Non, messieurs, l’armée doit s’impliquer et avant qu’il ne soit trop tard !

L'Armée seule peut arrêter la mascarade et les périls qui s'annoncent. Ici ministère de la Défense.
L'Armée seule peut arrêter la mascarade et les périls qui s'annoncent. Ici ministère de la Défense.

Le premier assassinat de la campagne électorale vient d’avoir lieu, dimanche à Staouéli (20 km d’Alger), à la sortie du meeting de Sellal : les bandes armées pro-Bouteflika ont poignardé à mort un militant de Benflis.

Par Mohamed Benchicou

Cela devait arriver. Le camp Bouteflika, conglomérat de mercenaires politiques, d’affairistes mafieux et de courtisans sans scrupules unis autour du pillage et de l’impunité, n’a pas le choix : il lui faut gagner les élections coûte que coûte. Ils sont prêts à tout, pour cela, à tout, à trafiquer les urnes, à intimider, à frapper et même, on le sait depuis hier, à tuer ! Ils bénéficient, pour cela, de l’argent sale et de la complicité des institutions de l’État.

Le tueur de Staouéli a agi avec l’assurance du milicien du pouvoir. Il avait le droit, la force, la "légitimité", de son côté. Ne venait-il pas d’entendre le sieur Sellal menacer, une heure auparavant, ses adversaires, qualifiés de "partisans de l’anarchie" des pires représailles : "Je dis à ceux qui veulent semer la zizanie que nous avons une armée puissante et des services de sécurité forts, personne ne pourra nous déstabiliser", a osé dire l’homme de main de Bouteflika, sans que personne, dans l’armée ou dans la société civile, n’ait trouvé à redire.

Les porte-voix de Bouteflika disent agir au service "de l’ordre" ! C’est sous ce slogan qu’est né, en 1919, le mouvement des chemises noires qui deviendra "Faisceaux italiens de combat" puis Parti national fasciste (PNF). Déterminé à prendre le pouvoir, Mussolini l’utilisait comme une armée contre-révolutionnaire, d’une manière demie-légale. Le Duce "a toujours raison" : l’opposition n’est pas permise. En 1920, ses squadistri, les chemises noires, ont commencé à attaquer leurs adversaires syndicalistes, révolutionnaires, socialistes ou communistes aux syndicats et aux socialistes et communistes, au nom de "l’ordre" et la "patrie".

C’est précisément ce que disent Sellal et Benyounès : l’ordre et la patrie ! Le tueur de Staouéli a agi en parfait squadistri de Bouteflika. Ces chemises noires algériennes existent. Elles sont entretenues et financées par les milliardaires de l’informel, ceux-là qui profitent de la faiblesse de l’État bouteflikien pour imposer leur loi et s’accaparer d’une grande partie de la rente pétrolière. Ce sont eux qui, conjurés aux manitous du pétrole mondial, aux Émirs du Golfe, à quelques capitales occidentales, détiennent les clés pour 2014. Ce sont eux qui ont imposé Amar Saâdani à la tête du FLN afin de pouvoir le mettre à la disposition de Bouteflika pour 2014. Pour cela, ils n’avaient pas lésiné sur les moyens : ils ont carrément "acheté" le FLN !

Le parti est ainsi passé de Ben M'hidi à Tliba Bahaeddine, surnommé "l’émir de Qatar d’Annaba", qui en est devenu vice-président du groupe parlementaire et qui s’est distingué en fin novembre 2012 en s’offrant une page publicitaire en couleur dans El-Khabar et dans laquelle il exhortait le président Abdelaziz Bouteflika à se présenter pour un quatrième mandat.

Cherif Ould El Hocine, milliardaires de Bouira, propulsé membre du Comité central avant de se faire élire à l’Assemblée comme député sur la liste du FLN et finir ensuite président de la commission de l’agriculture au Parlement ; Mohamed Djemaï, Crésus de Tébessa, qui a acheté sa place au Comité central du FLN puis son mandat de député à l’Assemblée nationale où il sera non seulement élu mais propulsé chef de groupe parlementaire du FLN avant que de véhémentes protestations des militants fassent reculer la direction du parti ; Ahmed Djellat, le milliardaire de Blida, Ali Hamel, le milliardaire d’Adrar, Dilmi Abdelatif, le milliardaire de M’sila, autres "propriétaires" du FLN, pour ne citer qu’eux…

