Mohamed-Lamine Mediène alias Toufik et "Touf(l)ik"

Le faiseur de rois aura été l’entremetteur de l'intronisation au trône suprême d'Abdelaziz Bouteflika,
Le faiseur de rois aura été l’entremetteur de l'intronisation au trône suprême d'Abdelaziz Bouteflika,

Les confidences de Hocine Benhadid émises dans le journal El Watan du 13 février 2014 corroboraient les thèses du sociologue Lahouari Addi sur la puissance de coercition du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) dont le général Mediène est le "Touf(l)ik" depuis septembre 1990 parce que c’est sa "(…) police politique qui décide" [1], parce que même "le Président n’a pas l’audace de s’attaquer frontalement à ce service, (…)"[2] parce qu’il n’a pu en la circonstance remplacer un homme de l’ombre qui, forgé par son cicérone Kasdi Merbah, "(…) est le vrai patron de l’Algérie." [3].

Statufié "Reb Dzaïr" (Dieu algérien) depuis presqu’un quart de siècle, l’indéboulonnable taulier Toufik a également fait ses classes au KGB et conservera des instructeurs soviétiques une pulsion maladive pour l’espionnage des syndicats, pour l’infiltration des associations, médias, rédactions journalistiques et partis politiques. İl soignera cependant sa réputation de "super-viseur" intègre un évitant le "Touf(r)ik". Les vingt-quatre années à la tête tentaculaire de la pieuvre sécuritaire l’ont mis à l’abri des tentations corruptives éprouvées par des lobbys-maffias ayant des ramifications dans les rouages institutionnels. İl gère ainsi une image d’anti-dandy encore floutée puisqu’éveillant mystère et fictions, comme l’attiseraient de vieilles légendes racontées près du kanoun d’une bâtisse de petite Kabylie, région dont il est natif. L’ancien djounoud du djébel vallonné mènera aussi un conflit implacable contre le terrorisme, combat avant, pendant et après lequel ses dévoués collaborateurs rapporteront à leur zaïm la moindre fausse note.

Au courant de tout, le faiseur de rois aura été l’entremetteur de l'intronisation au trône suprême d'Abdelaziz Bouteflika, d’une double réélection (2004 et 2009) pérennisée avec la révision constitutionnelle de 2008[4]. Tenant sa loyauté d’une tradition patrimoniale berbère qui ne supporte pas toute parole trahie ou reniée[5], "Touf(l)ik" rejettera l’ "Un-posture" quatrième mandat puisque du côté de Sidi Fredj l’ex-protégé d’Houari Boumediène lui aurait certifié une non "re-présentation" déjà évoquée lors de l'allocultion sétifienne du 08 mai 2012. En affirmant puis en confirmant la fin de sa filiation, il ébranlait les assises populistes d’une "Famille révolutionnaire" consciente qu’avec sa disparition elle se trouvera orpheline de symboles. Ce vide sidéral donnera le tournis à la vieille garde qui, refusant de passer la main, va être prise de panique et de tremblotes à l’annonce d’un AVC devenu l’acronyme d’Arrêtez Vos Clowneries tant les conséquences postopératoires ont fait de l’ex-ministre des Affaires étrangères un pantin audible qu’à partir d’images-ventriloques, de montages faisant bouger un infirme sans charisme, un handicapé-fantomatique imperceptible après ses quatre-vingts jours au Val-de-Grâce, là où il calmera l’ulcère hémorragique dont il souffre depuis novembre 2005 et où il reviendra entre le 13 et 16 janvier 2014 de façon, dit-on, à obtenir un certificat médical homologuant sa candidature[6]. Bouteflika est physiquement et intellectuellement inapte à assumer les lourdes charges que requièrent son poste. Cette certitude nous la tenons de la bouche même de sa sœur venue mi-décembre 2013 en consultation à l’hôpital Beaujon situé à Clichy, ville du Nord-Ouest de Paris. À la question, comment se sent votre frère ?, elle répondra «Mal, il va très mal.».

Informé du non respect d’un pacte et d’une impotence, "Touf(l)ik" s’interposera, se tiendra debout droit dans ses bottes et dira non à un autre tour de manège ou adoubement.

