Enfin, Bouteflika candidat !

Abdelaziz Bouteflika
Abdelaziz Bouteflika

Mais qui peut encore avaler cette mise en scène montrée lundi soir sur les écrans de la télévision nationale et que le système tente de vendre aux Algériens.

Par Hassane Zerrouky

Il a parlé, il a même souri, il était assis et, face à la caméra de l'ENTV, seule autorisée à enregistrer et filmer ce moment historique et mémorable pour nous montrer Abdelaziz Bouteflika prononcer d'une voix à peine audible : "Je suis venu déposer officiellement ma candidature conformément à l'article 74 de la Constitution et à la loi électorale". Mais pas de journalistes pour lui demander au moins s'il va bien ! Et surtout pas de photographes, on ne sait jamais ! Des images ont bien montré un cortège de voitures blindées, bourées de cartons contenant plus d'un million de signatures, arriver au siège du Conseil constitutionnel, mais personne n'a vu le président sortir de la voiture officielle, marcher, pénéter sans sonner dans cette vénérable institution et, faire comme tout candidat, se retourner et saluer les nombreux journalistes présents mais tenus à l'écart tout de même !

 Sans attendre, tout ce que compte le système s'est mis aussitôt en ordre de marche. Les présidents du Sénat et de l'APN, des ministres, des partis petits et grands (RND, FLN, MPA, TAJ...), d'ex-Premiers ministres et ex-chefs de partis comme Abdelaziz Belkhadem, Ahmed Ouyahia, qui ont rejoint sans sourciller le staff de campagne du président-candidat... personne n'a manqué à l'appel. Mieux, hier à l'ouverture de la session du printemps de l'APN, celle-ci s'est transformée - c'est une première dans l'histoire parlementaire algérienne - en une tribune de soutien au président-candidat : on a assisté à un standing ovation des députés du FLN, RND, TAJ, MPA, heureux, laissant éclater leur joie, scandant leur soutien à Abdelaziz Bouteflika ! Abdelmalek Sellal, qui s'est dépensé sans compter en faveur du chef de l'Etat, volant la vedette à Amar Saidani condamné à se la fermer, est désormais bien épaulé.

Tout ce beau monde, qui était déjà là en 1999, en 2004 et en 2009, a feint d'ignorer le cri lancé par ces algériens sortis samedi dernier dans la rue à Alger, Constantine et ailleurs, majoritairement jeunes, pour faire entendre la voix des sans voix. Certes, objecteront les sceptiques du pouvoir, ils n'étaient pas nombreux. Mais leur mérite est d'avoir bradé la peur, brisé le silence, de montrer que le "allah Ghaleb", "on n'y peut rien" dans lequel le pouvoir veut installer la société algérienne n'est pas une fatalité. Est-on en train d'assister à l'émergence de nouveaux acteurs socio-politiques ? Sans doute. En tout cas, cette manifestation est significative de la vitalité d'un mouvement démocratique qui n'est pas mort en dépit de la répression envers la presse et les journalistes en 2004-2005 sur fond de verrouillage du champ politique.

En tout cas, ces impertinents commencent à être entendus par certains candidats - Ahmed Benbitour et l'ex-général Tahar Yala - qui ont renoncé à la course à la présidence. Avant eux, Mouloud Hamrouche, qui en a appelé à la nouvelle génération de l'armée à prendre ses responsabilités, avait également renoncé à se porter candidat. D'autres suivront. Ne restent en course que l'ex-Premier ministre Ali Benflis pour assurer le minimum électoral au service du président-candidat donné favori par avance.

Ce système, obstiné comme pas un, qui veut perdurer alors que l'Algérie, confrontée à des défis majeurs tant nationaux que régionaux, a besoin de sang neuf, de dynamisme, ce système donc commence à montrer ses crocs. "Le débat ne doit pas être l'occasion pour certains de s'attaquer aux Institutions de l'Etat, ses instances constitutionnelles ou à ses constantes nationales" a prévenu le président du sénat, Abdelkader Bensalah. Décodé, c'est ainsi que Bensalah et ses amis du pouvoir voient les choses : critiquer le fait que Bouteflika se représente en dépit de son âge, de son état de santé, de 15 ans passés au pouvoir, une période éclaboussée par des scandales de corruption sans précédent, est considérée comme une attaque contre les institutions ! M. Bensalah et ceux qui tiennent le même discours devraient se poser la question pourquoi l'Algérie, qui n'est pas une monarchie divine, ni une république divine - ce serait un oxymore - devrait être gouvernée par des gens dont la moyenne d'âge se situe entre 68 et 77 ans et porteurs d'une vision dépassée de la société.

H. Z

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Commentaires (14) | Réagir ?

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Guel Dring

C'est bon, après avoir bien réfléchi et admis que le bien et le mal ne peuvent se manifester que par la Sagesse de Dieu, j'ai décidé de supporter Bouteflika et de voter pour lui, tant que la vie et la mort dépendent du Seigneur, je veux voter et je voterai mais pour une fois je vais être très exigeant. Beaucoup ont demandé à voir Bouteflika vivant, il est vivant et en bonne santé dirait Sellal. Certains ont limité leur voeu à le voir marcher, il ne marche pas très bien. D'autres ont tendu l'oreille pour traduire ce murmure qui ne semblait pas très clair. Ma condition pour aller voter sans chicaner c'est de le voir sourire. Sourire est vraiment un signe de bonne santé, qui fait bonne mine, qui exprime de nobles sentiments envers nos compatriotes et qui plus est un grand signe de caractère qui subit l'adversité tout en s'engageant corps et âme pour sauver son pays. Mais déjà l'envie de voter s'est dissipée en moi qui désespère de le voir sourire car il y a une grande différence entre un franc sourire et un rictus. Je ne voterai donc pas comme je n'ai pas voté depuis belle lurette.

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khelaf hellal

" Vous êtes le passé, nous sommes l'Avenir " L. Ben Mhidi.

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