Les vingt défis de l’Algérie entre 2014/2020

L'Algérie doit s'affranchir de sa forte dépendance aux hydrocarbures dans les proches années à venir.
L'Algérie doit s'affranchir de sa forte dépendance aux hydrocarbures dans les proches années à venir.

Après l’euphorie, la dure réalité. L’Algérie devra faire face aux véritables problèmes dont la résolution impliquera avec l’amenuisement des recettes d’hydrocarbures de profonds ajustements politiques, économiques et sociaux.

Verra-t-on une année blanche en 2014, se concentrant uniquement sur la révision constitutionnelle et distribuer la rente pour apaiser transitoirement le front social ? Ou assistera-t-on à un profond réaménagement privilégiant l’avenir de l’Algérie et non les appétits partisans, afin de résoudre les problèmes fondamentaux interdépendants au nombre de vingt qui engagent l’avenir tant de la société que de l’économie algérienne entre 2014/2020 ?

1- Mettre en place des mécanismes de dialogue permanent entre tous les segments politiques, économiques et sociaux de la société sans exclusive, évitant toute vision autoritaire du passé avec le monde qui est devenu une maison de verre avec la révolution d’internet, en fait s’ouvrir à la société par plus d’espaces de liberté. 

2- Ne pas se focaliser uniquement sur la révision de la Constitution, l’Algérie ayant les meilleurs lois du monde mais rarement appliquées, la mise en place opérationnelle de la bonne gouvernance, impliquant la refonte de l’Etat, basée non sur des relations personnalisées mais sur un Etat de Droit, l’indépendance réelle de la justice, favoriser la pluralité des médias avec un code de déontologie, la lutte contre la corruption qui détruit la cohésion du tissu social et fait fuir les investisseurs potentiels et donc la mise en place d’institutions, s’adaptant tant aux mutations mondiales que locales tenant compte de notre anthropologie culturelle.

3- Fondamentalement cela passe par un débat sur le futur rôle de l’Etat, loin du système centralisé jacobin, afin de réaliser une transition vers une économie de marché à finalité sociale, devant concilier efficacité et une profonde justice sociale. 

4- Combattre le système bureaucratique sclérosant qui décourage toute initiative créatrice, produisant la sphère informelle qui occupe plus de 50% de la superficie économique où tout se traite en cash favorisant l’évasion fiscale, et plus de 52% d’emplois fonctionnant dans un Etat de non Droit, renvoyant à la refonte de l’Etat. 

5- Le problème de la régionalisation économique à ne pas confondre avec l’accroissement du nombre de wilayas et le régionalisme, devant renforcer la symbiose Etat-citoyens à travers l’implication des collectivités locales, les candidats promettant toujours plus de dépenses publiques, notamment à travers la création de nouvelles wilayas avec de nouveaux fonctionnaires alors qu’il s ‘agit rationaliser la dépense, de réaliser un regroupement autour de grands espaces économiques dont le noyau sont des centres de formation professionnelles et des universités régionales au sein d’éco-pôles régionaux afin de bâtir des pôles d’excellence.

6- Aborder, sans tabou, et sans verser dans des attaques et analyses pernicieuses, comme dans tous les pays démocratiques, le rôle de l’armée et des services de sécurité dans un Etat de Droit ainsi que le fonctionnement de notre diplomatie, celle du Ministère des affaires étrangères et des ambassades bureaucratisés, qui semblent être de plus en plus déconnectés des réalités mondiales avec des discours et prises de positions des années 1970 qui risquent de marginaliser l'Algérie.

7- La réforme de l’école, mère de toutes les réformes, qui s’est bureaucratisée, du niveau du primaire au supérieur en passant par la formation professionnelle et posant la problématique de la maîtrise des nouvelles technologies, la dominance de la quantité au détriment de la qualité, allant vers 2 millions d’étudiants horizon 2020, ayant des implications pas seulement économiques mais culturelles et politiques afin de façonner le citoyen algérien de demain, qui connait une baisse alarmante; dans ce cadre comment intégrer notre émigration qui recèlent d’importantes potentialités. 