Ces grosses fortunes nées sous l’ère Bouteflika savent donner du dinar et du poing. Le dinar pour corrompre ; le poing pour frapper l’adversaire politique. Tliba Bahaeddine dispose d’hommes de main prêts à punir ses adversaires politiques. C’est lui qui a fourni, lors de la réunion du CC le 15 juin dernier, les baltaguias, ces voyous qui ont empêché un bon déroulement de la réunion et permis le maintien de Belkhadem. Les adversaires avaient été sévèrement corrigés. Le mouhafedh FLN de Annaba, Mohamed Salah Zitouni, adversaire de Belkhadem et un des chefs de file des redresseurs, s’était retrouvé à l’hôpital pour traumatisme et blessure au visage.

Les squadistri de Bouteflika ont servi à casser le mouvement de protestation des patriotes en 2012, ainsi que les manifestations des chômeurs à Constantine et à Ain-Beida. Après avoir servi à assurer la victoire de Bouteflika, ils vont agir pour asseoir son règne. Contre qui ? Mais contre la population, pardi ! Celle qui va sortir dans la rue, celle qui demandera du travail, celle qui exigera ses droits, tout ce que Bouteflika ne pourra pas donner. Le Bouteflika en pleine santé, avec un baril de pétrole à 140 $, a conduit l’Algérie au pied de la tombe ; que fera d’autre le Bouteflika impotent, avec un baril de pétrole en chute libre et des réserves qui s’épuisent, sinon de l’enterrer ?

Le troisième mandat a été marqué par des mouvements sociaux à répétition – grèves des enseignants, des praticiens de la santé publique, des ouvriers de la SNVI, d’Arcelor Mittal, de la Fonction publique – comme n’en a jamais connu l’Algérie. Avec pour corollaire, la montée en puissance des syndicats autonomes et le déclin de l’UGTA transformée en syndicat légitimant la politique antisociale du pouvoir ! Le quatrième promet d’être sanglant. La confrérie de gredins qui persiste à revendiquer un quatrième mandat le sait. Qui, parmi ce consortium de fripons, ignore que l’Algérie est déjà dans l’asphyxie ?

Les responsables des finances algériennes le disent à qui veut les écouter : il n’y aura peut-être plus assez d’argent pour payer les retraites et les prestations sociales à l’horizon 2016-2017, date à laquelle l’Algérie se remettrait à emprunter sur le marché international pour assurer la nourriture. Il n’y a plus assez d’argent pour "corrompre". Le mécontentement social sera d’autant plus impressionnant que l’État n’a plus les moyens de s’offrir la paix sociale. Les caisses sont vides. Après 15 années de pouvoir, Bouteflika a dilapidé l’argent du présent et du futur. Il ne peut répondre à la demande d’emplois pour la stupide raison qu’il n’a créé aucune usine durant ces 15 ans. L’Algérie dépend toujours à 98 % des hydrocarbures. L’option en faveur de la production nationale a été empêchée par le cartel des milliardaires dont la prospérité repose sur les importations lesquelles ont été multipliées par six en 15 ans ! Alors, il reste la police et les milices ! Gare à ceux qui protesteraient. La bête bouteflikienne sort les crocs, à l’image de Sellal ou Benyounes. "Nous nous occuperons des agitateurs après le 17 avril", a promis ce dernier. Qui ignore donc cela parmi les aventuriers du quatrième mandat ? Nous allons vers de graves conflits internes dont les événements de Ghardaïa et les manifestations anti-quatrième mandat ne sont que les premières préfigurations.

Qui d’autre que l’armée peut avorter ces périls qui s’annoncent ? L’armée seule force organisée et qui, de surcroît, est responsable, historiquement, de toutes ces perversions du pouvoir. L’armée algérienne reste redevable auprès du peuple algérien d’une rectification historique. La créance attend d’être honorée depuis 1962. Les chefs militaires ont cru régler la question par un subterfuge : se "retirer" de la gestion de la vie publique et de confier les rênes du pays à un pouvoir "civil" réputé plus probe et plus compétent à édifier un État de droit, celui de Bouteflika en l’occurrence.

