Algérie : pour les jeunes, la présidentielle est un non-événement

Qui a attesté de la bonne santé de Bouteflika pour qu’il brigue un quatrième mandat ?
Qui a attesté de la bonne santé de Bouteflika pour qu’il brigue un quatrième mandat ?

Les médias étrangers ont l’habitude de se moquer de la longévité du pouvoir dans les pays Arabes et Africains, depuis Bokassa qui a transformé son pays en empire en passant par Amin Dada qui fait carrément le pitre sans oublier bien entendu Jacob Zuma, le premier président polygame.

Pourtant, ce sont leurs pays qui en profitent pendant que ces peuples subissent le calvaire de la dictature. Où était le journal satirique : Le Canard enchaîné lorsque Bouteflika se soignait à Val-de-Grâce (Paris) pendant que tous ses proches auraient été pris en charge dans un hôtel parisien cinq étoiles, facture que paie le contribuable algérien bien entendu, alors que certains journaux français ont parlé même du nombre de croissants que Hollande ramenait à Julie Gayet ? Qui a attesté de la bonne santé de Bouteflika pour qu’il brigue un quatrième mandat ? Cette offensive médiatique montre l’influence lobbyiste des nouveaux riches pour dévier les algériens du vrai débat qui les préoccupe. Ce qui se passe aujourd’hui était prévisible lorsque la constitution devait être déverrouillée au su et au vu de tout le monde. Maintenant pourquoi devra-t-on se focaliser sur l’équation Bouteflika ? Pourquoi lorsqu’on parle de lui, on le gratifie de candidat du système ? Benflis, Hamrouche et bien d’autres sont-ils pour autant hors de ce système ? La brouille Sâadani/DRS est la preuve par 9 que le système estime que Bouteflika est physiquement incapable de continuer de garantir sa perpétuité et que Mouloud Hamrouche (71 ans) et Ali Benflis (70 ans) le feront mieux que lui non pas de part une position politique mais le président est diminué par sa maladie. Dans sa déclaration, Hamrouche n’a-t-il pas glorifie l’armée populaire et son ancêtre l’ALN ? Comment peut-on concevoir qu’à moins d’une semaine du deadline du dépôt des candidatures, aucun débat primaire de fond n’ait lieu sur les questions stratégiques comme l’évolution démographique. L’alternative aux hydrocarbures, la transition énergétique etc. ? Pourquoi voudra-t-on sciemment faire accepter aux citoyens qu’une poignée de cire-pompes arrivent facilement à dominer le champ politique jusqu’à faire douter les autres candidats de leur capacité d’aller jusqu’au bout ? Que pensent les jeunes qui vont prendre le flambeau du futur de cette situation ? 

1- De cette déclaration par procuration

Jusqu’à présent, personne ne connaît les détails de ce que pense réellement le candidat Bouteflika que tout le monde dit y compris justement les Français ne détecter aucune séquelle de son fameux AVC. Il est fort probable que la sollicitation de son entourage l’a convaincu. Ils auraient avancé pour le convaincre une revendication populaire dans toutes les wilayas que son premier ministre avait visitées depuis son retour de Paris. Il se trouve que les citoyens ne sont pas dupes, ils connaissent assez bien la finesse diplomatique et protocolaire du candidat Bouteflika. S’il l’a laissé faire par son premier ministre c’est qu’il ne le pouvait pas physiquement. Comment justement est formé ce clan de courtisans qui allait plus tard échapper même à la vigilance du système ? Il faut souligner que ni Bouteflika, ni avant lui Zeroual et on peut remonter jusqu’au feu Boudiaf n’étaient sollicités ou élus pour régler les problèmes économiques de l’Algérie. En plus, la priorité de l’Algérie était de trouver une solution au vide politique laissé par la démission de Chadli et le blocage du processus électoral qui ont mené à une confrontation conflictuelle et, partant à une fracture sociale. Aucun programme de développement ne pouvait se mettre en œuvre et permettre le décollage économique sans cette plateforme consensuelle. Chacune de ses personnalités avait une source de légitimité. L’un par son charisme historico - politique, l’autre appartenait à l’armée qui détenait le pouvoir dit-on etc.

