Khalifa, une petite histoire russe

Abdelmoumène Khalifa
Abdelmoumène Khalifa

Boris Berezovski est, un peu, le Abdelmoumène Khalifa russe. Un peu, c'est-à-dire ce qu'il faut pour établir un parallèle entre deux hommes qui se se sont enrichis spectaculairement et suspectés, tous les deux, de l'avoir été sur le dos de leurs Etats respectifs, recherchés tous les deux par leurs gouvernements respectifs et établis, tous les deux, à Londres.

Comme Abdelmoumène Khalifa, jeune diplômé en pharmacie avant de comprendre l'intérêt qu'il y avait à exploiter les contradictions du système pour faire fortune, Boris Berezovski, lui aussi diplômé de l'université de Moscou, ingénieur en mathématiques, venait de saisir qu'avec Gorbatchev les règles du jeu allaient changer rapidement et qu'il lui fallait faire partie de la poignée d'hommes qui allaient en profiter, parce que les plus rapides. Si l'histoire du milliardaire algérien s'inaugure avec la libéralisation de l'économie, celle de Berezovski s'ouvre également avec la perestroïka. La fortune de Khalifa s'enclenche avec la pharmacie, celle de Berezovski avec les automobiles Lada. Il se procure auprès du gigantesque conglomérat d'Etat AvtoVAZ les véhicules pour une bouchée de pain, en roubles puis les revend en dollars, plaçant ses bénéfices en sûreté dans les îles Cayman, où personne ne lui réclame ni comptes ni impôts. Avec une inflation qui dépasse 1 000 %, il est rapidement à la tête de pluzieurs dizaines de millions de dollars.

Comme Khalifa, Berezovski réinvestit ses dollars et construit un petit empire. Et si Khalifa est passé à une autre dimension avec la venue de Bouteflika au pouvoir, Berezovski prend son véritable envol avec l'arrivée de Boris Eltsine. C'est alors qu'il découvre le véritable pouvoir de l'argent. Et si Khalifa s'était rapproché de la famille Bouteflika pour s'y appuyer (l'avocat du milliardaire n'était autre que le frère du président), Berezovski en avait fait de même avec Tatiana, la fille cadette - et préférée - de Boris Eltsine. Khalifa et Berezovski prennent pied tous les deux dans l'aérien, le premier créant sa propre compagnie d'aviation, Khalifa Airways, le second s'installant carrément au cœur de la compagnie nationale russe Aeroflot. Les deux hommes investissent ensuite dans la télévision, Berezovski étendant ses tentacules en s'appropriant plusieurs journaux et plusieurs chaînes de télévision. Si Khalifa a financé le lobbying américain de Bouteflika, payé des opérations de promotion de l'image du président algérien, offert des appartements luxueux à Paris et en Espagne aux frères de Bouteflika et à ses proches (dont le chef du protocole de la présidence algérienne), réglé la note de stars internationaux venus serrer la main du chef de l'Etat, d'Adel Imam (à la demande de l'actuelle ministre de la Culture, Khalida Toumi) à Catherine Deneuve et Gérard Depardieu, Boris Berezovski fait infiniment plus pour Boris Eltsine. Il se permet, en association avec quelques autres banquiers favoris du Kremlin à la carrière aussi fulgurante que la sienne (dont Mikhaïl Khodorkovski, emprisonné depuis 2003 et qui vient d'être gracié il y a quelques heures par le président Poutine) de venir au secours de l'Etat russe en faillite et qui ne pouvait plus payer ses fonctionnaires. Ils mettent alors à la disposition de l'Etat russe plus de 9 milliards de francs. Un prêt certes sans intérêts mais gagé sur les plus grandes entreprises encore contrôlées par l'Etat. En contrepartie de cette générosité, Berezovski et ses six "amis" obtiennent ainsi une hypothèque en or qui va rendre les hommes les plus riches du pays encore plus riches. Boris Berezovski, qui désormais aime qu'on l'appelle de son surnom "Bab", entreprend ensuite ce qu'Abdelmoumène Khalifa n'a pas eu l'opportunité de réaliser : sauver politiquement le régime ! En 1996, face au Parti communiste qui est à deux doigts de faire tomber Eltsine, "Bab" prend peur et met toute sa puissance - ses journaux, sa chaîne de télévision et surtout ses dollars - au service de la "miraculeuse" réélection d'Eltsine... Berezovski devient alors ce que Khalifa n'a pas eu le temps de devenir : l'homme fort du pays ! Eltsine le propulse secrétaire adjoint du Conseil de sécurité et lui confie le dossier du conflit tchétchène. Comme Abdelmoumène Khalifa qui élit domicile dans une luxueuse demeure de la Côte d'Azur, Boris Berezovski s'installe dans la région, dans un très luxueux château de la Garoupe, au cap d'Antibes, acheté 55 millions de francs à la famille Bouygues.