Pour affaiblir ce pilier de la "Maison Algérie", le bombardier en eaux troubles Amar Saâdani (ou Saidani) lancera ses torpilles-épigraphes sur le bunker des décideurs-janviéristes accusés de complicité dans une série d’assassinats, d’exécutions sommaires et complots. Ses coups de semonces prouvaient d’une part quelques implications scabreuses et d’autre part que cette fois aucun consensus ne fut entériné entre les manitous du Grand concile, qu’à la place d’une fumée blanche, c’est une exhalaison noire qui s’en échappera. Le 12 février dernier, l’ex-général Hocine Benhadid laissait supposer qu’un autre phalanstère se réunira pour chuchoter à l’oreille de sa majesté "Bouter-flica"[7] de faire gentiment son ultime révérence, de privilégier le scénario du coup d’éclat plutôt que celui du coup d’État, manière de ne pas porter le poids d’un énième pronunciamiento. Nonobstant, la voix d’outre tombe (Bouteflika) fera entendre de sa retraite médicalisée[8], et à l’occasion de la Journée du chahid, que les Algériens avaient à retrouver un esprit patriotique, à contrecarrer les "(…) nouveaux dangers, générés par la division, la rivalité entre des visions antagoniques, la fitna générée par des divergences d’opinions."[9].

C’est donc via des propos transmis par le représentant des moudjahidine que l’unanimisme primaire revenait comme solution idoine manifestée encore une fois à l’encontre d’une "main extérieure" agissant insidieusement au centre des privilèges prétoriens alors que tout indique que de sérieux et pénétrants désaccords minent des lignes jusque là plus ou moins équilibrées autour du compromis des castes. Les enjeux pécuniaires et peurs personnelles des idolâtres de la fratrie sont si rattachés à une question de vie ou de mort politique que "Gal Sellal gal"[10] avisera le 22 février à Oran de la candidature ubuesque d’un éclopé ridiculisant trente cinq millions d’Algériens. Pendant sa conférence de presse[11], le Premier Pinocchio d’Algérie fera l’éloge de la vision et force de son supérieur hiérarchique, osera soutenir qu’il "(…) est en bonne santé (…), a toutes les capacités intellectuelles (…) pour continuer à hisser le pays vers le haut.» et que lors de ces nombreux déplacements territoriaux, il aurait ressenti chez les autochtones ou plébéiens le "(…) désir de voir l’actuel Président briguer un quatrième mandat"[12]. Hors, sa mauvaise santé suffisait en principe à l’exclure d’un rendez-vous qui sera entaché de fraudes comme jamais jusque là. Son engagement ressemble à une guignolade tant le jeu est non seulement clôturé mais les dès pipés par un manque flagrant de transparences puisque la commission nationale chargée de canaliser le prochain suffrage et le Conseil constitutionnel habilité à le valider abritent des proches courtisans, comme du reste les ministères de l’İntérieur et de la Justice. De plus, la négation d’assainir ou dépoussiérer le fichier électoral des personnes décédées et des doubles, voire triples inscriptions, démontre une compétition bidouillée, une entourloupe amplifiée par un verrouillage médiatique lui-même renforcé par une interdiction de rassemblement empêchant de s’opposer à une reconduction à la Pyrrhus ou de prononcer un boycott. Des militants furent ainsi interpellés et conduits au commissariat pour avoir lancé ce genre d’appel sur Facebook, écho invitant à se réunir le 20 février au niveau de l'université de Bouzaréah.

Plusieurs jeunes recrutés dans le cadre du pré-emploi[13] ont été matraqués dimanche 23 février, lors d'un sit-in convenu cette fois devant l'Assemblée populaire nationale (APN), arrêtés puis gardés au poste de police. Le même jour, les syndicats des corps communs réunis aux alentours de l'hôpital Mustapha Pacha seront dispersés muni militari alors que cinq membres du Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (SNAPAP) feront quant à eux aussi l’objet d’un pointage à la case commissariat[14]. Face à l’impossibilité d’élever une quelconque contradiction et les répressions corrélatives aux proscriptions, tout laisse à penser que les réactions suivantes seront plus violentes. Des diversions incitant aux émeutes ont d’ailleurs commencé avec le tabassage à Oran, le jeudi 20 février, du caricaturiste Djamel Ghanem. Le climat délétère peut compromettre le lancement ou la poursuite du processus électoral, une probabilité à l’évidence espérée par le Département du renseignement et de la sécurité (DRS), à fortiori du côté de son commandant "Touf(l)ik".

