Le gaz de schiste : inopportun certes, mais pas un faux débat (2e partie)

Le gouvernement se doit de réfléchir par deux fois avant de se lancer dans l'exploration du gaz de schiste
Le gouvernement se doit de réfléchir par deux fois avant de se lancer dans l'exploration du gaz de schiste

Sur le plan purement technique et expliqué au travers des raccourcis, le gaz de schiste dans sa composition ne diffère pas de celui conventionnel. Ce dernier formé avec des mécanismes tectoniques dans une roche dite «mère» migre à travers des fissures dans une autre roche appelée "réservoir" qui est poreuse, perméable au dessus de laquelle existe une couverture qui empêche le gaz de s’échapper à la surface.

2- La loi sur le chapitre ressources non conventionnelles était inutile

Pour le ramener justement en surface, on fore verticalement et par un jeu de pression, le gaz remonte au jour. Le gaz de schiste quant à lui pour le ramener en surface,il va falloir aller jusqu’à la poche de sa mère. Il se trouve que cette roche est très compacte et ne le donne pas facilement. Il faut donc la pénétrer en profondeur (11) et la fracturer à haute pression en injectant du sable pour maintenir les fissures ouvertes et permettre au gaz de s’échapper. Donc si on pouvait exploiter cette ressource par des forages verticaux en utilisant des fractures qu’on a l’habitude de faire, on aurait pas besoin d’une réglementation particulière. La question qui se pose aujourd’hui est est-ce que par cette nouvelle loi amendée, l’Algérie autorise ou pas la technique de la fracturation hydraulique, très controversée dans le monde entier non seulement pour ses conséquences écologiques mais aussi par la lourdeur des moyens matériels qu’elle nécessite. La France par exemple ne conteste pas la ressource elle-même mais elle pris la décision d’interdire la technique de la fracturation hydraulique tout en investissant plus de 100 millions d’euros dans la recherche d’un autre procédé moins contraignant pour exploiter et développer ses gisements en gaz de schiste.(12) La loi algérienne permet donc la prospection,la recherche,l’exploitation des "ressources non conventionnelles"» mais une fois découverte,le contractant devra soumettre un dossier d’exploitation et de développement au conseil des ministres. La loi est en vigueur, supposons qu’un investisseur débute ses recherches en 2014,il pourrait présenter son dossier complet accompagné d’un profil de production au conseil des ministres au plus tard en 2017, alors que va-t-il lui dire ? Ne pas utiliser la fracturation ! C’est la seule voie disponible. D’où va-t-on lui mettre à sa disposition plus de 100 m3/jour d’eau douce continuellement pendant au moins une année sinon de puiser sur la nappe de l’Albien etc. Donc la loi reste ambiguë sur plusieurs points parce que par ce chapitre, on l’a dévié de son objectif primordial. En effet, elle devait être amendée pour attirer les investisseurs Le motif étant le désintérêt des compagnies pétrolières et le manque flagrant d’une bousculade, réalité confirmée par deux appels d’offre lancés par l’agence algérienne Alnaft pour un total d’une vingtaine de blocs à explorer dans le domaine minier. Si on se réfère aux chiffres donnés par le ministère de l’énergie et des mines dans le bilan, édition 2010, ce domaine s’étendrait sur prés de 1.536.442 km2 dont 774.688 Km2 seulement sont occupés. 25% du domaine total est en prospection, 23% en recherche et 3% en exploitation. 761.754 Km2 restent vierges. La performance d’exploration s’écarte de quelques dizaines de points par rapport à ce qu’il se pratique dans le monde. 13 puits forés aux 10.000Km2 contre une moyenne mondiale de 105 pour une même superficie. Parmi les fondamentaux de l’industrie pétrolière et gazière, il y a l’importance des capitaux et le risque de les investir. Le risque géologique étant favorable à Algérie et les entreprises pétrolières notamment françaises et, partant américaines connaissent bien, même mieux que les Algériens le terrain. Ceci explique le taux appréciable de réussite en exploration, environ 2,5/5 contre un ratio moyen mondial de 1/5.Par contre,ces compagnies sont à cheval sur le risque « pays »,lié aux relations internationales,souveraineté,stabilité politique et surtout fiscale. Il est clair que l’article 101 bis inséré au sein de loi n°05-07 du 28 avril 2005,instaurant une taxe non déductible sur les profits exceptionnels n’a pas été du goût des associés mais n’explique qu’en partie leur boycott actuel de l’application des nouvelles dispositions. Il y va de la crédibilité de l’Algérie d’assurer une cohérence de ces textes pour la clarté qui instaure une relation de confiance avec ses partenaires. Ils peuvent avoir un choix et dans des conditions meilleures. C’est certainement ce déficit de cohérence qui a été à l’origine de la défection de nombreux investisseurs pour au moins deux raisons :

