Indépendance de l'Algérie : le 19 mars 1962 à Beni Ouartilane

Le cessez-le-feu à Ath Ouartilane.
Le cessez-le-feu à Ath Ouartilane.

Si je dois mettre un peu de mon luxe quelque part, c'est pour ma plume, l'arme de mon âme.

Que s'est-il passé ? Si je me suis posé cette question cinquante ans après, c'est pour répondre sans la moindre équivoque aux principes inspirés des sacrifices de nos valeureux combattants. Le devoir de mémoire nécessite la contribution de chacun de nous, pour s’intégrer aux progrès humains. Un précieux récit historique narré il y a cinquante ans, il retrace les événements importants vécus pendant la guerre de libération sur cette terre d'At Wertilan, façonnée par le labeur opiniâtre de ces enfants, leur adhésion ancestrale à chaque événement solidaire, pour la cause nationale. Un récit inédit

"Beni Ourtilane le, 13 mars 1964.

Mr. Benghouba A

Beni-Ourtilane Dpt. de Sétif.

A. Monsieur Abdelhamid Benzine

Rédacteur en Chef - Alger Républicain - Alger

Objet : Publication d’un récit à l’occasion de l’anniversaire du cessez-le-feu.

Monsieur et cher frère.

A l’occasion de l’anniversaire du cessez-le-feu. Je tiens à vous adresser un récit concernant les événements et incidents survenus dans la région peu avant le cessez-le-feu. Je vous prie de bien vouloir l’insérer dans votre rubrique ou dans un autre emplacement les principaux passages. Egalement, je vous laisse le soin – dont je compte sur votre initiative - quant à la rédaction et la reconstitution des phrases si celles-ci sont jugées mal constituées où sont inutiles.

Combien étaient larges nos villages et douars

Où se déroulaient des combats acharnés !

Combien étaient longs les rudes chemins neigés 

D’Azrou, de Takintoucht et d’Aâchabou.

D’où nos guérilleros débouchaient vers la Patrie,

En écrasant les batteries de l’impérialisme français !

De Tillah à Aâchabou. D’Azrou à Takintouchet où des véritables maquis ont été constitués. Région montagneuse, dominés par quelques rochers, qui offraient un excellant terrain aux combattants, où des combats acharnées se déroulèrent plus au moins fréquemment. A Azrou dans ses beaux refuges, à Ismamène dans ses abris et ses grottes, à Isbousse dans ses refuges et casemates insaisissables qui dominaient Taçift Harira. Les forces du F/ALN se réfugièrent quotidiennement, d’où étaient leurs principaux foyers durant toute la lutte libératrice. Je ne cite ici qu’un seul accrochage le plus significatif (presque comparable à celui de l’Espérance), qui s’était déroulé en 1957, approximativement entre les villages d’Azrou. Presque, sinon toutes les forces françaises qui étaient intervenues les premières, ont été démantelés… Huit soldats dont un officier ont été capturés et exécutés 

Il est cependant inutile de souligner tous les événements ou les incidents, mais ouvertement pendant le dernier quart d’heure. Au moment où le Monde parlait d’une éventuelle paix en Algérie. Au moment où la politique Gaulliste se bornait vers un compromis et cherche de mettre fin à la subversion et au drame, un véritable fasciste français d’Algérie, placé à la tête des forces françaises stationnées dans la région, pratique la terreur, la répression, les destructions systématiques, les exécutions sommaires… spécialiste de la répression, déshumanisé et raciste. Il est de grande taille, ayant un teint foncé et clair et il parlait couramment kabyle. Une simple visite sur les lieux pourra apporter de milliers de témoignages de ceux qui ont connu sa répression. Presque personne n’a lui échappé. Tous on a passé par ses prisons. Il faut dire que cet ultra fasciste voulait le dernier quart d’heure de Lacoste, sinon poursuivre la méthode de ceux qui se réclamaient de l’Algérie comme province française (sic) voire les tentatives de renverser le régime par le putsch militaire.

