Ali Yahia Abdennour : La liberté de presse est un droit du citoyen, son déni est un déni de liberté de l’individu

Ali Yahia Abdennour :  La liberté de presse est un droit du citoyen, son déni est un déni de liberté de l’individu

La presse algérienne a connu les phases les plus difficiles de son histoire qui l’a vu naître, soumise à la censure et au contrôle des pouvoirs publics qui ont renforcé la rigidité de ces limites, et les a imposées avec plus de sévérité. Les problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels, présentent aujourd’hui une telle complexité que, sans une opinion publique bien informée, il n’y a aucun espoir de les comprendre et de les résoudre. Paradoxalement, c’est précisément en cette période que les pouvoirs publics redoublent d’efforts, pour imposer leur tutelle sur les moyens de communication de masse.

La mutation majeure tient au fait que les deux tiers de la population mondiale ont obtenu la liberté politique en chassant la domination étrangère. Ce n’est pas vrai. C’est l’indépendance nationale qu’ils ont obtenu, et non nécessairement la liberté. C’est là tout le problème. En l’espèce l’enjeu porte sur la liberté individuelle. La confusion est entretenue entre les droits de l’Etat et ceux de l’individu. La liberté de la presse n’est pas un droit détenu par l’Etat mais par les citoyens, et c’est une liberté par rapport à l’Etat. Les intérêts individuels et par conséquent ceux de la nation, sont mieux servis par un journalisme libre et ouvert, par une presse indépendante et pluraliste. Le déni de la liberté de la presse, est le déni de la liberté même de l’individu.

I – La liberté de la presse est une conquête fragile qui doit être protégée et renforcée.

Toute personne engagée professionnellement dans un aspect quelconque du journalisme de la presse écrite ou de la radio télévision, est un journaliste. Les journalistes de la télévision unique et de la radio unique, sont-ils des journalistes ou des fonctionnaires de l’information ? Les journaux ont besoins de liberté et d’indépendance pour éduquer, informer, protéger et distraire. L’expérience de la vie en société nous a enseigné que le progrès passe par le dialogue, qui contribue à supprimer les tensions. Un débat public ouvert engendre une meilleure compréhension des problèmes qui se posent au peuple, et par suite les meilleures chances de trouver des solutions. Seule une presse libre permet au peuple de faire entendre sa voix et ses problèmes aux pouvoirs publics. La réponse à la liberté de la presse se situe à deux niveaux : celui de la théorie et de la réflexion tendant à préciser et à approfondir ce concept d’une part, celui de la recherche des voix et moyens par lesquels l’action concrète devrait s’exercer d’autre part. la théorie et la réflexion ne peuvent être dissociées de l’action.

La question fondamentale à se poser pour assurer une circulation de l’information libre et équilibrée est celle-ci : les hommes et les femmes reçoivent-ils l’information nécessaire pour avoir une large compréhension de leur société, du monde ? De plus s’ont t’ils en mesure d’exprimer leurs points de vue et leurs préoccupations ? Les journaux souffrent d’encadrement qualifié, d’institutions de formations et de moyens de financement. D’où la nécessité de former les personnels indispensables à la production des programmes en mettant l’action sur la rédaction, l’interview, l’observation et la recherche, sans oublier de produire des programmes et des messages originaux plus conforme à notre identité culturelle et plus aptes à répondre aux besoins réels et aux aspirations profondes de notre peuple. Il va sans dire que cela ne signifie en aucune manière un repli sur soi, mais au contraire une ouverture aux apports extérieurs et aux grands courants du monde moderne, de manière à provoquer par le dialogue et l’échange un processus d’enrichissement mutuel.

La presse privée s’améliore, sort du conformisme et de l’uniformité. La confiance des algériens dans la presse s’est améliorée. Il y a un vide politique et intellectuel qu’elle tente de combler. La presse doit par un effort accru élevé son niveau qualificatif, son professionnalisme, son prestige, c'est-à-dire son influence et son crédit qui dépendent de la loyauté de ses lecteurs, et de la diffusion honnête et ouverte des informations et des opinions. Le secret des sources des journalistes et leur protection est la pierre angulaire de la liberté de la presse. Un journaliste ne donne pas ses sources et chacun doit l’accepter.

Le pouvoir de la presse est limité par sa diversité, car elle n’est ni unie ni une. Certains le regrettent. On voit en la presse un « quatrième pouvoir » alors même qu’on ne distingue plus très nettement les trois premiers, et qu’il y a non pas séparation mais confusion des pouvoirs. Certains reprochent faits à la presse privées sont justifiés ou du moins ils le paressent.