Mais comme Abdelmoumène Khalifa, Boris Berezovski sera déchu par ceux-là même qu'il aura "aidés". Phénomène somme toute naturel dans le monde pervers de la politique. Il est établi que c'est Berezovski qui a fait nommer Poutine Premier ministre d'un Eltsine qui n'est plus apte à diriger le pays. Bien entendu, il était attendu du nouveau maître du Kremlin de préserver et d'accroître la puissance financière de Berezovski (sa fortune était alors de près de 8 milliards de dollars, selon le magazine Forbes).

Mais moins de deux mois après son élection, Poutine s'en prend à ceux qui l'ont fait roi. Outre Berezovski, les banquiers d'Eltsine sont passés à la trappe les uns après les autres (Vladimir Vinogradov est mort en 2008, Mikhaïl Khodorkovski (Ioukos) jeté en prison en 2003, Vladimir Goussinski réfugié en Espagne, Alexandre Smolenski définitivement retiré des affaires en 2003. Seuls Mikhaïl Fridman (6e fortune de Russie) et Vladimir Potanine (4e fortune du pays) ont conservé leur influence, mais au prix d'une totale allégeance à Poutine.

Ainsi qu'à procédé le régime algérien avec Abdelmoumène Khalifa, soudainement poursuivi pour "escroquerie aux dépens de l'Etat", Vladimir Poutine, pour se débarrasser de Berezovski, qui connaît tant de secrets et à qui il ne veut rien devoir, réactive une ancienne enquête judiciaire de détournements de fonds. Comme Abdelmoumène Khalifa condamné le 22 mars 2007, à la réclusion à perpétuité pour «association de malfaiteurs», «vol qualifié», «détournement de fonds» et «faux et usage de faux», Boris Berezovski se voit chargé de délits très lourds. Comme Abdelmoumène Khalifa, le magnat russe choisit l'exil à Londres pour s'y réfugier et y mener sa contre-offensive. Khalifa fera ce que Berezovski avait fait quelques années avant lui : l'oligarque russe convoque les journalistes et affirme détenir des preuves sur les circonstances du déclenchement de la deuxième guerre en Tchétchénie, en septembre 1999 ; le milliardaire algérien, lui, abreuve la presse internationale de révélations sur le président Bouteflika et dépose une plainte contre le gouvernement algérien pour banqueroute organisée.

Abdelmoumène Khalifa et Boris Berezovski font, de fait, l'objet de poursuites identiques, l'un de la part du parquet algérien, l'autre du parquet russe . L'extradition des deux hommes est demandée expressément. Comme pour Abdelmoumène Khalifa, la justice française s'en mêle et une information judiciaire est ouverte à Marseille à l'encontre de Boris Berezovski pour "blanchiment aggravé", l'oligarques russes étant accusé de détournements de fonds d'Aeroflot qui auraient servi à acquérir le château de la Garoupe.

La similitude entre les deux hommes s'arrête la. Moscou a réclamé à plusieurs reprises l'extradition de Berezovski, mais Londres a toujours rejeté ces demandes et lui a accordé en 2003 l'asile politique. Alger, elle, va obtenir l'extradition de Khalifa de la part de ces mêmes autorités britanniques. Le Parquet russe avait pourtant ajouté de sérieuses accusations contre Boris Berezovski, suspecté d'être derrière plusieurs meurtres, dont celui en 2006 du transfuge du FSB (issu de l'ex-KGB) Alexandre Litvinenko à Londres.

Boris Berezovski a vécu libre et protégé, dans la capitale anglaise, jusqu'à sa mort en mars dernier à Londres dans des circonstances "inexpliquées". Abdelmoumène Khalifa, lui, va rejoindre une prison algérienne avant la fin de cette année.