- Où trouver cet "agneau" d’investisseur qui viendrait en Algérie risquer ces capitaux et quand il découvre du pétrole et valide commercialement sa découverte, céderait la majeur partie de sa concession à Sonatrach Spa aux conditions validées par une agence de l’Etat Alnaft (article 48 de l’ordonnance 06-10 du 29 juillet 2006).Même si ces conditions sont fixées d’avance, elles restent étrangères à la pratique mondiale en la matière ;

- Au début de l’application de ces nouvelles dispositions, un appel d’offre dit de manifestation d’intérêt a été lancé pour apprécier selon les propres termes de son initiateur la capacité des futurs partenaires de transférer de la technologie. Lorsqu’on sait qu’à la moindre ouverture, les cadres de Sonatrach passent de l’autre côté de la barrière pour rejoindre les compagnies étrangères, on peut se demander qui capitalise, qui consolide et qui fertilise le savoir transféré. De nombreux partenaires dans ses conditions n’arrivent pas à circonscrire avec précision la forme de ce transfert. Ensuite les instruments de formation et de recherche qui auraient pu assurer cette tâche, ont été soit marginalisés comme le centre de recherche et de développement de Sonatrach (CRD) ou carrément privatisé comme l’institut algérien du pétrole (IAP), pionnier dans la formation et la recherche dans la chaîne pétrolière et gazière.

3- Une cacophonie autour des impactes écologiques du gaz du schiste

Il y a eu une très forte fixation sur la contamination des nappes aquifères de surfaces et celles du miopliocène, du turonien et de l’albien en négligeant l’aspect quantitatif de l’eau qui semble essentiel dans le cas de l’Algérie. Pourquoi ? Contrairement au gisements français, américains ou polonais qui se situent en pleines agglomérations, ceux de l’Algérie sont isolés dans le sud du pays et la distance entre ces nappes et la couche réservoir dépasse les 15000 m. Donc leur contamination par les produits chimiques utilisés lors de la fracturation hydraulique existe mais de faible probabilité, donc il s’agit d’un terrain sur lequel il ne faudrait pas trop insister. Par contre, la nappe de l’albien dont les réserves en eau douce sont estimées à 40 000 milliards de m3 n’appartient pas uniquement à l’Algérie qui la partage avec la Libye et la tunisie. Elle est considérée comme une ressource stratégique à préserver pour les générations futures. Du fait de la qualité de l’eau et de sa bonne protection naturelle, l’exploitation de cette nappe est très strictement réglementée, avec des prélèvements annuels limités sur toute la région qui interdisent pratiquement tout nouveau captage.

4- Conclusion

Evaluer ses potentialités en gaz de schiste qu’il faudrait valoriser pour les générations futures reste une bonne chose mais se tirer une balle dans le pied pour concurrencer son gaz conventionnel au moment même où les différents Etats américains et occidentaux multiplient les moratoires contre l’utilisation de la technique très controversée de la fracturation hydraulique n’est pas du tout raisonnable et surtout contreproductif. La preuve : depuis le début de ce débat, il y a eu plusieurs découvertes et pas de moindre importance en gaz conventionnel. Cette même région d'In Salah où se pratique un puits test de gaz de schiste n’a pas encore livré tous ses secrets en ressources conventionnelles. Alors pourquoi chercher ailleurs ?

Rabah Reghis, consultant et économiste pétrolier

Renvois

11- Faire des puits horizontaux très chers

12- Voir le rapport de juillet 2012 de l’Agence Nationale de Coordination de la Recherche de l’Energie (ANCRE)

La première partie : Le gaz de schiste : inopportun certes, mais pas un faux débat (1re partie)

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Commentaires (5) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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Bey Mustapha BEBBOUCHE

Les ricains ne seront en rien autonomes dans les hydrocarbures; C'est de la démagogie de l'AIE ! L’occident utilise ce subterfuge pour inciter les prix à la baisse car son économie est dans la récession et il cherche une énergie bon marché. D'ailleurs, il vient de négocier avec l'IRAN, quitte à déranger Israël, dans le but de mettre plus de pétrole sur le marché international pour faire baisser les prix. Mais les prix ne baisseront pas pour la simple raison qu'il existe maintenant une petite guerre froide entre grands et surtout nous allons avoir une certaine reprise de l'économie asiatique. L’Algérie n'a pas à faire la fracturation hydraulique; qu'elle développe d'abord sa recherche dans le pétrole conventionnel; il n'y a que 5% du territoire national qui a été exploré; c'est très peu! De plus, l'Algérie fore dix (10) puits au km2 alors qu'aux Etats-Unis, c'est cent (100) puits qui sont forés au km2. Dans le cas du gaz de schiste, nos dirigeants reçoivent leur ordre de la France; c'est une honte ! La France protège son environnement alors que nos arlequins, par incompétence, cherchent à salir le leur; C'est comme pour le nucléaire français, ils ont sali l'Algérie et pas la France. La France cherche toujours à utiliser l'Algérie comme cobaye; Ce gouvernement d'incompétents doit partir lui et son chef d'orchestre !

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