Qu’ils s’en aillent tous !

L'enjeu est d'en finir avec ce pouvoir militaire avec une façade civile.
L'enjeu est d'en finir avec ce pouvoir militaire avec une façade civile.

Au moment où la Tunisie franchit un grand pas vers la modernité politique en adoptant par consensus une constitution démocratique, l'Algérie ne parvient pas à se défaire d'un système de pouvoir qui l'humilie et la ruine.

La transition démocratique réussie en Tunisie contraste singulièrement avec le charivari tragico-burlesque algérien. Plus d'un demi-siècle après l'indépendance, notre pays donne cette terrible impression d'avoir tout raté alors que sa révolution promettait de le hisser au rang de grande puissance régionale.

Le vide politique, culturel et institutionnel organisé depuis des années laisse, à la veille d'une hypothétique échéance "électorale", la voie libre à un déchaînement d'absurdités, de mensonges et de caricatures qui épaississent un peu plus le brouillard et rendent illisibles les lectures, y compris pour les analystes les plus avertis.

C'est assurément l'objectif recherché par les artistes du désordre, les créateurs d'illusions et de leurres, les fabricants de "présidents" et d'"opposants" : focaliser sur l'accessoire pour évacuer l'essentiel ou le fondamental.

Le fondamental ?

C'est ce vrai débat sur les conditions politiques à réunir pour favoriser une dynamique démocratique de reconstruction de l'Etat et la Nation.

Un débat qui ne peut en aucune façon faire l'impasse sur le rôle de l'élite militaro-sécuritaire dans le blocage de tout processus d'autonomisation du politique et d'émergence d'une vraie société civile.

L'accessoire ?

C'est ce faux-débat sur "le quatrième mandat" qui devient la préoccupation centrale du gotha politique national et qui trace une ligne de démarcation factice entre "pouvoir" et "opposition". Ce faux débat sonne clairement comme le révélateur d'une régression éthique et politique vertigineuse.

Un faux-débat, vraie diversion, dans lequel succombent des esprits réputés lucides pour qui empêcher l'actuel chef de l'Etat de briguer un quatrième mandat suffirait à provoquer la rupture avec le système.

Un système dont les génies de la manipulation font remonter la genèse à l'intronisation de Bouteflika et non plus à l'assassinat de Abane Ramdane !

Pour eux, Abdelaziz Bouteflika ne serait plus l'expression pathologique et dégénérée d'un système militarisé mais le géniteur d'un système de pouvoir qui, à lire un ancien président d'une assemblée-croupion qui découvre la "mafia politico-financière", transformerait le DRS en un contre-pouvoir !

Ce renversement épistémologique spectaculaire prêterait à sourire n'eut été la situation grave du pays et les lourdes menaces qui pèsent sur son unité et sa souveraineté.

Notre pays aurait mérité, dans une telle conjoncture, des dirigeants capables d'avoir le sens de l'Etat et de l'intérêt national.

Aujourd'hui, plus que jamais, le sursaut patriotisme attendu supposerait non pas simplement d'en finir avec les années Bouteflika mais de tourner la page de cinquante ans de violence politique et de refus de la souveraineté populaire.

Samir Bouakouir

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Commentaires (9) | Réagir ?

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nekk nekk_daghen

On ne peut qu'être d'accord sur ce que vous désignez comme étant L'accessoire. C'est, en effet, mépriser les gens que de vouloir faire passer les conflits d'intérêts entre groupes mafieux pour un combat politique naturel entre un pouvoir en place et une opposition ou, du moins, entre tenants de visions politiques différentes au sein d'un pouvoir totalitaire éclairé. Ce n'est pas un moindre mépris que de considérer que Bouteflika et son sérail sont "la genèse du mal", alors que le régime, depuis son origine, est issu d'actes crime, ne vit et ne survit que par le crime. Tous ceux qui y ont participé ont endossé l'aliénation identitaire, le massacre des langues du pays, la falsification de l'histoire, l'arabisation, la wahabisation, la destruction des bases des sociétés algériennes, etc.

