De Mehdi pour Ben M'hidi

L'immense Larbi Ben M'hidi. Un homme, une conscience et un symbole pour les Algériens.
L'immense Larbi Ben M'hidi. Un homme, une conscience et un symbole pour les Algériens.

Âgé d’un siècle et d’étoiles meurtries, Mehdi, alias Mehdi la géométrie, celui qui, pour communiquer, fait des dessins en l’air avec un bout de calcaire, celui qui vague et divague, qui marche à reculons, se cache le visage avec ses bras tant il a mal aux yeux, aux oreilles, au nez, à la gorge, ce Mehdi-là est las, vanné par un trop plein, celui d’un vase, à obliquer la raison et détraquer les saisons.

Mehdi est convaincu que ses dessins sont captés par nos aînés qui sont partis, pour la Dignité dans ce pays. Il envoie ses croquis, à l’un de nos héros, Si Larbi Ben M’hidi, pour lui dire de petites choses, à l’approche du mois d’avril, sans poisson pour certains. Et du poisson pour une fraction restante. Pas tout lui dire évidemment, car si Mehdi dit tout, Ben M'hidi va se retourner dans sa tombe. Un pli, pour dire ce si long retard d’un rayon de soleil.

"Ya Si Larbi,

Vous êtes partis tôt, pour ce pays que vous vouliez beau. Le brave peuple ne vous oublie pas, vous, et vos sœurs et frères de combat, ceux notamment qui, un premier novembre ont inscrit une page d’Histoire, allumée en une mèche, par le glorieux FLN, ce front –là qui avait essaimé tant de rêves et d’espérances, pour une belle Algérie. Ô combien belle ! Par la diversité de son paysage, par son littoral interminable, par le vert d’eau de sa mer qui fait rêver. Par ses montagnes dont chaque recoin a sculpté les exploits d’un peuple. Par ses vergers et ses plaines d’où jaillissaient les fruits de l’Eden ; toutes les nuances du vert. Ô combien belle notre Algérie, par ses richesses naturelles et culturelles. Par sa diversité. Mais notre pays, Ya Si Larbi, n’est plus aussi beau que vous le souhaitiez. Vous êtes partis, en emportant quelque chose ; de votre temps, le pays était beau, par la foi en vos idéaux, le respect d’autrui et de tout ce qui vit.

Quoi de neuf aujourd’hui ? Beaucoup de choses ya Si Larbi. D’abord, presque tout est devenu grand ou tout a augmenté en nombre : les logements, les routes, les usines, les écoles, les universités, les voitures, les hommes, les femmes….D’autres choses aussi, ont augmenté : l’avidité, la cupidité, les turpitudes, l’opportunisme ou l’arrivisme, la suffisance, maintes saletés…Beaucoup de choses ont été faites, fabriquées, mais pas tellement bien, y compris les humains. Nous avons augmenté en nombre, mais sommes devenus moins grands qu’avant. Des choses ont rétréci : le cœur et les valeurs. Nous sommes devenus petits, et quels fols appétits ! Et le flambeau que vous aviez remis, certains l’ont repris, le noyant dans un océan de mépris. Tout cela accompagné de vagues, de fléaux et de rage.

Quoi de neuf, aujourd’hui ? Beaucoup de choses encore. Il y a même des choses derrière les choses. Il y a eu par exemple, pour de nouveaux maux, des mots nouveaux, ne figurant pas dans notre dico, mais compris par le populo, élément d’un troupeau. Des mots tels que : Hogra, khobziste, hitistes, harga, hedda, hallaba, chkara, Tchipa, h’chicha, zetla, beznassi, trabendo. Et une fois shab el baroud partis, shab echkara ont surgi.

Ya Si Larbi, vous pensiez à «l’Algérie avant tout» ; aujourd’hui, d’autres frères et leurs rejetons pensent à leurs poches surtout. Car ils ont, non pas une ou deux ou quatre poches, mais plusieurs, ces prestidigitateurs. Entasser, amasser. Ni éthique, ni morale. Savoir faire des additions, des multiplications de préférence, jamais de divisions. Je prends tout, je multiplie, je ne pose ou ne dépose rien du tout et tu retiens zéro. Aucune retenue. Recevoir beaucoup, garder tout. Que dire des autres, conditionnés à voir une grosse louche, tout près de la bouche, et ingérer sans transpirer.

Après moi le déluge ! Et le déluge est au seuil de nos maisons. Ce que je peux vous dire aussi, à vous Si Larbi, la bataille d‘Alger finie, il y a maintenant d’autres batailles à Alger, sauf que certaines ne sont ni belles, ni honorables, ni réjouissantes. Des batailles ou des combats, défiant règles et lois, c’est comme on veut.

Et puis certains vous évoquent aux occasions, sans dire le plus important. Pour se faire voir, on peinturlure l’Histoire, à l’aide de colorants qui schlinguent de loin. On radote. Les faits on les rabote, on les lubrifie, avec une huile bien de chez nous, celle qui vient du pétrole, beaucoup de pétrole qui a donné de mauvaises idées à certains. Et pour supporter tout cela, l’un fait ce qu’il peut, l’autre regarde…

Mais "où va l’Algérie ?" Nulle part et ses enfants avec ? Certains font en sorte que non ! Voilà, je vous ai dit ce que je pense, car je pense ce que je vous ai dit, ya Si Larbi. Gloire à vous et à tous nos chouhadas".

Rachid Brahmi

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Commentaires (3) | Réagir ?

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klouzazna klouzazna

Il nous est recommandé nous génération de l'indépendance de cesser d'impliquer ces grands hommes dans nos bétises et notre KHORTI d'ajourd'hui... A chaque temps sa génération...

Ces grands hommes ont cru à un idéal... ils ont essayé de l'atteindre aux dépends de leurs vies... certains l'ont vécu d'autres non... Gloire à eux !!!

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khelaf hellal

Le sourire éternel de notre héros national Larbi Ben Mhidi, ce sourire que même ses bourreaux partageaient ? Un sourire qui vaut son pesant d'or et qui ferait bien méditer Yacef Saadi et autres renégats. Ce sourire éternel de nos glorieux chouhadas qui ont écrits en lettre de sang les premiers alinéas de la déclaration des droits de l'homme (non à la torture, non à l'occupation et à la violence coloniale) : " Donnez-nous vos chars et vos avions, on vous donnera nos couffins ! " avait-il lancé à la figure des parachutistes qui le torturaient.

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