Deux camps retranchés aiguisent leurs armes pour neutraliser l’autre à partir d’arguments déstabilisateurs, se toisent avec pour l’instant le couteau entre les dents car sachant pertinemment que plusieurs révélations tonitruantes ne manqueraient pas d’emporter toutes les digues et de noyer le pays dans un bain de sangs[15]. Hyper entrainée à contrer la guérilla djihadiste, la première faction (et ses adjuvants) a pour porte-drapeau Othmane Saadi[16], l’ex-colonel du Service de coordination opérationnel et de renseignement antiterroriste (SCORAT), alors que la seconde regroupe les recalés de l’extérieur, donc la relève des planqués de la frontière algéro-tunisienne qui en juillet-août 1962 rouleront sur Alger-la-Blanche pour usurper le pouvoir au Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA). De nouveau, des combattants de terrain, dorénavant intégrés à l’Armée nationale populaire, se dressent face aux éléphants de l’état-major, à ces thuriféraires du cercle le plus rapproché du sommet, tellement à proximité des oreilles du lapin sorti en 1999 du chapeau DRS que des sirènes lui font miroiter une improbable panthéonisation. Les mots trompeurs et enjôleurs de ces flagorneurs s’accordent aux rythmes de fluctuations rentières gaspillées depuis quinze ans sur les marchés interlopes de la gabegie. L’accumulation des échecs économiques a accouché d’une montagne-poubelle de laquelle est sortie la souris avec laquelle la maffia-politico financière clique sur la manne pétrolière pour faire transiter à la vitesse de sa petite lumière des milliards dans les paradis fiscaux. Chez ces fondés de pouvoir de la gérontocratie, où les mots clefs sont paranoïa, élimination physique, magouille, opacité et suffisance, il n’a jamais été question de favoriser l’intelligence, de moderniser les champs politique, économique, culturel et artistique. Conscients de leur médiocrité, de vieux croutons grabataires se casernent en parasites de l’alternance démocratique, font régresser de mois en mois des potentialités qui ne demandent qu’à développer leur génie, délibèrent en connexion directe avec leurs relais étrangers, motivant ainsi la joie de réseaux d’affaires refourguant à l’Algérie tous les invendus non écoulés ailleurs, d’où un pays en friche voué au "trabendisme bazarisé", à une obsolescence comportementale inadaptée aux roulis transcendantaux qu’engendre un İslam spirituel. Au départ ouverte, la cosmologie islamique s’est laissée envahir par une approche factice et linéaire du temps, temps qu’il y a lieu de saisir dans son jaillissement redoublé en vagues continues, le monde restant une chose vivante toujours en devenir. İl n’est pas un Topos conçu une fois pour toutes mais appartient aux actions "performancielles" d’un avant-corps qui, à l’inverse de l’esprit dogmatique, et au fanatisme auquel celui-ci conduit, doit faire entrer son "Je" dans l’immanence pour poursuivre une création, l’améliorer par des poussées transitives et spéculatives mettant à bas autant le "culte de la personnalité", donc le zaïmisme, que l’anti-cosmopolitisme du Programme de Tripoli de mai-juin 1962 dont les vertus protectionnistes ont condamné le pluralisme et le multiculturalisme. İl faut résolument qu’advienne en complément la période du "(…) passage des mythes fondateurs à la connaissance historique, passage (…) particulièrement difficile en Algérie où l’autoritarisme a longtemps institué les rapports à la guerre d’indépendance comme matrice des légitimités (…)."[17]. Agir à l’encontre de ces déjà-là trafiqués au nom de l’hagiographie et de la négation des récits individuels, c’est lever les barrières de l’inhibition collective, recouvrer une souveraineté perdue, renflouer en faveur d’une voûte d’intelligibilité la lutte citoyenne désormais nécessaire à tous les niveaux, l’indépendante gagnée au prix de sacrifices humains ayant pour doxa ontologique et herméneutique la reconquête d’un Moi intérieur, d’une plénitude organique et mentale. Ce recouvrement amorcé après juillet 1962 n’est pas à confondre avec un voile limitant l’horizon de la musulmane à une expansion exotique de la chari’a, mais la condition sine qua non de l’épanouissement culturel, du déni de la torture morale et corporelle infligée depuis plus de cinq décennies par des morts de faim qui ne veulent pas lâcher le morceau de "Mon frère, c’est ma combine", de "Moi ou le KO", de "Nous sommes toujours là", de "Tout pour ma gueule" . Ils jettent ainsi au "Peuple-Héros" les miettes de leur pantagruélisme et en cellule les rares francs-tireurs contestant leur nauséabonde arrogance étalée maintenant au grand jour avec une pré-campagne lancée depuis plusieurs mois sous les lampions de l’ENTV ou de la radio publique et bénie par les entretenus d’El Mouroudia persuadés dormir encore longtemps dans ses meubles nacrés grâce à la dérégulation des mécanismes constitutionnels qui aura arrêté la pendule en supprimant les deux mandats qu’avait sanctuarisés la Constitution de 1996. C’est désormais un somnambule au bilan teinté de malversations qui rempile sa propre succession pour déléguer par procuration des prérogatives "régal-hyènes" à des collecteurs de signatures ou parrainages nécessaires à une échéance fixée au 17 avril mais qui, si elle aboutit, ne sera que le début d’un statu quo contraire aux alternatives escomptées et constamment repoussées aux calendes grecques. Cette désespérance renvoie quelque peu à la foi des premiers chrétiens attendant le retour du Christ, mais se substituant à la parousie, c’est finalement l’Église qui arrivera avec son cortège de tabous, de préceptes, de restrictions, d’apostats ordonnés par les gardiens de la Raison toute bonne car révélée par le Haut, donc par le Vrai. Maîtres d’œuvre des pièces marquetées de l’échiquier, les dévots de la prébende ont donc décidé d’avancer la pièce majeure "Bouter-flica" également dans le but de négocier à la date adéquate leur immunité ou une retraite dorée, au possible garantie par une lettre de créance(s) ou un virement sonnant et non trébuchant. İls creuseront donc avant cela les tranchées d’une guerre clanique à laquelle assiste médusée une société réduite au silence et qui, pour se rassurer et engranger de la croyance, lorgne pareillement vers un sauveur providentiel habillé encore une fois du burnous post-boumediène alors qu’il lui faudrait en finir avec ses pseudo-doublures, avec un mythe pourvoyeur des répliques fascisantes, avec donc la plus envahissante des mystifications.

