Pourquoi Ouyahia nous ment (1)

Ouyahia, le revenant.
Ouyahia, le revenant.

Il était, de toutes les créatures de ce système finissant, celui dont on pouvait supposer qu'il avait le moins de raisons de nous mentir.

Par Mohamed Benchicou

Ahmed Ouyahia avait accumulé un peu de ce crédit qui retombe naturellement sur les personnages esseulés et l'image de l'homme suffisant et bourru laissait progressivement place à celle, inattendue, du brave persécuté. Il suffisait à l'ancien Premier ministre de laisser faire le temps. Le temps et les événements. Mais Ouyahia ne s'appartient pas ; c'est un fils de la Famille, la Famiglia. Un fils un peu maudit, un peu volage, mais un fils quand même. À la différence de l'autre fils de la Famille, Mouloud Hamrouche, qui avait choisi le silence tactique, Ouyahia, lui, n'avait rien choisi : il était réduit au silence ! Ouyahia était banni. Chez eux, on dit qu'il est «déposé». Il ne pouvait plus compter sur aucun membre de la Cosa Nostra.

L'homme qui vient de parler à Ennahar TV s'est exprimé au nom de la Famille qui venait de lui pardonner. Menacée par toutes sortes de vents contraires, elle a sonné le rappel de sa progéniture, toute sa progéniture, la rebelle comme la fidèle. La Famiglia, tous clans confondus, tente de se recomposer pour les besoins de la survie, autour du quatrième mandat. Ouyahia est absout de son péché d'irrévérence, par nécessité. Mieux vaut l'avoir avec soi, en ces temps troubles, que de le savoir en train de badiner dans quelque verger de la sédition. Son bannissement est levé. Il y avait été condamné le jour où il oublia que la Famiglia avait ses lois et ses obligations : il n'y a pas de destin individuel en dehors d'elle.

Ouyahia eut son moment d'égarement. Il avait pris trop tôt, trop vite, position contre le pouvoir à vie de Bouteflika. Il avait fait dire par cet impulsif de Chihab Seddik, numéro deux du RND, qu'il serait «prématuré de parler d’un quatrième mandat présidentiel», estimant, l'insolent, que «le président de la République ne manquera pas de prendre sérieusement en considération la situation régionale et la volonté du peuple d’instaurer une alternance politique.» Alternance politique ? Le mot avait valeur d'insulte. La famille est une société secrète, pas un simple gang. Et vouloir prendre la place du parrain est une irrévérence impardonnable pour un vicaire qui n'aura pas su se contenter de son rang. Il avait oublié que tout appartient à la Famille : le RND, le poste de Premier ministre, les carrières, les mandats, les limousines, le palais du gouvernement, bref, le pouvoir !

L'ordre de le bannir est venu du parrain. Et qui s'en cachait d'ailleurs ? Pas le docteur Guidoum, en tout cas, qui s'en était allé rencontrer le président Bouteflika quelques minutes après l'annonce par Ouyahia de sa démission. Pas la brave Nouria Hafsi non plus, accessoirement membre du bureau politique du RND et secrétaire générale de l'Union nationale des femmes algériennes, transformée en torpille lancée à la face de l'ambitieux fils. La meneuse de la «rébellion» s'était laissée trahir par cette imploration publique devant les journalistes : «M. Bouteflika, protégez-nous de ce monstre haï par le peuple algérien. Si un jour il devient président, il mettra le pays à feu et à sang.»

L'homme qui vient de parler à Ennahar TV est donc un rescapé. Dans la Famille, on exécute généralement les ambitieux qui échouent dans leurs ambitions. Ouyahia le sait depuis toujours. Mais le docteur Guidoum, promu exécuteur de la basse œuvre pour le compte du parrain, avait laissé entendre que Ahmed Ouyahia pouvait rester militant du RND. C'était déjà ça. Il n'était pas tout à fait liquidé ; il lui restait une chance de survie politique, mais elle était entre les mains de la famille. Ouyahia avait alors compris qu'il ne lui restait qu'une seule attitude : le silence. L'exil intérieur. Comme Benflis. Patienter. Espérer. Et l'heure est venue de mentir pour la Famiglia. "Nun sacciu, nun vidi, nun ceru; e si ceru, dormivu" (Je ne sais rien, je n'ai rien vu, je n'étais même pas là - et si j'y étais, je dormais). Ouyahia a dit, sur Ennahar, les mots qu'attendait la Famille. Les mensonges de circonstances. En tête, le plus gros : «Retenez bien que les généraux n’ont jamais fabriqué les présidents en Algérie.» Voilà une bien maladroite façon d'affirmer, pour ceux qui ne l'auraient pas compris, que le candidat Bouteflika jouit du soutien de tout le système. En quelle qualité parle-t-il donc ? De quelle autorité peut donc se prévaloir Ahmed Ouyahia pour être si péremptoire concernant un fait qui implique avant tout la hiérarchie militaire ?