Quinze ans après "le retour de l’armée dans les casernes" ceux parmi les plus lucides des décideurs politiques mesurent parfaitement la faiblesse du pouvoir de Bouteflika et saisissent que le "transfert du pouvoir aux civils" s’est transformé en transfert de pouvoir à la mafia, que l’État n’y peut rien et que Bouteflika ne dispose plus de solutions de rechange. Selon les analystes du DRS, le pouvoir est à la merci de sa population. Il ne dispose plus d’aucun moyen de redresser la situation ni de pouvoir survivre à une réaction populaire, Bouteflika ayant tué l’État algérien hérité de Zéroual sans réussir à recréer « l’État boumedieniste ». Cette lucidité tardive repose sur l’obsession de tout service de sécurité : ne jamais montrer de signe de faiblesse, parce que la moindre expression de fragilité risque de déclencher des actes d’insubordination, de révoltes populaires, de mutinerie… Il y aurait même le risque d’une OPA hostile sur le pays.

Alors, faut-il attendre que s’enflamme le pays pour que l’armée intervienne en catastrophe ? Ceux qui, parmi les têtes politiques, de Benflis à Saïd Sadi, en passant par Zenati ou Ghozali, gagnés par une sorte de coquetterie vertueuse, s’offusquent qu’on "mêle l’armée aux jeux politiques", oublient que l’armée est déjà mêlée, depuis 1962, "aux jeux politiques" avec les résultats que l’on sait. Prétendre "préserver" l’armée des joutes politiques revient à laisser la population otage des coteries prédatrices et abandonner le pays aux pires déstabilisations de son histoire.

L’armée est appelée à intervenir. La double question, chers amis, qui se pose est de savoir si elle va le faire avant ou après la grande catastrophe qui se dessine et au profit de quelle partie : les forces prédatrices recomposées autour de Bouteflika ou la société révoltée. Pour Sellal, il n’y a pas de place au doute : "Je dis à ceux qui veulent semer la zizanie que nous avons une armée puissante et des services de sécurités forts". L’armée au service d’un candidat ? Je n’ai lu aucune mise au point du ministère de la Défense à l’adresse de ces propos scandaleux.

Non, il n’est pas encore trop tard pour peser sur les évènements. Après, il faudra sans doute sortir les chars dans un champ de cadavres.

M.B.

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Commentaires (17) | Réagir ?

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khelaf hellal

Si rien n'est fait avant le jour J, le résultat sera assomant, la fraude est enclenchée avant l'heure, lisez le périscoop du Soir d'Algérie d'aujourdhui, que peut bien raconter Belkhadem aux Zaouias du Sud à J-2 et aprés la date limite de campagne électorale ? Que peut-il bien promettre aux Zaouias pour les embobiner et les rallier à son giron. De la soupe de caserne ou la protection aux barbelés contre les fellagas ? Ils devront rendre des comptes pour ces méthodes de l'ordre colonial que l'on croyait révolues. Vous aurez la paix et notre protection si vous nous offrez vos voix, doit-il leur raconter, nous sommes là pour vous raconter tous les bienfaits et le role civilisateur du code de l'indigénat (ou programme de l'indigénat) que nous avont spécialement concocté pour vous et surtout méfiez -vous de ces démocrates-fellagas ennemis de l'Algérie. Ainsi procédait l'ordre colonial pour perpétuer son règne, l'ordre colonial qui se croyait inébranlable et éternel.

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Massinissa Umerri

A Damo !!!!

L'arme'e a deja intervenu plus d'une foi. Elle l'a fait sans arret. La derniere fois, c'etait il y a quelques semaines quand elle n'a pas reagit dans la glissade du dossier de mort-vivant. Le Toufik specifiquement devait arreter le Medelci et donc retarder le processus dans sa globalite'. Et dans ce faisant, donner un delais d1 mois a toutes les APC de constituer des Commissions Electorales, de degager des delegue's pour des commissions par Daira, de meme pour les Commissions de Dairas de degager une commission par Wilayas et a toutes les Wilayas de degager une Commission Nationale Independante. Et biensur d'ordonner a toutes les gendarmeries de se soumettre aux charges' de securite' de chaque commission a tous les niveaux. Bref, ecarter le gouvernement du processus.

S'ils devaient intervenir maintenant, ca serait le 18, pour se charger des allegations de fraude. La 1ere etant les signatures de bouteflika. Et nous voila enEgypte, mon marechal.

Ou tout simplement, laisser les agneaux algeriens avoir de quoi se plaindre 5 ans durant.

Ici, je suis Citoyen d'ici. En Kabylie, il serait dangereux a quiconque de se dire autorite' devant moi, autre que le MAK.

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