Tariq Teguia : "Je veux filmer cette Algérie qui bouge"

Tariq Teguia : "Je veux filmer cette Algérie qui bouge"

Tariq Teguia, réalisateur de "Rome plutôt que vous" aime dire qu'il ne sait pas où il habite. Il revendique en revanche de faire des films algériens, en Algérie. "Il y a une volonté de s'organiser en Algérie, un dynamisme dont je ne pense pas qu'il existe ailleurs dans le monde arabe, une volonté de se faire entendre qui peut passer par les émeutes, mais qui a à voir avec le démocratique. C'est cela que je tenterais de filmer".

Après avoir vu Rome plutôt que vous, on se doute que son auteur, Tariq Teguia, ne se situe pas dans le camp des tièdes. L'intuition se confirme après quelques secondes passées avec lui. Casquette vissée sur la tête, bien calé au fond d'un petit canapé, dans les bureaux de l'attachée de presse du film, cet homme au visage glabre, au regard dur, mais franc, sporadiquement animé d'une pointe de malice, manie le verbe avec vitesse et précision. A peine a-t-on le temps de lui exposer l'enjeu de l'entretien qu'il a déjà rebondi sur la proposition, l'a mise en doute, créant ainsi un espace de dialogue tonique, comme il ne cessera de le faire tout au long de l'interview. "Vous voulez cerner qui je suis... Est-ce que c'est moi qui vais pouvoir vous le dire ?". A nous de le comprendre, donc, ou plutôt de tenter de nous approcher, pendant les quarante-cinq minutes que nous passerons ensemble.

Philosophe et plasticien de formation, Tariq Teguia est photographe, enseignant en histoire de l'art à l'Ecole supérieure des beaux-arts d'Alger, et cinéaste, lit-on sur la courte biographie reproduite dans le document qui fait office de dossier de presse. Des champs disciplinaires qui se sont toujours entrecroisés dans la pratique, précise l'intéressé, coupant court à toute question sur le cheminement qui aurait pu conduire de l'une à l'autre. "C'est cette vieille réflexion, sur le passage entre les champs de la photographie et du cinéma, de la fiction et du documentaire... Chacun les accommode à sa manière, trouve son rythme. Mais qu'est-ce que tu veux faire, ce sont les puissances de l'assignation ! Toujours les mêmes questions : qu'est-ce que tu veux faire ? Tu veux enseigner ? Tu veux tourner 24 ou 25 images secondes ? Où est-ce que tu habites ? Quel est ton pays ? C'est une morale d'état civil..."

Entre l'écriture du scénario et la réalisation de Rome plutôt que vous, sept ans se sont écoulés, et pas loin de deux encore entre sa présentation au festival de Venise et sa sortie française. Loin de se plaindre de cette durée, il en questionne plutôt la signification : "Je me demande à quel point j'étais prêt à me battre pour faire le film. Oui, il a été refusé dans des commissions, mais j'avais autre chose à faire. J'ai réalisé un autre film, j'ai continué mes études". Pas question d'entrer dans le registre de la plainte. Rome plutôt que vous a été réalisé grâce à une bourse de 40 000 euros, attribuée par le festival de Berlin, où Tariq Teguia avait antérieurement montré un de ses courts métrages. "Il faut sortir de ces logiques de financement qui vous font attendre un an, un an et demi comme rien. Le désir ne fonctionne pas sur ce tempo-là. Les films, il faut les faire, il ne faut pas en rêver !".

Ecrit très vite, tourné par une équipe technique de cinq ou six personnes, avec des acteurs non professionnels, rencontrés au fil de ses "dérives", le film a été tourné à Alger et dans le quartier périphérique de la Madrague. La poésie documentaire dans laquelle baigne cette fiction est à mettre sur le compte d'une attitude partagée par le cinéaste et son chef opérateur (un photographe en réalité), et que le premier décrit comme une "attention aux alentours, un souci du surgissement".

Des financements complémentaires ont permis de terminer le film, qui a été monté et mixé en France et en Allemagne. Plus que la difficulté à trouver de l'argent, c'est ce système schizophrène imposé aux films du Sud qui le choque : "Il y a deux économies qui se confrontent. Entre le tournage en Algérie et la postproduction en Europe, les écarts de rémunération sont de l'ordre de 1 à 10. Cela pose problème. Un problème politique."

Source : Isabelle Regnier - Le Monde

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Commentaires (6) | Réagir ?

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dekkiche

respect et bonne continuation a quand un film sur Chelf ? respect

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SY

Salut l'artiste !

Encore bravo pour ton film et ta persévérance !

Un grand bonjour à toute ta famille

SY

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