À Londres de Sa Majesté, toutes les crapuleries ne se valent pas. Allez savoir si certaines ne sont pas plus plus sujettes au climat politique, aux affaires, à toutes ces choses mystérieuses qu'on appelle la diplomatie secrète, peut-être même à des pactes auxquels on ne pense pas, des gisements de gaz non conventionnel par exemple, ces schistes dont l'Algérie détient la seconde plus grande réserve mondiale après les États-Unis et dont elle vient de confier l'exploitation à une firme… Britannique du nom de British Petroleum. Allez savoir… Ça peut faire tourner les têtes et les langues, ces choses-là. Des esprits mal disposés pourraient dire qu'il y a une justice royale d'avant les affaires et une justice d'après les affaires. Il y a quelques années, le représentant de Sa Majesté à Alger, l'ambassadeur du Royaume-Uni Hendrew Henderson, s'exprimant au nom d'une nation démocratique, se dressait publiquement contre la reconduction du président Bouteflika pour un troisième mandat. «Bouteflika ne doit pas renforcer sa personne en tant que président, mais plutôt l’institution présidentielle pour qu’elle soit plus représentative du peuple et non pas de sa personne», déclarait-il à la presse, ajoutant, tout aussi crûment : "Une bonne partie de la société a perdu espoir. Avant de prendre mes fonctions, l’été dernier, j’ai été briefé par le Foreign Office où l’on m’a dit que les deux choses qui préoccupent les Algériens sont la maladie de leur président et l’insécurité. Mais sur place, je me suis rendu compte que les gens sont plutôt confrontés aux problèmes de santé, d’éducation, de chômage et du prix du lait et de la pomme de terre." Aujourd'hui, la présidente du Conseil des affaires britanniques, Mme Olga Miteland, affirme exactement le contraire, se félicitant que dans l'Algérie de Bouteflika la croissance, le calme et la sécurité soit revenus et qu'il n'y a plus aucun obstacle pour que s'établisse entre le régime algérien et le gouvernement britannique un "partenariat stratégique" de grande ampleur. Comme le dit Lord Rysby, représentant spécial du gouvernement britannique pour l'Algérie : "Alger notre surprenante nouvelle amie" !

Coupable ou innocent des accusations qu'on lui prête, Abdelmoumène Khalifa serait toujours à la tête de sa fortune s'il avait tenu ce même discours à la gloire du président Bouteflika, avec domicile à Londres où, comme l'ancien allié de Berezovski, le milliardaire russe Roman Abramovitch, resté en bons termes avec Vladimir Poutine, il serait propriétaire du club de football de Chelsea et de quelques autres symboles prestigieux de la couronne.

Mais ça, comme dirait ma grand-mère, ça s'apprend avec l'âge.

Mohamed Benchicou

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Commentaires (11) | Réagir ?

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R A M E S S E S II

Une vidéo que je viens de visionner sur le site de Jijel Echo, l'affaire de Mr ADILA Houes:

il a déclaré que l'Algérie avait perdu 47 millions d'euros et 1000 Milliards de Dinars équivalent de 1000/80 =12, 5 Milliards de $) dans l'affaire ENOR.

en plus des 8000 milliards de $ (100 milliards de $) d'impôts non recouvrés, je pense que l'affaire de Khalifa devant celle de Chakib and Co, Khalifa est un enfant de cœur, plus les 3000 milliards de saidani, je pense que l'Algérie est au bord de la faillite.

Je pense que Sellal est en train de blanchir tous les milliards pour que demain, la justice n'aura pas de preuve de culpabilité sur tous les ministres, les responsables, et tous les charognards; le peuple Algérien doit se souler contre cette imposture Algérienne!

Voici le lien de la vidéo.

http://www. jijel-echo. com/Corruption-temoignage-d-un-cadre. html

RMII

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Massinissa Umerri

Ca sent la reconcialiation a l'internationale !

1. Est-il remis EN PERSONNE ou SUR PAPIER ?

2. D'apres tout ce que j'ai lu depuis une decennie maintenant, il semble etre l' OUTIL DE L'ARNAQUE plutot que l'AUTEUR. La question qui se pose est alors est: IL EST LE BOSS, QUI EST SON PARRAIN ?

3. Il n'y aura pas de proces, donc PAS D'AVOEUX, puis qu'il a ete condamne' a PERPETUITE', c. a. d. que le DOSSIER EST FERME' pour toujours.

4. L'absence de video ou de proces, me dit qu'il est la pour une visite familliale, avant de devoir ASSUMER UNE AUTRE IDENTITE' et disparaitre dans la nature. Ca s'appele WITNESS PROTECTION - l'echanger d'information, de temoignage sur papier et la production de preuves, contre une immunite'.

Le witness protection (protection de temoins) se pratique beaucoup dans le monde Anglo-saxon, dit-on dans le but de servir la justice. Le temoignage d'acteurs mineurs permet de remonter a la tete de l'operation.

Ce temoignage se fait contre une amnesty et immunite'. C'est un contrat entre les autorite's qui prosecutent/accusent (procureur) et l'avocat de l'accuse', qui a besoin d'etre autorise' par le Juge d'instruction.

Dans ce cas, il s'agit de plusieurs juges. Si tous les jugent l'acceptent, alors l'operation est guarantie par tous ces juges. Dans ce cas, il s'agit de juges de plusieurs pays, et l'accord est protege' par les traite's entre ces pays. Dans le cas Algerien, l'autorite' qui serait en charge serait le MINISTRE DE LA JUSTICE, car la justice n'est pas independente du gouvernement.

En vu du timing de cette operation qui survient au lendemain de l'acces d'un fidele de bouteflika au minitere de la justice. La question serait lui qui aurait reussit a etouffer l'affaire Kellil ?

La question qui s'impose par consequent est: Quel rapport y a-t-il entre ses fonctions et les operations autant de Khelifa et de Khellil?

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