrouvent possede's par un/des protege's, auquels ils auront ouvert la porte d'un domaine souverain, les telecoms.

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