Aimé Césaire : Le poète de la Négritude enterré parmi les siens

Aimé Césaire : Le poète  de la Négritude enterré parmi les siens

AIMÉ Césaire vient d’achever sa riche traversée d’une longue vie tout entière dédiée à la poésie et à la promotion de la conscience noire, la Négritude, concept culturel, humaniste et politique, exposée à l’âge de 25 ans, dans son “Cahier d’un retour au pays natal”. Le poète de la Négritude, dramaturge et homme politique martiniquais est mort, jeudi 17 avril, à l'hôpital de Fort-de-France où il était hospitalisé depuis le 9 avril pour des problèmes cardiaques. Il avait 94 ans. Il a été enterré aujourd'hui dans son île natale.

Né le 26 juin 1913 au sein d'une famille nombreuse de Basse-Pointe, une commune du Nord-Est de la Martinique, bordée par l'océan Atlantique dont la «lèche hystérique» viendra plus tard rythmer ses poèmes, au pied de la Montagne Pelée dont les rares fureurs sont redoutables, « Papa Aimé » comme l’appelaient les Martiniquais tenait de son volcan une écriture poétique qu’il s’amusait à qualifier de péléenne. Mais, à la différence de son volcan, jamais au cours de sa longue vie, le poète ne s’est endormi. Sans cesse, il bousculera les désordres établis et les remettra fondamentalement en cause. Avec succès le plus souvent, sa rébellion ébranlera tous les conformismes.
Étudiant dans une France majoritairement acquise à l’idée des bienfaits de la colonisation et de la supériorité raciale du Blanc, il promeut le concept de « Négritude » englobant ainsi en un seul mot toutes les luttes des opprimés d’Afrique et d’Amérique.

Elève brillant du Lycée Schœlcher de Fort-de-France, Aimé Césaire poursuit ses études secondaires en tant que boursier du gouvernement français au Lycée Louis Le Grand, à Paris. C'est dans les couloirs de ce grand lycée parisien qu’il rencontre, dès son arrivée, Léopold Sédar Senghor, son aîné de quelques années, qui le prend sous son aile protectrice.

Près de ce Panthéon où la patrie reconnaissante honore ses grands hommes, les étudiants d’origine caribéenne découvrent au contact les uns des autres mais aussi de jeunes Africains une part de leur identité longtemps refoulée, la composante africaine dont ils prennent progressivement conscience au fur et à mesure qu'émerge une conscience forte de la situation coloniale.

Insulté un jour de 1934 dans la rue par un passant qui l’interpelle de manière condescendante : « Eh, petit nègre ! », Césaire décide de fonder, en septembre 1934, avec le Guyanais Léon Gontran Damas, le Guadeloupéen Guy Tirolien et les Sénégalais Senghor et Diop, un journal, L’Étudiant noir, laboratoire des engagements à venir, où apparaît pour la première fois le terme de «Négritude», un terme repris en flambeau pour faire face la tête haute. Le concept, forgé par Aimé Césaire en réaction à l'oppression culturelle du système colonial français, vise à rejeter d'une part le projet français d'assimilation culturelle et d'autre part la dévalorisation de l'Afrique et de sa culture, des références que le jeune auteur et ses camarades mettent à l'honneur. Construit contre le projet colonial français, le projet de la négritude est plus culturel que politique. Il s'agit, au delà d'une vision partisane et raciale du monde, d'un humanisme actif et concret, à destination des tous les opprimés de la planète. Cette parole, Aimé Césaire la porta haut et fort sur de multiples routes, politiques ou poétiques, la définissant comme « un cri nègre » voué à ébranler « les assises du monde ».

Quinze ans avant son célèbre Discours sur le colonialisme, il entend défendre la spécificité culturelle africaine dans sa multiplicité, et lutter contre l’assimilation culturelle véhiculée par l’idéologie colonialiste. Un combat moins politique et racial qu’humaniste. « Je suis de la race de ceux qu’on opprime », dira t il, ouvrant la voie à la décolonisation, mais aussi contribuant à « désaliéner » des peuples nourris d’une culture livresque exclusivement française.

Une conquête possible dont l’esprit empreint son premier recueil de poésie, Cahier d’un retour au pays natal, publié en 1939, où se rejoignent la négritude, les Antilles et l’Afrique, son histoire et la fraternité des communautés noires du monde entier.

Une poésie née de son action. Revenu à Fort-de-France avec sa femme Suzanne en 1939, il fonde, avec René Ménil, Georges Gratiant et Aristide Maugée, la revue Tropiques, puis, en 1947, avec Alioune Diop, la revue Présence africaine, qui seront deux formidables outils éditoriaux pour leurs revendications et la diffusion des littératures noires.Cette revue deviendra ensuite une maison d'édition qui publiera plus tard, entre autres, les travaux de l'égyptologue Cheikh Anta Diop, et les romans et nouvelles de Joseph Zobel.
Soutenu par André Breton, qui le surnomme « le nègre fondamental », rencontré pendant la guerre en Martinique et bientôt préfacier du Cahier et des Armes miraculeuses, Aimé Césaire est très influencé par le surréalisme, où il puise, autant que dans sa colère anticolonialiste, une langue rebelle. Car Aimé est avant tout un poète.