II - la presse privée est un des principaux vecteurs de la démocratie.

Elle est la clef de la démocratie. Pas de démocratie sans elle et vice versa. L’exigence de liberté implique une démocratisation de l’information, une multiplication des sources d’information. Les journalistes ont du combattre pour gagner le droit à la liberté de la presse qui est un élément essentiel à l’instauration et à la consolidation de la démocratie. Plus la vérité est importante plus elle est cachée, et plus complexes en sont les manifestations. Pour Victor Hugo : « le principe de la liberté de la presse n’est pas moins essentiel, n’est pas moins sacré que le principe du suffrage universel ». Chaque Algérien majeur et électeur et souvent lecteur. Il faudrait d’une par que les citoyens aient conscience de la gravité de la crise qui se répète, se succède, s’enchaîne, s’amplifie et se prolonge, et d’autre part qu’eux-mêmes se situent, c'est-à-dire qu’ils prennent publiquement position. Quand l’histoire d’un homme est finie, quand son mandat légal se termine, il ne faut pas forcer le destin en ajoutant un dernier chapitre. Respecter le peuple ce n’est rien lui imposer. Eviter le danger, ne pas laisser un désastre s’accomplir, est la qualité indispensable de tous ceux qui ont conduit leur peuple. Il faut entendre la protestation populaire qui s’enfle et se durcit, entendre les voix lançant des cris d’alarme : dix ans c’est assez, dix ans ça suffit.

III – l’Etat exerce un contrôle non seulement sur l’information intérieure, mais aussi sur toute celle qui vient de l’extérieure.

La presse est contrôlée. Le pouvoir qui a peur de l’opinion publique cherche à la détruire en mettant les moyens d’information en tutelle. Les lois promulguées laissent virtuellement le destin de la presse à la merci du pouvoir, ancré en permanence dans son hostilité à la liberté de la presse, pour renforcer les mécanismes visant à la subordonner aux seuls objectifs de la propagande. Les journalistes ont très clairement fait savoir que sur le choix entre une presse libre et la propagande du pouvoir, il n’y a pas de compromis. Défendre la cause de la liberté de la presse, c’est faire obstacle à l’exercice d’un contrôle étatique sur les organes d’information.

La création de nouveaux journaux est soumise à l’autorisation officielle par la justice. L’un des problèmes les plus alarmants pour la démocratie est celui de la télévision, en butte aux convoitises du pouvoir, parce qu’elle est la principale source d’information. Si le pouvoir à le droit de s’exprimer à la télévision pour défendre son programme et la manière dont il gère le pays, il n’a pas le droit de s’acquérir d’un service public financé par tous les Algériens, de le monopoliser pour interdire tout débat contradictoire qui est l’hygiène et même l’hygiène de la vie publique, passage obligé d’une démocratie formelle à une démocratie réelle. L’image à la télévision possède un grand pouvoir de suggestion, mais on peut tout lui faire suggérer.

Le président de la république a déclaré à la chaîne MBC : « la télévision est et continue d’être la propriété de l’Etat, et ne saurait être soumise à une quelque forme d’expression contradictoire ou polémique. C’est l’Etat qui finance la radio et la télévision, et elles sont la pour défendre la politique de l’Etat ». Il est nécessaire de permettre la création de chaînes de télévision privées, libres de leur choix, libre d’offrir à leurs auditeurs des œuvres diverses, ambitieuses, dignes d’intérêt.

A la mort de Franco en 1975, l’Etat Espagnole constituait et de loin, l’entreprise d’information la plus importante. Il possédait les deux seules chaînes de télévision du pays, deux radios dont la principale, une agence de presse et trente six quotidiens, les reformes effectuées ont abrogé la tutelle Etatique dont le pays avait hérite. La liberté d’expression et de la presse a progressé substantiellement en 1981 et en 1982. Le gouvernement a fermé huit de ses quotidiens ainsi que l’agence de presse. Les deux chambres du parlement -les Cortés- Ont adopté une loi qui a décidé que les 25 journaux d’Etat restant seraient vendus au secteur privé. On fermera les journaux qui ne trouveront pas d’acheteur. Ce processus de suppression de la presse de l’Etat devait arriver à son terme en 1983. Le gouvernement a légalisé la télévision privée.