8- Prendre en compte les impacts des mutations mondiales, les enjeux géostratégiques de la région dont le Sahel, l’intégration du grand Maghreb et plus généralement de l’Afrique du Nord, pont entre l’Europe et le continent Afrique, à enjeux multiples, dont les avantages comparatifs de notre pays à terme devant s’inscrire dans cet espace euro-méditerranéen et euro-africain.

9- Les implications stratégiques de l’Accord d’Association qui lie l’Algérie à l’Europe applicable depuis le 01 septembre 2005, l’Algérie ayant eu un répit de trois années, le tarif douanier zéro étant prévu en 2000. Comment donc mettre en place des entreprises compétitives en termes de coût-qualité à cet horizon ? Il en est de même de l’Accord futur qui sera encore plus contraignant de l’adhésion de l’Algérie à l’organisation mondiale du commerce – OMC- qui interdit tout monopole et toute dualité des prix, notamment de l’énergie ?

10- Aller vers la transition énergétique. La gestion transparente de la rente de Sonatrach pilier de l’économie nationale et posant la problématique de la sécurité nationale, (environ 800 milliards de dollars de recettes en devises à prix courants entre 1999 et 2013 selon le FMI et la banque mondiale), par une transparence des coûts de production, devant autonomiser la rente des hydrocarbures propriété de toute la collectivité nationale, engager un débat productifs sur le niveau réserves des fossiles classiques, sur les subventions généralisées sans ciblage source d’injustice et de gaspillage des ressources financières, sur l’avenir du pétrole/gaz de schiste et ses effets sur l’environnement et la forte consommation d’eau douce et l’avenir des énergies renouvelables. Devant pour réduire les coûts combiner le solaire et le gaz torché gaspillé inutilement. Ignorant l’efficacité énergétique notamment avec les méthodes de construction traditionnels, les nouvelles technologies permettant d’économie 25% d’énergie, de ciment et de rond à béton, vers 2017 la consommation intérieure risque de dépasser largement les exportations. L’on aura doublé les capacités d’électricité horizon 2017 à partir des turbines de gaz allant vers plus de 70/75 milliards de mètres cubes gazeux, dépassant les exportations actuelles qui peinent à atteindre 50/55 milliards de mètres cubes gazeux. Les déclarations du 08 avril 2014 du premier ministre par intérim sont plus pessimistes relevant que pour une consommation 1,4 TEP/hab/an en 2030, la consommation énergétique intérieure dépassera les 100 millions de TEP, pour une valeur d’environ 83 Milliards $. L’on devrait arriver, sauf découvertes exceptionnelles,( les réserves actuelles de gaz traditionnel fluctuant entre 2500/3000 milliards de mètres cubes gazeux) à un épuisement horizon 2025/2030 pour le gaz traditionnel,( idem pour le pétrole) devant produire plus de 185 milliards de mètres cubes gazeux annuellement, si l’on veut exporter 85 milliards de mètres cubes gazeux, les réserves se calculant selon le couple cout-vecteur prix international.

11- Etablir le bilan réel et les impacts économiques et sociaux de la dépense publique entre 2000/2013 ( environ 630 milliards de dollars budget d’équipement et de fonctionnement) tenant compte de la répartition par secteurs et de l’éclatement du revenu national par couches sociales et secteurs et le pourquoi des surcoûts parfois exorbitants ( 25/30%) et du taux dérisoire de 3% du produit intérieur brut durant cette période l’Algérie dépensant deux fois pus pour avoir deux fois moins de résultat en comparaison de pays similaires selon l’OCDE ? Tenant compte de l’inflation mondiale, des opportunités entre soit ralentir les exportations d’hydrocarbures source essentielle des réserves de change, créer des fonds souverains, ou investir localement, engager donc un débat sur la gestion la rentabilité du placement à l’étranger des réserves de change ( 194 milliards de dollars au 31/12/2013 non compris les 173 tonnes d’or selon le gouvernement) environ 83/86%, en majorité en obligation européennes et en bons de trésor américain à un taux fixe de 3% ainsi que la gestion transparente du fonds de régulation des recettes renvoyant à un large débat sur les mécanismes de cotation du dinar qui par des glissement successifs à la baisse, gonfle artificiellement ce fonds, voilant l’importance du déficit budgétaire. 