Bouteflika quant à lui, pour beaucoup d’analystes, pouvait concilier les deux tendances dirigiste et ultralibéraliste. Il a "bâti" avec le feu Boumediene le modèle de développement par l’industrie industrialisante, n’était-il pas membre du conseil de la révolution qui a cautionné cette politique depuis plus d’une décennie ? Nombreux sont les citoyens qui ont été trompés par son mimétisme et sa comédie pour imiter feu Boumediene lors de sa première compagne électorale. Ils n’espéraient aucunement revenir au dirigisme Boumedieniste mais se disaient, enfin un homme politique qui a hérité de son aura sans gant ferré. Il nous fera l’économie d’un débat d’école stérile entre les deux tendances technocrates. Malheureusement, personne ne doutait ni pouvait remarquer le moindre signe suspect chez l’habile roitelet. "On ne né pas roi, on le devient par hallucination collective." L’encanaillement devait favoriser ce délire collectif au détriment bien entendu, d’abord des valeurs républicaines ensuite de l’éthique managériale. On aura tout entendu sur son mode de gouvernance : il est décrit comme basé sur la cooptation, le régionalisme, le règlement de compte auxquels s’ajoutent ses traits de caractère particuliers comme le narcissisme, la vanité et le paranoïa. Ceci a favorisé la création d’un système qui fait de lui un atome social autour duquel gravitent les opportunistes de tout bord. Ils s’accommodent dans cette espèce de modus vivendi pour la simple raison que chacun y trouve son compte. Même les partis de la coalition dont l’existence est censée noyer le poisson à défaut de le pêcher, ânonnent, en pamoison, à longueur de journée : "Le seul responsable, c’est lui, nous, nous obéissons puisque nous n’avons aucun programme, aucune idée et encore moins des propositions."

Ceci explique son comportement public, voir insultant envers certains de ses ministres. Ils encaissent, baissent la tête, mais c’est les règles du clan qui l’emportent. Cette situation pouvait durer indéfiniment tant que le noyau central tient et supporte ce sociogramme mais la maladie sérieuse de Bouteflika a changé les donnes en affolant les membres du clan. Catastrophe pire que pour celle de Boumediene où les aberrations de l’acharnement thérapeutique sous perfusion politique n’auraient pas hésité un seul instant à sacrifier toute la populace si le miracle en dépendait. Le résultat est que aujourd’hui, le Chef a perdu son « immortalité » et sa bonne santé, le cannibalisme de son entourage veut maintenir le statu quo quelqu’en soit l’issue. Ce mode de gouvernance, en vigueur depuis près de quinze ans explique la bipolarité dans les décisions que relèvent certains partis politiques et surtout ce suspens autour de sa candidature pour un quatrième mandat que les médias spéculent sur son annonce officielle avril 2013. Même si le 29 octobre 2008, le président a décidé de recourir à l’article 176 de la constitution pour l’enrichir comme il le dit lui-même, il n’a jamais exprimé ouvertement ses intentions. Tout le monde pensait que cet enrichissement qui ouvrira la présidence à vie en Algérie, ne sera pas du goût de l’opposition et aucune personnalité politique ne validera les élections en se portant candidat ou en se prêtant au jeu. Il se trouve qu’il a habillement réussi et avec la complicité de tous les partis dans l’hémicycle. Alors, aujourd’hui, rien ne justifie cette focalisation autour de sa candidature mais peut être se mobiliser pour l’arracher d’un grand nombre d’opportunistes qui œuvrent de toutes leurs forces pour perpétuer cet ordre établi. 

2- Fallait-il approcher les jeunes ?

Contrairement à d’autres pays similaires comme la Tunisie ou l’Egypte qui ont brillé par les jeunes générations facebook, tamarrod ou le mouvement du 6 avril notamment en Egypte, l’Algérie semble marginaliser politiquement sa jeunesse en l’étouffant. Pourtant elle est contrainte à un nouveau virage dans le domaine démographique, avec un fait exceptionnel en 2013, il y aura plus d’un million de naissances, pour la première fois dans l'histoire du pays. Cette évolution confirmera l’exceptionnelle poussée démographique enregistrée en 2012, selon l'ONS, qui estime la population algérienne au 1er janvier 2013 à 37,9 millions d'habitants. En 2014, selon les prévisions de l'office, le pays comptera 38,7 millions d'habitants, résultat d’une forte hausse des naissances, d’une hausse tout aussi remarquable du nombre de mariages, qui expliquent, selon l'ONS, cette nouvelle explosion démographique que connaît l’Algérie. En fait, la hausse démographique naturelle a débuté en 2008, avec une progression de 1,92%, puis 1,96% en 2009, 2,03% en 2010 et 2,04% en 2011. Si l’on considère le taux des citoyens de moins de 15 ans à 27,8 et ceux âgés de plus de 64 ans à 5%, on peut estimer ceux en âge d’activité à 67,2%. Ceci est énorme en matière d’énergie disponible. Mais malheureusement cette énergie est dissipée dans le vide sans aucun profit dans l’intérêt général. Ramené à la population totale, la masse active algérienne ne représente que 32% presque équivalente à l’Egypte mais derrière la Tunisie (36%), le Maroc (36%) enfin la Libye (39%). Il est donc intéressant de capter cette entropie pour la réorienter dans le sens des objectifs nationaux.