Parmi les quelques supposés leviers-protecteurs des probables rafales, se trouve l’ancien "porte-parapluie"[18] Mouloud Hamrouche prié de sortir du bois depuis les dernières tractations arrangées en coulisses. L’ex-Premier ministre de Chadli Bendjedid ferait ainsi office de tampon officieux ou matriciel à même d’amortir la secousse tellurique qui se prépare, d’absorber les mauvaises ondes cryptant des messages venus d’un mécanisme aux partages rentiers et transactions complices. L’ensemble des concernés ou intéressés ont pris conscience d’une nécessaire convention pour se maintenir et maintenir leurs préséances ou attributions, garder des coffres forts menacés d’implosion. Carte majeure de la nouvelle donne politique, d’un jeu toujours ouvert au consensus et donc fermé à la diversité des expressions, Mouloud Hamrouche apporterait dans sa manche de réformateur des gages prometteurs à même de satisfaire les intérêts de la France et autres positions d’influence contractées sur les places boursières internationales, serait la locomotive susceptible de mettre sur les rails les incontournables transformations sociétales. La question est de savoir si les concessions livrées en aval lui permettront d’alimenter une vision suffisamment émancipée vis-à-vis d’un Touf(l)ik (ou son remplaçant) auquel, si nous avons bien compris, tout coopté restera redevable ? İl ne pourrait dans cas qu’être la marionnette de tireurs de ficelles héritant quant à eux d’une nouvelle légitimité acquise sur le terrain de la bataille frontale avec les salafistes. C’est néanmoins du corps d’élite de l’Armée que peuvent émerger des officiers incorruptibles. Contraires au tribalisme des prédateurs du sérail, leurs habitus façonnés en dehors des archaïsmes ethniques, en l’occurrence par les savoirs technologiques, peuvent rétablir le sens de l’éthique, instaurer par là même un schisme auquel participera l’intelligentsia issue de la mouvance djazariste de Malek Bennabi, de la transmigration Orient-Occident ou de la mixité cognitive, histoire de favoriser le Tiers-inclus jusque là Tiers-exclu.