12- N’existant pas une véritable politique salariale, attention à la dérive de l’application sans discernement de la suppression de l’article 87 bis qui risque de conduire à une dérive inflationniste, qu’il s ‘agit de différencier des traitements, mais des versements de rente, ne correspondant pas au niveau de la production et de la productivité, aborder sereinement le problème du marché du travail conciliant flexibilité, efficacité et notamment du danger des sureffectifs de la fonction publique (plus de 2,1 millions en janvier 2014), où l’on ne résout pas les problèmes de l’emploi par l’administration ou des emplois rentes fictifs.

13- Lié à l’amélioration du système de santé dont les hôpitaux connaissent une gestion défectueuse malgré des compétences, une gestion plus rigoureuse du médicament dont l’importation a dépassé 2 milliards de dollars en 2013, l’assainissement des caisses de retraite qui doivent être gérées dans la transparence loin du syndicat unique, qui risquent l’implosion en cas de chute du cours des hydrocarbures devant combiner les systèmes de répartition et de capitalisation. 

14- La dynamisation de la bourse des valeurs en léthargie depuis des décennies, la réforme du système financier, les banques publiques accaparant plus de 90% en 2013 du crédit total octroyé se cantonnant dans le rôle de guichets administratifs.

15- L’épineux problème du foncier tant agricole avec cette déperdition des meilleures terres, qu’industriel, ce dernier que l’on livre à des prix exorbitants et souvent sans les commodités ; pourquoi le non attrait de l’investissement direct étranger hors hydrocarbures et la règle contraignante des 49/51% que l’on généralise aux secteurs stratégiques et non stratégiques ?

16- Comme si c’était un péché originel, n’existant pas d’économie de marché spécifique qui est caractérisé par la dominance du secteur privé productif, le secteur d’Etat devant évoluer dans un cadre concurrentiel, aller vers une libéralisation maîtrisée par la démonopolisation (investissement neuf en faveur du secteur privé local et international) et de la privatisation ( (cession totale ou partielle des actifs existants dans la plus totale transparence grâce à une nouvelle communication envers les cadres et travailleurs), processus complémentaire, permettant la transition vers l’économie de marché et la croissance économique, posant la problématique du rôle de l’Etat dans la transition vers une économie de marché concurrentielle maîtrisée.

17- Le cadre stratégique étant défini au préalable pour éviter tout tâtonnement et dépenses à impacts limités, entrevoir une véritable politique industrielle, se fondant sur le partenariat, la co-localisation- devant revoir la règle des 49/51% applicable qu’aux seuls secteurs stratégiques en incluant les nouvelles technologies dans des segments à avantages comparatifs ( pétrochimie-mécanique, métallurgie, sidérurgie, électronique, chimie –pharmacie), l’agriculture, le tourisme et la culture qui en ce XXème siècle est une véritable industrie. Il s’agira de cibler les sous segments au sein de filières internationalisées où l’Algérie a véritablement un avantage comparatif, faute de quoi ce seront des unités qui fermeront à terme avec un gaspillage des ressources financières en rappelant que l’Algérie a consacré plus de 60 milliards de dollars à l’assainissement des entreprises publiques entre 1971/2013 où 70 sont revenues à la case de départ, montrant que ce n’est pas une question de capital-argent..

