Algerian Music Awards et l’impéritie de son jury

Pour sa première édition, on a eu droit à des prestations soporifiques.
Pour sa première édition, on a eu droit à des prestations soporifiques.

Apparemment, l’Algérie a décidé de chanter au diapason de ses voix ingénues (ça change un peu de celles graves du parlement) mais hélas avec beaucoup de fausses notes. La première édition des Algerian Music Awards (Ama) a été organisée jeudi soir à la salle Ibn Khaldoun.

On a eu l’honneur d’y accueillir la grande figure Safi Boutella, et le bonheur de le voir enfin affranchi du moule étroit et symétrique d’«elhan wa chebeb» et ses icônes figées. C’est toujours un plaisir de rencontrer le concepteur de Sofia Boutella, la fille bien trempée, native de BEO (echouhada), on ne le dira jamais assez qui a bien fait de rétorquer non au stigmate indélébile de la beurette imposée par les Français, puisque s’étant envolée sous des cieux moins réducteurs, elle devint l’égérie de Nike, la danseuse de Madonna la diva, qu’elle a quittée, oui oui, pour se consacrer au cinéma. Là aussi et jusque-là, un parcours impeccable, elle incarne la sublime danseuse de salsa dans StreetDanse2 (2012) puis Gazelle dans «The Secret Service» aux côtés de Samuel Lee Jackson (2015). Bref, nous nous sommes assez élevés, quittons cette virtuose bien récompensée et dégringolons vers nos modestes talents éconduits dans l’opacité de ce jeudi-là.

D’abord, les présentateurs de la soirée. Toujours le sempiternel duo, avec un mâle plus ou moins désinvolte, une femelle très crispée, peinturlurée d’éclatants empêtrements, affublée d’énormes bourdes, juchée sur une montagne de convenances, à tel point que le moindre geste devient toute une entreprise et la mince tentative de sourire se transforme en rictus. Le couple parfait quoi, où le XX doit porter une bonne partie des disgrâces sans que ça nuise à personne, on en fait même la promotion et ô comble, on en conçoit différents packagings. Bref. Le même serment sur l’honneur frappe nos animateurs, aucune familiarité ne doit transsuder (comment donc ?) sinon la balle part. Maintenir une raideur que jalouserait même un I bien dressé dans son alphabet et si une détente s’impose, se répandre en gaucheries pitoyables. Sans oublier l’accent traînard dû à une langue qui nous maîtrise à coups de formules faites et surfaites et que nous n’arrivons point à maîtriser d’où d’inéluctables dérapages verbaux. 

A l’heure où d’autres recherchent le naturel qui flirterait sans vergogne avec le trash, ici, toute spontanéité est bannie à tel point que l’entrée intempestive et salvatrice de Irban Irban, bien que programmée a totalement désarçonné nos deux bâtons, trop habitués aux facticités de leurs initiateurs. Voilà à quoi on est induits, tellement on se morfond, à exulter pour un humoriste qui caricature une Algérie qui rit rit rit et ne s’améliore point ! Mais phallocratie pour phallocratie, dans tous les cas sur compensatrice d’une déficience quelque part, on choisit celle du rire, au moins, elle nous décompresse. 

Retournons à la soirée laquelle, outre l’hiératisme de ses deux protagonistes, suintait l’improvisation, exultait au creux de son amateurisme et non contente de toutes ces offenses au public, a porté celle de trop dans un stoïcisme impérial. Sommes-nous devenus masochistes ? Que la guest star, Rachid Taha (oui oui, il paraît qu’en plus des ressources souterraines, nous sommes spécialistes en récupération de toutes les stars déchues de la planète) monte sur scène pour remettre un des prix dans un état d’ébriété total à tel point qu’ouvrir l’enveloppe en question devenait toute une expédition passe encore, nous lui pardonnons même, pauvres magnanimes que nous sommes ! Mais oser cingler tous les Algériens avec des propos si mortifiants : «Les Algériens mangent bien maintenant, il y a des bananes » devrait susciter un tollé général ! Sommes-nous devenus les chalands naturels de l’avanie ? Pourquoi l’auguste mamelle qu’est l’Algérie, allaite, allaite et ne se dessèche point, mais dès qu’on l’abreuve d’injures, même un petit rot ne s’entend pas ! J’hallucine ! Sommes-nous tellement rongés de travers que la défense de notre dignité s’en trouve autant compromise ?

Bref, on s’égare là, à l’image de la première édition des AMA. 