Aujourd’hui cette jeunesse approchée dans les écoles moyennes, les universités, les entreprises et les institutions étatiques, celles privées, les places informelles, les mères au foyer pour voir ce qu’elle pense de cette mascarade, livre un bien sombre tableau. D’abord ces jeunes aussi bien les filles que les garçons ne croient pas à l’ascension sociale. Ils se sentent trahis par leurs aînés qui ont tout pris (logements, argent et postes de travail) depuis le départ des colons et l’affaire des biens vacants. Ils pensent être sacrifiés et perdus. Pourquoi cette perte ? Parce qu’ils n’ont plus de marqueurs qui étaient leur moule d’orientation mais qui s’effrite avec le désengagement de l’Etat. Ils ne veulent pas connaître le travail aliénant comme leurs parents. Ils aspirent à plus d’autonomie pour entreprendre et faire face aux challenges. Ils n’aiment pas les responsabilités dans des postes publics pour se consacrer à leur petite famille et de ne pas les sacrifier comme l’ont fait leurs parents. Ils s’accommodent malgré eux aux gains faciles et donnent l’impression d’être heureux tout en guettant la moindre occasion pour se placer outre- mer. Si les experts internationaux qui ont travaillé pour le compte de l’ONU les jugent heureux en les plaçant à la 73éme place sur les 156 pays analysés c’est qu’ils s’appuient sur des critères subjectifs et des notions fausses. Le PIB par tête d’habitant est un raccourci de tendance, quant à l’espérance de vie, ce n’est certainement pas l’Etat qui l’assure avec ses hôpitaux mais le marché parallèle de devise. La «générosité» ou la «possibilité de pouvoir compter sur quelqu’un», elle est probablement liée à l’importance des liens familiaux dans le contexte exceptionnel Algérien .Il faut ajouter à cela une vision sociale faite de soutiens aux prix et marquée par des transferts sociaux importants pour entretenir une paix sociale comme les dispositifs d’aide aux jeunes par les microcrédits etc.

Pour eux, les politiciens sont tous les mêmes, ils développent un discours hard contre le pouvoir mais dès qu’ils le rejoignent ils s’en accommodent voire même le défendent. Ils citent souvent le cas de Khalida Toumi, Louisa Hanoune, Benyounes et bien d’autres. Donc pour eux, la présidentielle n’est qu’une formalité comme une autre tant que n’apparaîtra pas une réelle alternative de changement du système. Cette alternative, ce sont les générations futures qui poseront ses jalons.

3- Conclusion

S’il n’y a pas de nouvelles donnes qui fausseraient cette analyse, par exemple l’ingérence d’une main étrangère lit-on dans ces élections, la situation n’est pas aussi pessimiste comme le laissent entendre certaines personnalités. Il n’y a ni impasse ni prémices d’une guerre civile. L’alternative Benflis reste crédible pour peu que le candidat : cesse de déclarer ou le faire dire par ses partisans qu’il ramène des changements ; il est un candidat du système. Qu’il soit déterminé et ne doute pas de ces capacités car la coalition au pouvoir vise à faire fuir tous les candidats pour ne courir aucun risque pour le quatrième mandat. Qu’il évite de rentrer dans le jeu paradoxal et les règlements de compte qui vont faire perdre à l’Algérie encore quelques années. Qu’il se prononce sur les grandes questions stratégiques pour sortir le pays du marasme économique et le cercle infernal de la corruption. 

Rabah Reghis, Consultant, Economiste Pétrolier

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Commentaires (7) | Réagir ?

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Guel Dring

Bien au contraire la présidentielle a un caractère très spécial, inédit. Si elle devait ressembler à l'une des révolutions "printanières", elle le serait par l'entêtement du chef en place qui en dernière minute remettait le tablier. Elle risque aussi d'être tragique pour ceux qui ont osé s'aventurer sur le terrain du sacré avec des jumelles. Et puis l'inconnu c'est l'inconnu. Mystérieux, captivant, déroutant, effrayant. C'est le suspense au naturel.

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karim Aït Aïssa

El Biar, ministère de la Justice, bureau d’ordre général, 16 février 2014 :

- Bonjour,

- A votre service…

- J’ai déposé une plainte le 29 août 2013 (à peine quelques heures avant que le Conseil d’Etat n’annule la réunion du CC du FLN), par lettre recommandée, et à ce jour je n’ai eu aucune suite,

- Une plainte au civil ou au pénal ?

