Le charme des évidences

Bouteflika entouré d'officiers supérieurs.
Bouteflika entouré d'officiers supérieurs.

C’est une des grandes lapalissades de cette époque sans génie que de rappeler les méfaits de l’évidence sur nos tendres esprits.

Par Mohamed Benchicou

L’évidence, c’est-à-dire ce qui est immédiatement perçu par le sens, ou mieux, par le bon sens, n’appartient pas forcément à la vérité, encore moins à notre vérité, mais à celle d’autres cieux. Sous ses dehors chatoyants et indiscutables, elle peut même constituer l’absolu contraire de la vérité. Ainsi, un président de la République malade et sans doute partiellement handicapé pour toujours, peut bien apparaître, à la lumière de l’évidence, comme définitivement perdu pour la politique, il n’en reste pas moins candidat à sa propre succession. Bouteflika, à l’opposé de ce qui s’est abondamment écrit et dit ces derniers jours, sera – sauf grosse surprise - le prochain chef d’État parce que, sous le filtre de nos réalités, celles-là que nous avons tendance à oublier, voire à mépriser, nos réalités historiques, sociologiques, il demeure un parfait candidat à sa propre succession.

Nos amis éditorialistes et autres analystes qui se sont placés, fort naturellement et fort candidement, suis-je tenté de dire, sur le terrain de l’évidence, avaient des raisons de le faire. Parce qu’enfin, c’est vrai, comment gouverner avec une maladie aussi lourde, avec ce handicap physique si flagrant que même les virtuoses de la télévision unique, pourtant habitués à trafiquer les images, n’avaient pas réussi à masquer ?

Mais c’est que tout part d’une méprise primordiale : nous ne sommes pas en république mais en autocratie archaïque fardée en république ; il ne s’agit pas encore, chez nous, de gouverner, mais seulement d’exercer le pouvoir. Le poste de chef d’État, chez nous, depuis 1999, est devenu, chaque année un peu plus, d’essence monarchique, autrement dit délié de l’obligation de gouvernance. La "République" est sous la coupe d’un roi ! Et un roi, on le sait bien, n’a aucune obligation de gouverner, n’ayant de comptes à rendre à personne, encore moins aux électeurs, puisqu’il n’est élu par personne et que sa reconduction n’est pas assise sur son bilan mais sur un rapport de forces politiques.

Le clan de Bouteflika s’occupe à améliorer ce rapport de forces en sa faveur (élimination du DRS de la scène politique etc.) et non pas à élever le niveau de gouvernance comme le commande l’époque et les urgences. Du reste, on le voit bien, l’Algérie est le seul pays qui se passe de Conseils des ministres et d’activités présidentielles sans choquer personne. Pire : il se trouve même des personnalités de premier plan pour estimer que «l’absence du président n’a aucun effet sur les affaires», ce qui est en partie vrai, si on prend le terme «affaires» dans son acception première.

Tout ça pour dire que cette élection présidentielle qui s’annonce n’est pas la nôtre. Ce n’est qu’un rituel démocratique, un simulacre organisé par un régime qui a bien compris que, dans un monde où la démocratie et les élections étaient devenues la seule source de légitimité reconnue, il faut organiser des élections. C’est ce que l’on fait, à satiété, depuis 1962, sans que l’on débouche sur une quelconque alternance. Les élections n’ont fait que légitimer le pouvoir en place. L’important, semble nous dire Bouteflika, est que les médias en parlent. C’est ce que nous faisons à longueur de temps contribuant ainsi à fournir une représentation médiatique d’une réalité inexistante.

Nous y reviendrons.

M. B.

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Commentaires (5) | Réagir ?

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khelaf hellal

Les prochaines élections présidentielles seront encore une fois une farce électorale de gros calibre ou même la participation des candidats -liévres se monayera en piéces sonnantes et trébuchantes pour attirer le plus grand nombre de concurrents-alibi et faire-valoir. Des candidats -liévres pourtant échaudés qui seront motivés par l'appat du lucre et qui contribueront vassalemement à la réussite du prochain simulacre électoral. Il y en a déjà quinze sur les starting-blocs, qui dit mieux ? Toute la comédie se montera aux frais de la princesse, l'essentiel est de faire croire à une élection propre et démocratique avec observateurs internationaux à l'appui , pour que rien ne soit laissé au hasard dans ce jeu malsain et cynique que l'on veut nous présenter comme des élections honnêtes et démocratiques. pour eux et celle qui ont étudié l'histoire de notre pays, l'administration Naegelen de la triste époque coloniale usait des mêmes vils procédés et pratiquait les mêmes méthodes pour berner les électeurs indigènes et leur faire croire à des éléctions transparentes et démocratiques.

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uchan lakhla

Mr Benchiccou, votre plume est sublime à tous les égards, toutefois, par moment, votre positionnement rend contradictoire voire ambigu vos engagements et vos idées, d'un côté vous dites élimination du DRS de la scène politique, sous-entend que Bouteflika à éliminer le DRS, de l'autre côté vous dites : une pseudo ou simulacre d’élection, en l'espace de deux paragraphes, vous oubliez que le simulacre d'élection, ou si voulez carnaval fe dechra comme l'a nommé un certain cinéaste algérien, est le fait en premier lieu du DRS, l'architecte de la duperie et de la triche c'est le DRS, l'artisan de la farce algérienne c'est le DRS et son ancêtre SM avec son gourou le sinistre Merbah, responsable de plusieurs assassinats d'homme de premier plan, alors Mr Benchiccou, un moment ou un autre il va falloir choisir, la république démocratique issue d’une suffrage universel, dans ce cas-là Bouteflika et ses barbouzes vont dégager, sous-entend le DRS dégagera aussi, dans le cas contraire, si DRS et ses casseroles reste, alors il n’y aura ni démocratie, ni liberté, ni aucune voie de salut pour la patrie, l’Algérie telle qu’elle existe aujourd’hui finira sombrée dans les ténèbres du colonialisme moderne.

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