Cinq catégories ont été récompensées. Le groupe Babylone s’est distingué deux fois pour la meilleure chanson «Zina» et le meilleur groupe. Dalia Chih a obtenu le Prix de «la Révélation de l’année» et Kader japonais celui du «Meilleur artiste». Le clip "Ayem" de la regrettée Warda El Djazaïria, réalisé par Mounis Khammar a également été primé. Les heureux élus ont été choisis à 50, 50 par suffrages via messagerie et facebook, et un jury de professionnels présidé par le chanteur Hamidou. 

Nous ne pouvons certes pas contester les votes du public, quoique… (On sait que l’on vit dans une contrée où Vote ne peut rimer qu’avec Trafic), Mais la participation du jury sensé être recruté parmi un parterre de professionnels me parait plus que discutable.

Durant cette soirée, nous n’avons regrettablement entendu que des artistes d’Alger, pourquoi ? Nous avons goûté à presque tout, du rap, du funk rock, de la World Music quoi mais pas de musique algérienne, pour quelle raison ? Encore que je préfère cet art-là à celui d’une Zakia Mohamed à l’identité complètement brouillée. Certains artistes nous ont assommés avec l’infinitude de leurs interprétations (à l’image de la soporifique Amel Zen) alors que d’autres, pourtant sélectionnés, n’ont pas eu la chance de s’éprouver face au public ! En quel honneur ? Programmer en guise de divertissement une chanson de chacun n’aurait pas été plus équitable ? En tout cas, ça nous aurait permis de découvrir la délicieuse «Chitana» de Abdi el Bandi, mais le banditisme artistique était aux aguets et c’est dommage ! 

Ceci globalement, quant aux détails :

- Pourquoi Dalia Chih qui ne fait que des reprises occidentales (Rnb et Pop-rock) obtiendrait le prix de la meilleure révélation algérienne de l’année ? Sommes-nous si claudicants ? Les autres candidats en lice, Abdi à titre d’exemple, n’étaient-ils pas plus méritants, plus représentatifs ? 

- Pourquoi avoir distingué Babylone deux fois ? Meilleure chanson pour «Zina», j’obtempère, mais sans conviction aucune, la chanson en question étant à mon goût, juste une psalmodie de la même mélodie. Mais meilleur groupe ! Tarbaât, El Dey et Freeklane, étaient bien plus performants et à tous points de vue, composition, interprétation, maîtrise des instruments !

Ils n’étaient peut-être juste pas assez ankylosés.

- Pourquoi avoir mis en lice le clip de feu Warda ? Ça ne laissait aucune chance aux autres ! N’était-il pas plus judicieux d’attribuer un prix d’honneur du jury à celui-ci et mettre les autres en concurrence ?

- Pour finir, mon coup de gueule de la soirée, Kader japonais, meilleur artiste algérien ???!!! Il y a chienlit là. On patauge en plein marécages ! Ses fans ont certes voté et on ne peut leur en vouloir de n’arriver qu’à éructer vu l’oppression exercée par ce qu’ils absorbent, mais enfin, et la part du jury ? Hamidou aurait cautionné ça ?! 

De telles mises à l’épreuve sont censées polir les goûts et non les noyer dans leurs âpretés !

Voilà notre problème, personne n’est fidèle au rôle qui lui est déjoué ! Toutefois, l’AMA demeure un pas en avant, hélas, avec des mentalités et des goûts en nette régression. 

Houria Magha

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Commentaires (6) | Réagir ?

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ahmed djaber

Le pauvre Belfodhil a été ridiculise lors de la céremonie du ballon d'or. La presentatrice qui n'avait rien a voir avec le football, l'a appelé pour recevoir un prix alors que celui-ci était destiné a Taider. La hchouma, il s'est levé puis 'est rassis.

La meme présentatrice a présenté Belkalem en tant que joueur de la JSK, alors qu'il joue a Watford depuis Septembre,

Elle a aussi appele quelqu'un pour présenter un prix, alors que la personne n'était meme pas dans la salle.

.......

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Bob Nider

Quand on se dis journaliste, avant de critiquer et d'insulter un artiste on s'informe.

Rachid taha est handicapé de la main droite depuis plus de 20 ans.

Vous êtes pathétique.

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ahmed djaber

Rachid Taha était tellement bourré qu'il est tombé sur la seine de Wolf Trap en Virginie quand il s'est presenté avec le theatre national de Barbes..

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Notproud

Rachid Taha est un alcoolique invétéré, ça aussi tout le monde le sait !

D’ailleurs plus personne ne veut de lui Fi França, trop alcoolisé le Rachid

Bravo Houria des critiques très constructives, je n’aurais pas fait mieux.

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