- Au pénal.

Je lui tends mon récépissé postal (n° 000179 du 29/08/2013 - 8h), sur son verso est portée la mention ‘’livré le 01/9/2013 - El Biar’’

- Veuillez vous asseoir un moment…

Quelques minutes après :

- Désolé, je ne trouve pas votre courrier,

- Écoutez moi bien, j’ai envoyé au ministre de la Justice un courrier

hautement sensible portant sur une plainte au pénal contre un magistrat toujours en exercice, laquelle plainte est dûment accompagnée de preuves incontestables à charge. Je n’ai pas eu de retour d’accusé alors que la Poste vient de me confirmer que le courrier à bien était livré, et là vous me dites que vous ne le trouver pas. Situation plutôt anormale vous ne trouver pas ?

Alerté par le vacarme de mes propos –j’ai haussé le ton histoire de prendre à témoins tous ceux qui étaient présents-, un responsable de la garde pénitentiaire vient s’enquérir de la situation, je lui relate les faits, il demande au préposé du bureau d'ordre d’effectuer une autre recherche. Quelques instants après le préposé sort un autre registre sur lequel sont repris les références de ma correspondance :

- Votre courrier a été transmis au Cabinet le 01 septembre 2013, il n’est plus redescendu depuis.

Je fais clairement savoir que je ne sortirai pas du ministère sans voir, dans ce cas là, le chef de Cabinet.

Le responsable de la sécurité demande au chargé du bureau d’ordre de lui transcrire les références sur un bout de papier, et me demande ensuite de le suivre dans son bureau, de là, il prend le combiné de son téléphone fixe et appel le Cabinet :

- Bonjour, j’ai devant moi un citoyen qui vient s’enquérir… (son visage blêmit soudainement)

Il balbutie des excuses, raccroche, reste un instant figé et marmonne d’un air dépité :

- Vous voulez rendre service, vous-vous retrouvez piégé !

Il ignore que toute la scène devant le bureau d’ordre est suivie fébrilement, en live, par les concernés en haut de la tour, via la télésurveillance. Il ne se doute pas une seconde qu'il est dans une affaire qui dépasse, et de loin, le cadre même du ministère de la Justice.

- Venez avec moi, on va voir mes supérieurs, me dit-il d'un air désemparé.

Je le suis jusqu’à un bureau situé à un niveau supérieur. Il entre seul un moment puis ressort, complètement ébahi devant tout ce qui lui arrive.

- Allez voir le juge ! Finit-il par me lancer,

- Il est où ce juge…

Il m’accompagne jusqu’à la porte d’un bureau portant mention bureau des affaires pénales.

- C'est là, attendez votre tour…

Il s’apprêtait à sortir vers l’extérieur pour prendre de l’air quand son portable sonne. Il décroche, me fusille du regard et rentre à grand pas vers le bureau d’où il venait de sortir.

J’attends un bon moment -deux heures environ- tout en faisant les cent pas dans le couloir, une greffière finie par m’inviter à entrer voir le sous-directeur des affaires pénales.

- Bonjour,

- Bonjour, à votre service (visiblement anxieux),

- J’ai déposé une plainte au pénal contre un magistrat toujours en exercice, cela depuis fin août 2013 (je lui remets mon récépissé), je viens pour m’informer des suites et on me donne ceci, (je lui tends le bout de papier jaune sur lequel le bureau d’ordre a inscrit ceci : 7963 du 01/09/2013 voir C/C, (et en arabe) ediwan)

Très mal à l’aise, il appel sa greffière, lui donne le bout de papier et lui demande de prendre attache avec le Cabinet pour en connaître le dossier et de l’informer ensuite. Après ça, il tente presque timidement une question tout en précisant que je ne suis pas obligé de lui répondre :

- c’est quoi comme affaire ?

Je lui dis que tout est dans mon envoi et que je souhaite d’abords qu’on puisse mettre la main dessus.

Il me demande d’attendre à l’extérieur de son bureau, visiblement soulagé de ne pas s'être impliqué dans ce qui lui semble le dépassé.

Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire dit l'adage.

Quelques minutes après, la greffière vient me dire, presque dans mon oreille... que mon dossier est introuvable.

« Nul n’est en droit d’attenter aux fondements de l’édifice républicain ni aux acquis. Nul n’est en droit de régler ses comptes personnels avec les autres au détriment des intérêts suprêmes de la nation tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays » énoncera le communiqué de la Présidence 48 heures après le récit ci-dessus. ck

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Aksil ilunisen

Tout est introuvalbe en Algerie, sauf le pertole et le gaz.......... par les 49/51!

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