Bouleversé par la destruction de ses bien (selon certains témoignages, il est propriétaire d’une ferme située dans la vallée de la Soummam), et se voit contraint de quitter l’Algérie, il employé une nouvelle méthode spirituelle à ses activités traditionnelles. En effet, il essaya avant tout de rééditer contre le F/ALN, et ensuite de s’acharner contre les populations civiles. Il est dans la région depuis « l’Espérance » alors qu’il était Adjudant à l’époque. Il assumait successivement des responsabilités jusqu’au grade de Capitaine. A chaque massacre, à chaque répression, il est nommé à un grade élevé et félicité par ses racistes supérieurs de l’œuvre ou des succès remportés tantôt sur le plan opérationnel, tantôt sur le plan 

Dès l’année de 1961, et spécialement à partir de 2ème semestre, les opérations militaires prirent de nouvelles formes. Pour le F/ALN, elles étaient et surtout caractérisées par des méthodes à peu près analogues à celles que l’unité combattante poursuivait. Les zones déclarées interdites étaient surveillées par des groupes de choc qui prirent les maquis pour démanteler les forces combattantes – ou à la recherche des renseignements - . Ils étaient composés de légionnaires, des éléments de la 3ème force (Djounouds ralliés, et des harkis conjointement avec des éléments des SAS de types dits « pseudo libéraux » où « psychologues » et des éléments des Dragons de types « opérationnels ». de castes militaro-fascistes opérèrent alors tout l’étendus de la région. Ils mangeaient dans les villages pendant la nuit tandis que le jour ils se camouflent dans la forêt en utilisant des burnous et des kachabis. En agissant ainsi au compte du Capitaine Schneider, les frais dépensés pour leurs dîners – parfois pour les repas sont à la charge des habitants de tous les villages. Ils se déplaçaient simultanément du village à l’autre et du secteur à l’autre.

Plusieurs frères cependant – civils ou militaires- ont été victimes de cette nouvelle activité notamment un officier, responsable de la région (s/lieutenant) a été victime, ne pouvant se distinguer d’entre combattants ou ennemis qu’après que le drame ait été effectuer.

Leurs actes ont causé aussi l’assassinat d’un patriote lâchement égorgé le 26 mars 1962. C’est, en fait, qu’après quelques semaines du cessez-le-feu que leur mission était impossible à la suite du départ des éléments établis dans la région. A plusieurs reprises après le cessez-le-feu des embuscades nous ont été tendus, et une fois nous avions échappé que par justesse. Des menaces sur les masses ont été néanmoins pratiquées pour entraver notre activité et de la rendre à néant, c’est à dire de rendre le cessez-le-feu caduc.

Les opérations militaires étaient dirigées qu’après découverte d’un refuge, et non comme précédemment des opérations de nettoyage ou de pacification comme disait une certaine propagande, mais ils étaient à terre militairement, et à l’air l’aviation rentra en action. Ils sont aidés dans leur besogne de terreur par des hélicoptères Alouettes, Sikorsky et Bananas sans citer les bombardiers lourds et les réactions. Toutefois, il est difficile, sinon impossible de s’échapper ; c’est choisir entre la mort héroïque ou la captivité.

Pour les populations elles connu un phénomène excessif et critique : C’est l’encerclement des villages par surprise. Personne ne pouvait connaître le temps de l’éventualité si tôt comme précédemment, qu’à la suite où le coup du filet aurait été déjà tenté. Ces activités, pour les derniers mois de 1961, étaient évidemment quotidiennes. Après que le signal ait été donné par les groupes de choc qui opérèrent la région, le village signalé ou suspect est automatiquement encerclé. Ils rassemblèrent tous les gens du village, exception faite parfois aux femmes et aux enfants ; qui, jadis eux aussi, n’échappaient pas à cette règle. Ils choisissent ceux qui leur donnaient trait du patriotisme pour lui subir des tortures et des interrogatoires. Le cas échéant, c’est un membre d’une famille, dont son frère ou son cousin avait pris le maquis qu’ils choisissent comme les maquignons choisissent un mouton dans un troupeau. Ils le prirent avec eux, et, tantôt ils le relâchent, tantôt ils l’exécutèrent sommairement. Ils fouillèrent tout le village, et l’opération n’excède jamais une demi-heure.

Au matin du 19 mars, après les nouvelles données par certains habitants qui possédaient des postes radios, nouvelles captées bien sûr par tous les radios, tous les esprits se réjouissaient d’une éventuelle paix retrouvée dans un pays déchiré par une guerre de 7 années de lutte fratricide. Pour les uns, cette nouvelle les a surpris. Pour les autres, ils gardaient le souvenir de la situation critique des derniers temps et de la ronde infernale qui se jouait autour des populations. Plusieurs personnes, sinon presque généralement, n’admettaient pas que le cessez-le-feu soit appliqué à l’heure prescrite, ou qu’il soit mis fin aux actions armées et aux opérations militaires. Cette journée était considérée comme la plus méfiante où des exécutions sommaires et arbitraires pouvaient avoir lieu.

En somme, ceux qui se méfiaient de cette journée ont-ils raison de croire au surgissement de la répression ? En fait, tandis que l’officier de la SAS affichait sur la place du marché des proclamations du cessez-le-feu, les autres, pour leur part (les Dragons), opérèrent les villages au dernier quart d’heure.