Dans un article intitulé "Sécularisation politique et culturelle ou renouveau dans l’authenticité révolutionnaire ou religieuse ?"[19], nous supposions une éventuelle rupture avec les actuelles pratiques de gouvernance, ne validions de ce fait ni l’option Mouloud Hamrouche, ni la solution Ali Benflis, lequel inscrit son projet de renaissance nationale dans la continuité de l'esprit du 1er Novembre 1954 pour revenir, aussi lors de la Journée du chahid, sur le "(…) sacrifice des martyrs.", sur "Le don de soi de nos moudjahidine et nos chouhada.»[20], sur donc des tropismes efficaces aux lendemains de l’indépendance pour insuffler une dynamique mais dorénavant trop surannés pour embarquer une jeunesse avide d’autres idéaux, ce que démontrera le film documentaire Algérie tours-détours de Leila Morouche et Oriane Brun dans lequel René Vautier faisait projeter, parfois à partir d’un ciné-bus, de longs métrages sur la Guerre d’Algérie. Les débats provoqués en 2007, au sein de places publiques ou d’universités et centres culturels, révélaient bien le décalage existant entre des galonnés s’accrochant désespérément aux providences emblématiques et des populations de chômeurs, d’étudiants, d’auteurs ou créateurs aspirant à vivre pleinement leurs rêves de prospérité mais qui subissent "(…) les contrecoups prévisibles du passage de la thèse du peuple comme héros collectif à l’irruption du sujet comme acteur de l’histoire"[21]. Le faussé d’incompréhension entre les générations engendre de telles confusions, qu’en voulant traiter le thème "La mémoire, la transmission", la plasticienne Zineb Sédira montrera le 11 janvier 2013[22] sur trois écrans la vidéo Becoming independent pour décliner à travers elle des photographies[23] croisant le portrait de Frantz Fanon avec celui d’Abdelhafid Boussouf[24]. Autrement dit, la productrice de l’œuvre Transmettre en abîme confondait le militantisme et la clairvoyance de l’auteur de Les Damnés de la terre avec les prescriptions interlopes de l’ex-chef du service des renseignements du Ministère de l’armement et des liaisons générales (MALG), avec celui qui, père professionnel de "Touf(l)ik", a peut-être accommodé la disparition d’Abane Ramdane, a assurément éprouvé les procédures de surveillance du KGB au sein de la Sécurité militaire algérienne pour les inculquer à la jeune garde des "Boussouf boys", première promotion des cadres de la police politique surnommée "Tapis rouge". C’est sur ce paillasson que s’essuieront les pieds-bruns rétifs à la démocratie. Ceux d’aujourd’hui menacent les dissidents qui auraient l’idée saugrenue de franchir la fameuse ligne rouge, rubicond à ne surtout pas dépasser en cette période trouble où prononcer une franche sécularisation serait en définitive une erreur compte tenu du travail de sape de pourfendeurs d’espace experts en cafouillages dialectiques scindant le réel algérien en couples antithétiques et bidouillant le glissement sémantique de laïco-assimilationniste pour offrir un permis de tuer à des psychopathes follement épris d’Allah. Le quotidien La Nouvelle république du 18 février 2014 faisait à son tour part d’intégristes agissant au sein des mosquées de la wilaya d’El-Oued, de Merouana (Batna), de Tébessa ou autres régions du pays, édifices religieux à partir desquels plusieurs imams n’accompliront pas la "Prière de l’absent" recommandée en hommage aux soldats récemment victimes du crash d’un avion. Le périodique notait qu’ils préféraient tirer "(…) à boulets rouges sur les institutions de la République pour inciter à la rébellion sous couvert de diverses hakalates et autres prêches incendiaires proférés contre les Algériens qui célèbrent la Saint valentin", car trouvant cette fête commerciale "haram et layadjouz". Ces fondamentalistes contestent les lois de la Nation, ne se lèvent plus pour saluer l’emblème national, prononcent à l’inverse des invectives ravivant les plaies à peine soignées, des souvenirs laissant penser "(…) que nous sommes dans les années 1990". Le journal El Watan du 20 février parlait également de "(…) négation de la République" dans un pays qui "(…) avance à pas sûrs vers l’effondrement généralisé", d’État hors normes frappé d’inertie à cause d’un Président en phase terminale, d’une autocratie d’affairistes investissant les départements des ministères des Travaux publics et de l’Énergie mais aussi celui de la Culture. Cette dernière engrange en effet depuis la Saison 2003, année de l’Algérie en France de gros budgets convoités pas des opportunistes parachutés sur les crêtes d’un paysage artistique dont ils n’ont pas à connaître les complexités puisque les appels d’offre sont bidonnés et que la première locataire du Palais Moufdi Zakaria a déjà combiné le programme de 2015, Constantine capitale de la culture arabe qui ne sera qu’un mélange brouillon des interventions concoctées en 2007 à Alger[25] et en 2011 à Tlemcen[26]. Véritables chasses gardées, ces vastes concentrations assurent à des commissaires triés sur le volet des revenus faciles et garnis. N’y accèdent que les aplat-ventristes cireurs de pompes car comme le soulignait le dramaturge Slimane Benaïssa, en Algérie "Les personnes autonomes sont marginalisées (…)."[27]. Celles qui déclinent toute coopération quittent le pays alors que les assignés à résidence caressent la douceur épidermique du poil, abdiquent et deviennent les subalternes d’un pouvoir dont la violence symbolique consiste à le grimer en pôle réceptif aux propositions ou innovations alors que, usant de censures déguisées, il freine des quatre fers de manière à tuer "(…) par usure un projet (…), c’est la lutte de l’enthousiasme contre le "j’m’enfoutisme""[28]. Rodés aux nébuleuses enfumades, les philistins ou béotiens font tourner en rond et noient le poisson dans le ressac autoritaire pendant que certains perçoivent via le scrutin d’avril 2014, ou son brusque arrêt, un climat historique propice à une sortie de crise, à une décantation graduelle et ordonnée. L’Algérie de Touf(l)ik éviterait ainsi la cassure brutale, donc une rébellion incontrôlée finissant à coups sûrs en bastonnades insurrectionnelles, pencherait donc en direction d’un changement assisté, d’une évolution accompagnée et stabilisée.

