Turquie: les purges continuent, les députés examinent la réforme judiciaire

Tayyip Erdogan
Tayyip Erdogan

Sourd à toutes les critiques, le gouvernement turc a poursuivi son entreprise d'épuration de la police et de la justice, accusées d'abriter le coeur d'un "complot" contre lui, pendant que le Parlement examinait son projet très controversé de réforme judiciaire.

Mercredi, les médias turcs ont rapporté que le ministre de l'Intérieur avait ordonné une nouvelle purge massive visant 470 agents de la sûreté nationale à Ankara, une centaine de leurs collègues à Istanbul et quinze autres dans la ville d'Izmir (ouest).

Cette nouvelle vague de mutations et de révocations porte à plus de 2.000, selon le décompte de la presse turque, le nombre de policiers, préfets comme simples officiers, sanctionnés depuis la mi-décembre et la révélation du scandale de corruption qui éclabousse le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.

96 procureurs et juges réaffectés

Mardi soir, un total de 96 procureurs et juges de haut rang de plusieurs villes du pays ont également été réaffectés à d'autres fonctions.

A l'issue d'un coup de filet policier très médiatisé mi-décembre, la justice turque a inculpé ou incarcéré plusieurs dizaines de patrons, hommes d'affaires et élus proches du pouvoir soupçonnés de corruption, fraude et blanchiment. Cette opération a provoqué la démission de trois ministres et un vaste remaniement gouvernemental.

Directement menacé, M. Erdogan ne cesse d'accuser ses ex-alliés de la confrérie du prédicateur musulman Fethullah Gülen, très influents dans la police et la justice, de manipuler ces enquêtes dans le cadre d'un "complot" destiné à provoquer sa chute, à la veille des élections municipales de mars et de la présidentielle d'août 2014.

Dans un rare entretien accordé mardi au Wall Street Journal, M. Gülen a démenti ces allégations et accusé en retour l'actuel gouvernement d'avoir "inversé" la marche de la Turquie vers la démocratie. Non content de purger la police et la magistrature, M. Erdogan a également engagé une réforme visant à renforcer le contrôle politique de la justice.

"Complot" et "désinformation"

Après une semaine de violents débats en commission, l'Assemblée a entamé mardi soir l'examen en séance plénière du projet de réforme du Haut-conseil des juges et procureurs (HSYK) qui doit, notamment, accorder au ministre de la Justice le dernier mot en matière de nomination des magistrats.

Comme la veille, l'opposition, qui juge le texte contraire à la Constitution, a multiplié mercredi les manoeuvres de procédure pour retarder le débat, qui doit durer jusqu'à vendredi. Son adoption semble toutefois acquise, le Parti de la justice et du développement (AKP) de M. Erdogan disposant d'une large majorité à l'Assemblée.

Le président du groupe parlementaire du Parti républicain du peuple (CHP), Muharrem Ince, a une nouvelle fois exigé mercredi son retrait. "Nous demandons aux membres de l'AKP de respecter l'Etat de droit, eux s'acharnent à courir après les juges et les procureurs selon leur bon vouloir", a-t-il déploré.

A l'étranger également, les critiques ont fusé contre ce projet de réforme, considéré comme portant atteinte à la "séparation des pouvoirs", notamment aux Etats-Unis et dans l'Union européenne (UE), qu'Ankara souhaite intégrer.

Mais, lors d'une visite mardi à Bruxelles, M. Erdogan, intransigeant, a campé sur ses positions. Face aux dirigeants européens, il répété la thèse du "complot" et justifié les purges et sa réforme judiciaire.

"La justice ne peut pas outrepasser son mandat, c'est ce qui se fait en Turquie et tout le reste n'est que désinformation", a-t-il tranché. "Personne ne peut s'interroger sur la nécessité de séparer les pouvoirs mais si l'un de ces pouvoirs parasite l'autre", alors le législatif peut intervenir, a poursuivi le Premier ministre.

Mercredi, le ministre turc des Affaires européennes Mevlut Cavusoglu a poursuivi ses consultations sur ce texte avec le commissaire européen à l'Elargissement Stefan Füle, qui a répété qu'il devait être "en accord avec les normes européennes".

La crise politique qui secoue la Turquie commence à peser sur les marchés financiers et menace les objectifs de croissance du gouvernement pour 2014.

Au lendemain de la décision de la Banque centrale de ne pas relever ses taux d'intérêt, la livre turque (LT) a encore reculé, s'échangeant à 2,2602 LT pour un dollar et à 3,0652 LT pour un euro, nouveau plus bas historique face à la monnaie européenne.

AFP

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