Précisément à 11h15mn, le village Feintikelt était encadré par les goumiers, à leur tête un lieutenant perdu et déçu par la guerre d’Indochine. L’encerclement et la fouille avaient duré qu’un quart d’heure. Un cousin fut insulté et bousculer. En revanche, dans cette localité, ils savaient que les maquisards qui restaient fréquentent régulièrement ce village, qui est situé dans un point culminant, sur les hauteurs de la caserne et du centre. Et, ce grâce à celui-ci que le F/ALN se procure, d’une façon facile, l’acheminement des ravitaillement, des fournitures alimentaires, etc. Des refuges se trouvaient constitués, et même des abris souterrains. En cas exceptionnel en les utilisent pour échapper aux découvertes.

De village en village, l’opération de cette journée était assurée par des véhicules, et non comme auparavant d’habitude ils les faisaient à pied. A 11h30mn (un quart d’heure d’intervalle après Feintikelt), Ighil- Oufellah, à son tour, était encerclé. Un père d’un maquisard était giflé et a sonné par le lieutenant qui dirigeait l’événement. Enfin à 11h45mn, plusieurs autres villages ont été encerclés. On s’aperçoit vite, et la conclusion qu’on pouvait tirer, est que tous les villages suspects ont été fouillés minutieusement.

Quant à l’organisation combattante (FLN/ALN), ne restaient sur un effectif global du secteur de 85 maquisards, y compris le comité de secteur, que quelques-uns. Tous les réseaux ou les principaux refuges (P.C. de secteur, P.C. de région) ont été détruits par suite des dénonciations lors où un maquisard a été capturé, ou à la suite d’un ralliement d’un élément, investi pendant la tactique de «l’Oiseau bleu». La destruction la plus dramatique a été connue surtout à partir de septembre 1961 à décembre. J’estime qu’il n’est pas nécessaire de dresser le bilan des pertes qui ont survenu pendant cette période ou faire une statistique.

Ceux qui restaient prenaient leur distance. A cela, chacun se réfugia dans un endroit où il estimait et jugeait utile, d’où il peut échapper ou faire face à toute éventualité opérationnelle. Le principe, c’est de ne pas être pris vivant. Des contacts ont été rompus ni avec les moussebelins, ni avec la hiérarchie dont l’intéressé doit soumettre des comptes-rendus à ses supérieurs. La liaison s’avérait très difficiles, sinon impossible, d’ailleurs sans renseignements, il ne peut y avoir de liaison. Plusieurs des membres du comité de secteur ont été anéantis en décembre et même un membre et un chef de région.

A la suite d’un découpage qui aurait été intervenu, nous fûmes désormais rattachés à la région 4. Dans cette région l’effectif est proportionnellement assez fort. Les groupes circulaient même le jour. Il y a quelques possibilités pour des contacts avec les masses, à l’intérieur de l’unité, etc. En revanche, avant que le secteur soit désormais rattaché à la région 4, il était déclaré secteur autonome. Seuls quelques deux combattants ont pu arriver à se mettre en relations avec la zone, et non avec la région.

Tel est le récit que je désire présenter aujourd’hui pour se faire mémoires des circonstances troublées ou des situations passées dans la vie civile ou dans le maquis. "…C’est aux amis et aux frères de la vie civile ou du maquis, se trouvant dispersés ou émigrés quelques parts en Europe ou dans d’autres villes d’Algérie, que je dédié le présent récit…»

En attendant de revoir écrit dans votre rubrique les principaux éléments du présent récit dont je vous serais reconnaissant de bien vouloir s’en chargé de la reconstitution des phrases, car je ne possède pas d’une grande expérience en matière de diduction, mais je déploie tous mes efforts pour arriver à en réaliser des progrès dans ce domaine.

Veuillez croire, cher frère, à mon profond respect.

A. Benghouba, Signature illisible.»

Témoignages sur le dernier quart d'heure avant le cessez-le-feu (résumé)

Pour le Capitaine Schneider, quitter l'Algérie était pour lui affront, en guise de vengeance, il veut fermer son livret journalier de chasse, par la liquidation des innocents qui ont un attachement avec les sept Moudjahiddins rescapés de son enfer, sur l'ensemble de l'effectif du secteur 4 de la région 3 - zone 1 – wilaya 3. Avant son intégration à la région 4, ce secteur est constitué de Beni Ourtilane, Tiguenatine , Beni Chebana, y compris le Laazib n Sidi Saddek. Huit ans de guerre, avec un bilan plus de 1000 Chahids, les femmes et les enfants assassinés non compris...