Bien, admettons que pour se prémunir des dégâts collatéraux suscités par un autre coup d’État ou un début de guerre civile, nous retenions la séquence envisagée le 12 févier 2014 par l’ex-général Hocine Benhadid, lequel suppose que "la Présidentielle sera au final reportée à cause de la maladie de Bouteflika."[29]. Dans ce cas (ou dans celui d’un report obtenu par le truchement de pourparlers tacites) adviendrait un moment de pose à exploiter afin que les Algériens puissent se parler sans détours, une durée introspective que les auteurs et créateurs saisiraient au bon. İls intégreraient puis stimuleraient ainsi une vaste négociation populaire, réfléchiraient sereinement à un certain nombre de mesures éloignées de celles retenues le 29 octobre 2012[30] par Hamida Aksous[31]. Cette conseillère au cabinet du ministère de la Culture souhaitait alors harmoniser les programmes de l’ensemble des écoles des Beaux Arts en les adaptant au contenu pédagogique d’une éducation nationale minée par une forme d’idéologisation religieuse de la pensée. Elle voulait donc les uniformiser avec ceux en vigueur dans un secteur sinistré du fait d’incompétences avérées et des nombreuses concessions orchestrées sur le tempo des derviches tourneurs. Les dispositions enregistrées apparaissaient d’autant plus contradictoires, et à éviter, que la bibliothèque de l’institution du parc Zyriab d’Alger est essentiellement achalandée de livres d’art écrits en français, langue garantissant, que l’on veuille ou non, à ceux qui savent la capitaliser l’accès à une montée en singularité esthétique. On comprend mieux maintenant l’assertion du directeur du Musée public d’art moderne et contemporain d’Alger (MAMA) assurant en décembre 2013 que, «Franchement, nous n’avons pas de grands artistes d’art contemporain en Algérie.»[32]. Si son point de vue reste discutable, le dernier séminaire[33] géré par Hamida Aksous ayant pour objectif l’homogénéisation des méthodes d’enseignement, on ne voit pas comment la mise en place d’un recyclage des professeurs d’arts plastiques peut engendrer une future adversité des langages, une épreuve indispensable à l’élargissement du champ en question mais aussi de celui proprement politique. İl faudra aux protagonistes de l’un et l’autre domaine savoir fonctionner de manière chirurgicale tant les séquelles sont profondes et à imputer au système "Touf(l)ik". À partir d’un certain âge, tout homme est responsable de son visage, écrivait Albert Camus, et Mohamed-Lamine Mediène, alias Toufik ou "Reb Dzaïr", a indubitablement contribué à configurer un modèle de société figé et atrophié dont il faudra aux avant-corps de la modernité intellective s’extraire en changeant de paradigmes, voire en employant des procédés pragmatiques et caporalistes, le terme même d’avant-garde provenant de la terminologie militaire.