IV- la protection des journalistes

La liberté de la presse est plantée, enracinée, mais pour qu’elle puisse s’épanouir il ne faut pas la déraciner. Le journalisme est une profession en butte à des harcèlements, des menaces de représailles et à d’autres pressions qui ne sont pas moins intimidantes. Lorsque le fond d’intolérance s’accompagne d’insultes, de menaces et même d’agressions physiques contre les journalistes, surtout les correspondants de presse à l’intérieur du pays par les représentants locaux du pouvoir, le moment n’est pas loin ou il n’y aura pas eu ni liberté d’expression, ni liberté tout court. La première urgence est de mettre fin à la répression qui les frappe et qui a atteint avec les dernières condamnations en série, l’intolérable qui ne peut être toléré.

La liberté d’expression et d’opinion du journaliste bénéficie déjà de la protection assurée en vertu de l’article 19 de la déclaration universelle des droits de l’Homme qui reconnaît « tout individu a le droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions, et celui de chercher, de recevoir et de répondre sans considération de frontières les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit » il faut aussi avoir présent à l’esprit l’engagement contenu dans la constitution de l’UNESCO de « promouvoir la libre circulation des idées par le mot et par l’image » en théorie, mais il s’agit seulement d’une théorie juste dans ses principes, tout pays qui adhère à l’ONU et à l’UNESCO, s’engage à défendre la liberté de la presse. Les journalistes disposent d’une arme puissante pour assurer leur propre protection et celle de leurs collègues ailleurs, cette arme est l’information, une information complète, rapide et largement diffusée sur tout exemple d’atteinte où que ce soit aux droits des journalistes. Le code de déontologie journalistique est avant tout l’affaire des journalistes, de leurs syndicats et de leurs organisations professionnelles, non de l’Etat, du gouvernement, ou de tout autre groupe de pression de quelque nature que ce soit.

Les adversaires du journalisme sont le pouvoir et l’argent. Il serait urgent de doter la presse d’un statut qui assure son indépendance et la mettre à l’abri de l’action maléfique du pouvoir, mais aussi de celles des bailleurs de fonds. Il faut dépénaliser le délit de presse pour expurger de son venin le code de l’information qui n’est qu’un code pénal bis. Les algériens ne doivent pas renoncer à exercer pleinement leurs droits de citoyens. Une presse mise en tutelle, équivaut à une renonciation à leurs principes et acquis les plus précieux, ainsi qu’à leurs plus hautes aspirations de liberté et de dignité. Leur engagement en faveur d’un journalisme indépendant et professionnel, et pour une information libre, pluraliste et équilibrée qui favorise la réflexion politique, le débat démocratique ainsi que le développement économique, social et culturel, doit être total. La liberté d’expression est un droit de la vie sociale et culturelle, de la création scientifique et artistique. La dégradation politique et morale des institutions est due à l’absence d’alternance, qui permet le maintien au pouvoir des mêmes clans et des mêmes intérêts, durant une longue période. Il est temps d’agir si l’on veut libérer la presse et les journalistes des poursuites judiciaires et des condamnations, domaine qui nous concerne tous dans notre vie et notre liberté de chaque jour.

Ali Yahia Abdennour

Alger le 27 avril 2008

Plus d'articles de : Débats

Commentaires (3) | Réagir ?

avatar
hamid

@mr samaritain

"Il s’est présenté devant le tribunal dans ses petits souliers. L’image du général arrogant et hautain a laissé place à celle d’un pauvre citoyen lambda venu se défendre contre ses accusateurs. Il ne réclame rien moins que le dinar symbolique parce qu’il « estime avoir été diffamé ». Il se montre gentil avec la presse, se dit navré de poursuivre un journal devant la justice. " j ai apprécié ce passage édité par un journal-

avatar
RAF

Vous n'imaginez pas ce qui lui arrivera au pauvre CADI s'il ne les condamne pas ? C'est LUI ou les AUTRES. Si vous étiez à sa place, vous feriez peut-être autant... nous ferions peut-être autant ! Alors, LUI, il a choisi. Son verdict est tombé. Il est là pour ça : les AUTRES doivent payer. ILS n'avaient d'ailleurs qu'à ne pas s'immiscer dans les affaires des RESPECTABLES citoyens. Pratiquer le métier de journaleuuuuuux... pfft ! ILS l'auront cherché ! Vous ne voulez tout de même pas que nos merveilleuuuuuuuux magistrats aillent en taule ! Non... ce serait le monde à l'envers. Et puis le courage, la loyauté... qui croit aujourd'hui en ces sornettes ? Un peu de bon sens... RAF

visualisation: 2 / 3