Toutefois, dire que cette machine infernale s'est mise en marche avec l'assassinat de Abane Randane ne rend pas du tout compte des origines du mal. Avec le recul qui nous est donné, on peut s'apecevoir que Abane et tous ceux qui ont été canardés pour les mêmes raisons se sont embarqués dans une entreprise d'une façon qui rend ce genre de risque fort probable. C'est que dans ce niveau, il ne suffit pas que d'avoir de bonnes intentions et mettre le paquet avec tout le génie qu'on veut si on s'exonère des réalités socioculturelles, civilisationnelles, des réalités historiques. Certes, le contexte de l'époque fait que les deux blocs dominants le monde et leurs idéologies s'imposaient aux élites du tiers monde comme étant deux systèmes suffisants pour construire un état, et même pour "construire une nation" pour reprendre la terminologie du temps des colonies, ou pour "reconstruire une nation, (faut-il qu'il y en est eu une à reconstriure) " comme dirait mass Bouakouir. Une entreprise qui, donc, relevait d'un processus spontané engageant tous les membres d'une peuple sur des générations et des générations est devenu, dans le contexte du monde bipolaire, le fait d'une élite bien décidée. Et ça nous donné des entités factices telles la Yogoslavie, le Tchécoslovaquie, l'URSS elle même et la plupart des état africains dont les frontières ne tiennent que compte que des rapports de force entre les grandes nations européennes. C'est dans ce contexte que naquit l'Algérie.

Un bref retour en arrière n'est pas inutile. En effet, l'expédition punitive de juillet 1830 relève de moeurs normales du 17e, 18e siècles. La régence d'Alger s'adonnant à la pratique criminelle de la piraterie à l'encontre des navires marchands d'une Europe de plus en plus tournée vers le commerce a fait l'objet de plusieurs expéditions punitives. C'est au moment ou les turcs d'Alger n'avaient plus les moyens de leur passe-temps favoris que les français ont réussi à s'emparer des territoire dominés par les beyleks, y comrpris de l'enclave que constituait la ville de Bgayet (en 1833). Ce succès des armées françaises survient, malheureusement pour la Kabylie, au moment de la frénisie coloniale. C'est donc à peu près 30 ans après la chute des états Beyleks turcs qu'est intervenue l'annexion de la Kabylie. S'en suivait l'annexion du Sahara qui a été entirèrement soumise au début du XXe siècle.

L'expédition punitive sur les états beyleks d'Alger s'est donc mue en entreprise d'expansion, puis, avec l'installation de colons dans le pays, à la construction d'une nation sur le modèle centrtalisateur de la métropole; et tant pis pour les peuples de ces pays qui ne s'y plierait pas.

C'est ce mythe de "construction de nation" que les élites "nationalistes" ont (peut être inconscemment) repris dans sa globalité, y comrpis par Abane. Ceux qui ont la lucidité de soulever certains aspects de cette réalité ineffaçable ont été chassés et éliminés les un après les autres. Ils appellent cette épisode "la crise berbériste". Cette réalité étant évacuée, il ne ne restait du combat de 54 qu'une guerre de remplacement de l'élite dirigeante européenne par une élite indigène, une guerre pour les barils de pétrole qui vont avec, pétrole qui va s'avérer fort utile pour acheter les consciences et corrompre ce qui reste des peuples.

Il y a tout de même une certaine ironie dans cette histoire. La révolution de 1954 qui s'est entèrement appuyée sur les élans propres aux différents peuples d'Algérie en calquant son organisation militaire sur leurs réalités civilisationnelles et historiques cette révolution aux pieds, aux bras et au corps "girondins" avait la tête complètement "jacobine". Rien dans son projet pour redonner la dignité à ces peuples dans la configuration de l'Algérie post-coloniale, rien dans la plate-forme de la Soummam, ni encore moins dans celle de Tripoli. C'est, un peu, comme on dit chacun dans sa langue :"Ksed seg tamart is, tvexxert as !"; "Men lehheytou, bexxer lou !".

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khelaf hellal

Vous préferez sans doute promouvoir l'armée du FIS et la substituer à l'ANP. Pour ouvrir la bréche il vous a suffit de pointer du doigt et de stigmatiser les décideurs militaires, les garants de la Constitution et les défenseurs de la patrie. Qu'ils partent tous ! c'est du nihilisme moyen-âgeux pour faire place aux aventuriers obscurantistes, aux fanatiques et aux égarés, à l'inquisition maraboutique.

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