Saadi-Leray, sociologue de l’art

Renvois

[1] Lahouari Addi, in Le Matin. Dz, 24 avr. 2012.

[2] Hocine Benhadid, in El Watan, 12 fév. 2014.

[3] Lahouari Addi, in Le Matin. Dz, op. cit.

[4] La nouvelle lui attribue un blanc seing présidentiel ad vitam aeternam.

[5] Une parole souvent conclue suite à une simple poignet de mains.

[6] Un document exigé par le Conseil constitutionnel.

[7] Voir à ce sujet l’article "Faut-il Bouteflika ou Bouter-flica", in Le Matin Dz, 25 janv. 2014.

[8] Donc à Sidi Fredj, ville située à l'ouest d'Alger.

[9] İn La Tribune, discours présidentiel, 19 fév. 2014.

[10] Voir l’article "Gal Abdelmalek Sellal gal", in Le Matin Dz, 25 janv. 2014. L’actuel Premier ministre sera le président de la commission nationale de préparation du futur scrutin.

[11] Animée aux côtés de Dalila Boudjemâa, ministre de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire, et Ramtane Lamamra, ministre des Affaire étrangères.

[12] Abdelmalek Sellal, in La Tribune, 23 fév. 2014.

[13] Depuis environ trois années, ceux-ci protestent contre un système de recrutement qui les a réduits à un rôle de "bouche-trous" puisque les postes qui leur sont soumis restent précaires et donc non permanents.

[14] La révision du statut de la fonction publique et celui des corps communs, l’annulation des emplois précaires, l'intégration des contractuels ainsi que le retour de 50 corps communs suspendus en raison de leurs activités syndicales, l'augmentation des salaires, la révision des primes et le respect des libertés syndicales font parties des revendications de l’heure.

[15] Ainsi, la visite prévue le 26 février 2014 du juge français chargé d’enquêter sur le meurtre des sept moines de Tibhirine a été en dernière instance reportée.

[16] İl périra dans un attentat perpétré en 2010 à Akbou (petite Kabylie).

[17] Abdelmadjid Merdaci, in El Watan, 27 janv. 2014.

[18] C’est sous ce sobriquet le confondant à un valet de Boumediène que ces ex-détracteurs déprécieront ses réformes.

[19] İn Le Matin Dz, 16 fév. 2014.

[20] Ali Benflis, in L’expression, 18 fév. 2014.

[21] Abdelmadjid Merdaci, in El Watan, op. cit.

[22] Au Centre des arts Royal Hibernian Academy de Dublin (spécialisé dans les arts audiovisuels).

[23] En noir et blanc de Mohamed Kouaci.

[24] Parmi les autres effigies il y avait aussi celles de Patrice Lumumba, Che Guevara et Krim Belkacem.

[25] À l’occasion d’Alger, capitale de la culture arabe.

[26] Lors de Tlemcen, capitale de la culture islamique.

[27] Slimane Benaïssa, in El Watan, 30 janv. 2014.

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Commentaires (12) | Réagir ?

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ramo1169

bonsoir

que de beau et long discours

Ce petrole aura notre peau;face a TANT d'argent, que ferions nous?

Tout n'est qu'une question de pognon:pas les dinards:mais les dollards;meme pas l'euro LE DOLLARD

POINT

merci

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oziris dzeus

Sur Terre il est nécessaire d'êtres deux. Le monde fonctionne à la paire. L’Algérie est à GMT+1 depuis un bon moment et ça à l'air de fonctionner à merveille. On a au moins un repère. Maintenant certains génies ont l'impression que ça peut marcher sans GMT donc seulement avec 1 ni plus ni moins. 1 par rapport à quoi? Ce n’est pas très clair. Avec GMT +3 +4 +5 ou +1000 ça serait l’idéal mais ça c’est si loin. Avec 1 tout seul rien ne marche. Et dans ce cas pourquoi avoir éliminé les autres et les limites de chacun. Pour élever un enfant il faut certes tout un village mais pour gérer (élever) un pays il faut tout le monde pas seulement 1, car personne n’est parfait à part le bon dieu.

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