Si tout est poésie chez Césaire, tout est aussi par la force des choses politique. Il entre en « carrière » presque par hasard à son retour de France, après un séjour en Haïti, au sortir de la guerre qui avait vu le blocus de la Martinique par les États-Unis, très méfiants à l’égard du régime de Vichy, le régime répressif et raciste instauré par le vichyste Robert et l’éviction des conseils locaux des élus de couleur, remplacés par des descendants de colons békés.

En 1950, c'est dans la revue Présence Africaine que sera publié pour la première fois le Discours sur le colonialisme, charge virulente et analyse implacable de l'idéologie colonialiste européenne, où Césaire compare avec audace au nazisme auquel l'Europe vient d'échapper. Les grands penseurs et hommes politiques français sont convoqués dans ce texte par l'auteur qui met à nue les origines du racisme et du colonialisme européen.

Peu enclin au compromis, révolté par la position du Parti Communiste Français face à l'invasion soviétique de la Hongrie en 1956, Aimé Césaire publie une «Lettre à Maurice Thorez» pour expliquer les raisons de son départ du Parti. En mars 1958, il crée le Parti Progressiste Martiniquais (PPM), qui a pour ambition d’instaurer «un type de communisme martiniquais plus résolu et plus responsable dans la pensée et dans l'action». Le mot d'ordre d'autonomie de la Martinique est situé au cœur du discours du PPM.

Parallèlement à une activité politique continue (il conservera son mandat de député pendant 48 ans, et sera maire de Fort-de-France pendant 56 ans), Aimé Césaire continue son œuvre littéraire et publie plusieurs recueils de poésie, toujours marqués au coin du surréalisme (Soleil Cou Coupé en 1948, Corps perdu en 1950, Ferrements en 1960). À partir de 1956, il s'oriente vers le théâtre. Avec Et les Chiens se taisaient, texte fort, réputé impossible à mettre en scène, il explore les drames de la lutte de décolonisation autour du personnage du Rebelle, esclave qui tue son maître puis tombe victime de la trahison. La Tragédie du Roi Christophe (1963), qui connaît un grand succès dans les capitales européennes, est l'occasion pour lui de revenir à l'expérience haïtienne, en mettant en scène les contradiction et les impasses auxquels sont confrontés les pays décolonisés et leurs dirigeants. Une saison au Congo (1966) met en scène la tragédie de Patrice Lumumba, père de l'indépendance du Congo Belge. Une tempête (1969), inspiré de Shakespeare, explore les catégories de l'identité raciale et les schémas de l'aliénation coloniale.

Jusqu’à la fin, lisant les quotidiens ou les grands textes, Césaire aura conservé cette énergie d’insurrection qui a nourri tous ses actes, tenant verbe haut, riant de bon cœur. En 2005, il avait refusé de recevoir le ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy en réaction contre la loi du 23 février reconnaissant « le rôle positif de la présence française outre-mer ».

En septembre dernier, une citation du poète était ajoutée à la définition du mot « colonisation » dans le Petit Robert, tirée de son Discours sur le colonialisme : « colonisation = chosification ».

Synthèse le Matin

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Commentaires (2) | Réagir ?

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Wardi Omar

Salut.. Eh oui meme agrégé en lettres francaises meme decoré de tous lmes ordres de merite meme Grand invalide de guerre meme chargé de missions difficile meme astronaute dans Arianne memeGrand medecin des hopitaux de Paris meme Grand chercheur des labo. prestigieux meme et meme Vous etes toujors un Nègre ou un Bicot. D'ailleurs pour les colonisés dans l'esprit et/ou les incapables l'on est toujours nègre de quelque chose. En ce moment je me sens (je parle de moi et j'en ai le droit) nègre de ce système et de ceux qui nous gouvernent à la petite différence que je suis sur la terre de mes aieux et j'ai la peau blanche. Negritude quand tu nous tiens...

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Ali

Liberté et égalité s'était utile pour les coloniser, puis la fraternité pour lui éviter le panthéon. Sur ces 3 principes fondateurs de la France, les français se sont toujours montrés solidaires, socialistes, conservateurs, cultivés, savants... Bref le panthéon c'est pour les français "de souche" les autres territoires c'est différents, se sont la "Polynésie française", la "Martinique région d'outre-mer française", etc.

et si un jour l'élite Algérienne acceptent de se regarder sans haine et se concentrent sur l'essentiel, on aura même pas besoin de regarder la France comme modèle; eux qui disait à une dame qui fêtaient le réveillon avec eux : "Mais Noël, c'est pour les Français Madame!"