Tabourt et la fête de l’huile d’olive

Voyage dans les traditions.
Voyage dans les traditions.

Le service d’ordre et la grande banderole souhaitant la bienvenue aux hôtes du village pour cet heureux évènement annoncèrent la couleur : la fête allait être à la mesure des moyens humains mis pour la circonstance : une jeunesse accueillante et visiblement fière d’appartenir au village du chahid Yahou Ali et ses compagnons de la lutte armée durant la guerre d’indépendance, dont le chahid Ramdani Ahcène.

Nous quittâmes notre Peugeot 205 que nous laissâmes à la plateforme et fûmes dirigés vers la crête où fut bâti l’ancien village, accompagnés de nos guides qui nous firent visiter les maisons, jusqu’au refuge où le colonel Amirouche, chef de la wilaya trois, de passage dans la région, aurait séjourné pas moins de quinze jours, en passant par la maison qui a servi de PC  à l’armée française lors de la fameuse opération jumelle. C’est dire que l’endroit devait être sûr et sécurisé pour que le lion du Djurdjura, réputé pour ne pas rester plus de vingt quatre heures au même endroit, se sentait en toute sécurité et avait confiance.

La maison kabyle avec ses senteurs de l’enfance nous accueillit. Nous passions de l’une à l’autre et chacune avait ce quelque chose que les autres n’ont pas : étables et soupentes, murs crépis à l’argile et passés à la chaux, ikoufane meublant, à côté des jarres d’huile et de la meule à grain dans un coin, le canoun dans un autre, ces pièces que nous quittions à regrets.

Nous fûmes particulièrement touchés par cette petite pièce à l’étage où l’on accède par une toute petite porte en bois. Notre émotion fut d’autant plus grande quand nous entendîmes des voix de femmes qui bavardaient à l’intérieur d’un foyer autour d’un feu de bois dans un canoun qui réchauffait cette pièce tandis que dans son métier, une autre femme poursuivait un ouvrage qui promettait d’être beau.

Au sommet de la crête, des barbelés et des jerrycans en métal datant de la guerre, non loin d’un poste de surveillance des chasseurs alpins, dominant le territoire des Ath Ghobri, témoignent d’une époque qui fut dure y compris pour ces soldats venus d’ailleurs traquer ces irréductibles maquisards dont la plupart n’a pas survécu à cette guerre, ne verra pas l’indépendance du pays à laquelle ils ont cru.

Un peu plus loin, la maison-refuge où les Moudjahidine de passage se reposaient avant de poursuivre leur chemin vers d’autres lieux, pour d’autres missions.

Un grand drapeau national est déployé le long des murs jusqu’au refuge un peu abandonné et que les habitants de Tabourt gagneraient avec l’aide des autorités compétentes, à restaurer, ainsi que certaines maisons qui menacent de s’écrouler, tant qu’il est encore temps.

A l’école primaire du village qui porte le nom du Chahid Yahou Ali, mort en 1958 et qui aurait fait partie du commando qui avait accompagné le colonel Amirouche dans les Aurès où il allait régler un sérieux conflit qui opposait une partie de la population à une autre à la suite de la mort de Mustapha Ben Boulaïd, la fête battait son plein.

Dans la cour bâchée à cause du mauvais temps, la troupe d’Idhebalen jouait, les visiteurs allaient d’un stand à l’autre pour voir, goûter ou acheter de l’huile, du miel, des figues sèches… ou tout simplement des objets de fabrication artisanales tels les vases, les coffres en bois, des bracelets, des boucles d’oreilles des Ath Djenad, des costumes traditionnels, robes et burnous, de la poterie…

Un peu plus haut, les hôtes étaient invités à déjeuner à l’intérieur d’un garage assez spacieux pour contenir toutes ces gens qui sont venues de loin et qui avait sans doute un creux à l’estomac à force de marcher.

Le couscous servi avec du petit lait devait être sûrement délicieux. Les plats de couscous d’orge et de la galette exposés sont si succulents qu’on a du mal à se décider à poser la cuillère et quitter les lieux.

Nous avons découvert un village nommé « Tabourt » qui signifie porte et nous garderons toujours en mémoire la chaleur de l’accueil, la saveur inégalable des mets offerts jusqu’à ces figues sèches savoureuses, la beauté remarquable de ce site et celle de ces belles bâtisses sorties tout droit d’un terrain qui fut énormes roches à l’origine.

La Kabylie recèle par la diversité de ses paysages, par son histoire faite de souffrances, de privations et de solidarités, des trésors inestimables qu’il suffit de déterrer. Mais encore faut-il, comme dans cette légendaire fable de La Fontaine, trouver l’endroit où nous avons égaré ce trésor. Il faudrait fouiller, creuser, ne laisser nulle place tant qu’il est encore tant. Tout le reste est littérature, disait Mouloud Mammeri.

Nacer Achour et Mourad Ben Youcef

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Commentaires (1) | Réagir ?

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Bachir ARIOUAT

Il faudra peut-être qu'un jour l'Algérie sort de sa léthargie de regarder toujours derrière ses fesses, car à force de regarder en arrière, nous ne voyons pas à quoi ressemblera l'avenir, à tel point que nous faisons des pas de géant pour redevenir des illettrés, pendant que les autres, font des bonds immenses en avant, ils ne cessent de former leur jeunesse, nous le savons l'histoire de notre pays est truffée des guerres contre nos envahisseurs.

Honorer les morts de la guerre de 1954 à 1962, je n'y vois aucun inconvénient, mais pourquoi seulement eux, il faut aussi rappeler toutes les guerres menées contre les envahisseurs, serait-ce que les noms des plus illustres reconnus par l'histoire et par nos adversaires, c'est un des moyens qui permettra de faire sortir notre pays de sa véritable identité, faire connaître ses ennemis, et enfin peut-être contribuer à nous identifier à notre race, notre culture et à notre vraie histoire et langue.