18- Création d’un fonds souverain avec 20/25% des réserves de change dont 86% des 194 milliards de dollars sont actuellement placées à l’étranger à un taux d’intérêt dérisoire, se fondant sur des balances technologiques et en devises positifs pour l’Algérie, sous réserve de montages de la ressource humaine comme fait un petit pays comme le Qatar ou la Chine, donc un investissement massif dans les filières de la connaissance pur éviter l’implosion du poste services (appel aux compétences étrangères indispensables qu’il s ‘agit d’intégrer intelligemment) de 2 milliards de dollars en 2000 à plus de 12 milliards de dollars fin 2013. Grâce à l’apprentissage international, devant favoriser le pilier du développement, l’émergence de bureaux d’engerrening complexes nationaux, où cohabiteront des experts de différentes spécialités algériennes et étrangères, économistes, financiers, sociologues, psychologues, et ingénieurs où des compétences existent mais sont éparpillées,

19- Le pouvoir d’achat des Algériens dépendant pour 70% de la rente des hydrocarbures étant lié à la maîtrise de l’inflation compressée artificiellement par les subventions (transferts sociaux directs et indirects et subventions ayant représentés 30% du PIB, soit 70 milliards de dollars), l’Etat peut-il continuer à généraliser les taux d’intérêts bonifiés si le cours des hydrocarbures baisse, l’Algérie de 2010/2014 fonctionnant sur la base d’un cours du baril supérieur à 100/110 dollars ? N’y a-t-il pas risque de se retrouver avec une bulle immobilière comparable à celle des USA car les emprunteurs ne pouvant pas rembourser à la fois la fraction du capital et les intérêts composés en cas de chute du cours des hydrocarbures avec des risques de faillite des banques primaires ?

20- Enfin comme synthèse des points précédents, tous les segments de la société veulent leur part de rente et immédiatement quitte à conduire le pays au suicide collectif, ne croyant plus en les discours démagogiques et aux promesses sans lendemain, comment rétablir la confiance en l’avenir, et éviter ce divorce croissant Etat-citoyens par une profonde moralisation de la vie politique et économique de la société (voir notre interview radio Algérie internationale 28/04/2014) ? 

En conclusion, comme j’ai à le démontrer dans les interviews données à plusieurs organismes internationaux, télévisions internationales et médias algériens au courant du mois d’avril 2014, l’Algérie est à la croisée des chemins avec tous les scénarios possibles afin de réaliser la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales se fondant sur l’entreprise et son soubassement le savoir et devant en prendre en compte la protection de l’environnement et les industries d’avenir les industries écologiques créatrice de valeur ajoutée et d’emplois productifs. Cependant, comme nous l ‘ont enseigné les fondateurs de l’économie, l’Economie est avant tout Politique, devant éviter tout déterminisme technique existant un lien dialectique entre le Politique, l’Economique, le Social et le Culturel. Il n’existe pas d’Etat national standard mais que des équipements anthropologiques qui le façonnent largement influencé en ce XXIe siècle par la mondialisation. Il y a lieu de distinguer la stabilité dynamique avec l’implication des citoyens par la démocratie source de progrès économique et social, supposant forcément un profond réaménagement des structures du pouvoir algérien de la stabilité statique source d‘immobilisme pouvant conduire à la déflagration sociale à terme. Sans démocratie, un Etat de Droit et le retour à la confiance, il ne peut y avoir de développement en ce monde turbulent et en perpétuel évolution où toute nation qui n’avance pas recule. 

Abderrahmane Mebtoul, professeur d’université

Plus d'articles de : Analyse

Commentaires (5) | Réagir ?

avatar
adil ahmed

merci

avatar
tab2752 tab2752

Qui a écrit cet article ?

Le même "économiste" qui nous conseillait d'aller voter aux dernières législatives sur ces mêmes colonnes ?

Mr Mebtoul devrait sortir de ces livres et faire des recommandations en partant de la réalité vers le possible.

La réalité est qu'avant de parler de l'économie algérienne, il faut parler de la nation et de la société algérienne qui est complétement disloquée et émiettée.

Sans un projet de société fédérant l’ensemble des algériens autour de valeurs fondatrices d'une nation rien ne sert de parler de l’état, d’économie ou de tout autre chose en commun.

Si aucun espoir dans l’avenir n’est partagé pour un changement collectif tendant vers une prospérité et un vivre ensemble apaisé, vous ne faite que de la fiction….

Réveillez-vous Mr Mebtoul, vous analyses qui vous semblent rationnelles, me semblent hors cadre dans ce suicide collectif que nous voyons se préciser au jour le jour…

visualisation: 2 / 5