Le 19 mars 1962 à 11 h 15, le lieutenant Raffel à la tête d'une trentaine de soldats des 4° RD (dragons) jumelés de harka, à bord d'une jeep et de deux camions militaires, ils encerclent le village Fintikelt, pour arrêter Yamina, l'épouse de moudjahid Mezheri Mohammed. Heureusement à sa sortie de prison, à la fin de 1961 (...), un cousin Lahcene Mehadjeri l'a fait évacuer chez sa famille à Bougaa (Lafayette), pour la mettre à l'abri et la faire soigner de ses graves blessures, suite aux tortures qu'elle avait subies à l'électricité (...). Au moment de l'assaut, sa mère Tassadit était à la fontaine publique, quand elle a vu les soldats propulsaient chez elle, elle rentre, pour voir de quoi il s'agit, à son arrivée les soldats l'ont arrêtée, étrangler et menacer de mort si elle ne leur avoue pas au se cachent sa fille, un Moussabel Tahar Benghouba intervient, pour répondre à sa place : «elle est chez elle à Ighil Oufella», ce dernier s'est fait bousculer...

Très vite, à bord de leur véhicule militaire, ils gagnent le village Ighil Oufella, il est à 11 h 45, ils encerclent le village, les bourreaux fouillent la maison du maquisard et celle de son cousin Slimane, sans vain, alors ils leur jettent leurs affaires dans la rue. Le lieutenant gifle Dahbia Chakir (collecteuse des fonds) la mère du moudjahid Mohamed, ils s’en prennent ensuite à son père Mezheri Mohand Akli Oumhadjeri, à l’aide d’une corde ils l’attachent auteur de son coup, traîner à l'extérieur, pour l’humilier, verser par terre, le lieutenant le menace de l'égorger, s'il n'avoue pas au se cachent son fils et sa belle-fille. Mohand Akli : «je vous en suppliais, laissez-moi, je vais vous répondre», une fois debout, il leur fait un bras d'honneur…, le lieutenant le fait sonner à coups de poing. 12 h00, l'heure prévue pour le cessez-le-feu fut déjà alertée par le signal de l'alarme, la gendarmerie intervient auprès du lieutenant pour lui rappeler à respecter les recommandations du cessez-le-feu… - À savoir Yamina reste la dernière personne recherchée par l’armée coloniale -…

Après le cessez-le-feu

Témoignage du général Alain Bonavita

«Volontaire pour un deuxième séjour en Algérie, le lieutenant Bonavita prend en charge la SAS de Maouklane, près de la Fayette en 1959, dans un Sous-quartier de pacification où la harka est jumelée avec un escadron du 4° RD (dragons). En 1962, son voisin le capitaine A. crée un maquis à Beni Ourtilane avec 3 légionnaires et un groupe de harkis. Le Sous-préfet Bachouchi pro-FLN, apprend cette implantation et met en garde les officiers SAS du Secteur. Un commando FLN venant d’Alger est chargé d’assassiner le capitaine A., qui doit quitter le territoire sous la protection d’une escorte blindée. Menacé à son tour, Bonavita est contraint au départ.»

Les combattants musulmans de la guerre d’Algérie : des soldats sacrifiés - 1995 - Page 194,Par Maurice Faivre

Gloires à nos valeureux martyrs

Mezheri Mostapha.

A suivre…

Sources :

Archives :

- La lettre du Moudjahed Benghouba A adressé au Moudjahed Benzine Abdelhamid

Témoignages :

- Chakir Dahbia (collecteuse des fonds)

- Le moudjahed Benghouba Abderrahman

- Le moudjahed Mezheri Mohamed

- Yamina Boussadia et d’après les témoignages recueillis auprès de son grand père Boussadia Mokhtar (moussebel) et sa mère Boussadia Tassadit (ravitailleuse)

- Mezheri Zahoua (Blessée de guerre), mère du martyr Benghouba Boubaker, âgé de 4 ans, tombé au champ d’honneur avec son cousin Lahcene, âgé de 5 ans, lors des bombardements le mois de juin 1956 (Opération Dufour où espérance).

- Les citoyens (ennes) des deux villages : Fintikelt et Ighil Oufella

- Témoignages des villageois (Fintikelt et Ighil Oufella)

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Commentaires (3) | Réagir ?

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algerie

merci

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Amnay Djennadi

BENI OUERTILANE ?! merci de cessez la contribution à falsification de la toponymie amazighe !

ce n'est pas Beni Ouertilane mais At Ouertilane ! si non pour le reste merci pour le témoignage

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