Comment le croire lui, simple intendant du régime, et pas les principaux intéressés qui ont fini par avouer le contraire ? Depuis l'année 2002 et la fameuse déclaration faite au soir d'Algérie par la «source autorisée du ministère de la Défense nationale» dont on a su, depuis, qu'il s'agissait du général Mohamed Lamari, on sait que les chefs de l'armée ont choisi Bouteflika comme «le candidat le moins mauvais».

Quelques mois plus tard, c'était au tour du général Nezzar qui sait de quoi il parle pour avoir été chef d'état-major et ministre de la Défense nationale puis membre du Haut comité de l'État, d'admettre publiquement la responsabilité de l'armée dans la désignation de Bouteflika. Le général major écrit : "Nous connaissions les pages pas très nettes de son passé, mais nous n’avions pas le choix et nous restions attentifs. (…) L'Algérie avait besoin d’un diplomate habile, familier des grands de ce monde et des hémicycles internationaux afin de dynamiser la diplomatie en butte à l’hostilité et à la désinformation" (Bouteflika, un homme un bilan – édition APIC – 2003). Mais alors, pourquoi Ouyahia est-il chargé de formuler, à son tour, ce mensonge que l'on a déjà entendu dans d'autres bouches vertueuses : Médiène n'est pas contre le quatrième mandat. Ne serait-ce pas que, derrière cette grosse falsification gît une vérité qu'on veut absolument cacher : l'armée et le DRS, sous la pression des puissances occidentales, alliées conjoncturellement à Bouteflika, ont plié genoux, comme en 2004, comme en 2009 ? Et que, à tout prendre, mieux vaut s'afficher comme soutien au quatrième mandat que comme adversaire forcé à l’allégeance ?

Une question qui mérite que l’on y revienne dans notre prochaine chronique.

M. B.

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Commentaires (10) | Réagir ?

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Mohand ait mohand

Mais qui est donc le Capo di tutti i capi ??

Ouyahia nous dit que ce n est pas Medien ??

ca ne peut pas etre le Fantome le Capo di tutti i capi?

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sarah sadim

Ouyahia ou "l'ambulance politique de Bouteflika" ne tirez pas trop sur ce patriotardiste, Belkhadem le "ramasseur d'ordures" est en mission post élection pour débarquer au kracher Saidani, alors ne tirez pas ou plus sur des "Morts politiques", ennoblis par Fakhamatouhou en fossoyeurs du gouvernement actuel au lendemain du 18 avril 2014.

Menteur ouyahia, mais lui meme est un mensonge, ses relations avec Médiene un plus gros mensonge, et grand commis de l'état c'est le mensonge capital et véniel, de ce paysan de la frontiére Grand Kabylie et Petite Kabylie.

Finalement ce controleur du train gouvernemental par ses alées et "re" venues, aurait pu etre un controleur de la SNTF (societé nationale des transferts financiers et fonciers), seuleument et oui seuleument, bouteflika le tient par la "barbichette" car Ouyahia est un homme tres riche et bizarre on n'en parle pas, c'est aussi un homme trés corrompu, et là Bravo Bouteflika tu le tiens par le collet, comme d'ailleurs tous les autres qui hurlent au quatrieme mandat.

Finalement Bouteflika a une certaine noblesse de les rappeller quand il veut ces "Toutous" déguisés en grand commis de l'état, ah, Bouteflika je te reconnais une chose: Tu fais bien tomber des pantalons de ces messieurs et tu fais lever bien des rideaux, au fond ce n'est pas toi en personne qui dérange, mais ces "Orbiteurs" autour del Mouradia. Alors "al faham yafham"

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