Les réserves d’hydrocarbures en Algérie et les enjeux internationaux

 Pour 2012, pour le pétrole, selon les statistiques internationales l’Algérie aurait 12,2 milliards de réserves prouvée
Pour 2012, pour le pétrole, selon les statistiques internationales l’Algérie aurait 12,2 milliards de réserves prouvée

Les dynamiques économiques modifient les rapports de force à l’échelle mondiale et affectent également les recompositions politiques à l’intérieur des Etats comme à l’échelle des espaces régionaux.

L’énergie, particulièrement, est au cœur de la souveraineté des Etats et de leurs politiques de sécurité. Cette présente contribution pose la problématique de la sécurité énergétique de l’Algérie

1.-Quelles sont les réserves de pétrole et de la découverte annoncée à El Merk ?

Pour calculer la durée de vie des réserves en Algérie, il s’agit de prendre en compte l’évolution des coûts et des prix internationaux, pouvant découvrir des milliers de gisements non rentables. La durée de vie des réserves est également influencée par le volume tant les exportations que de la forte consommation intérieure du fait du bas prix du gaz, un des plus bas au niveau du monde, bloqués par la décision du 30 mai 2005. Pour 2012, pour le pétrole, selon les statistiques internationales l’Algérie aurait 12,2 milliards de réserves prouvées représentant 0,8% du mondial sur un total mondial de 1478,2 milliards de barils contre par exemple 297,7 pour le Venezuela et 265,8 pour l’Arabie Saoudite. Les réserves estimées du gisement de Hassi Messaoud qui étaient de l'ordre de 9 milliards de barils avec sur un taux de récupération d'environ 27%, selon les statistiques internationales sont actuellement entre 4 et 5 milliards de barils ayant déjà été extraits entre 4 et 5. Hassi Messaoud qui produit actuellement environ 400.000 barils/jour, représenterait donc à lui seul près du tiers de la dotation initiale du pays. Sur la base d'un taux de récupération de 27%, normes actuelles, et au rythme de l’extraction actuelle il lui resterait moins d’une dizaine d'années. Selon le ministre de l’Energie lors d'une conférence de presse, en marge du 25e congrès mondial du gaz courant 2013, l’Algérie produirait 1,2 million de barils/jour, mais avec des capacités de 1,4 million, pouvant atteindre à 1,5 mbj avec la production des nouveaux gisements qui devraient entrer en production entre fin 2013 courant 2014. Qu’en est-il de la récente découverte de 1,2 milliard de barils à El Merk, où il faut éviter toute euphorie. Car, il ne faut pas confondre réserves potentielles avec les réserves exploitables. Comme il ne faut pas confondre les recettes de Sonatrach avec le profit restant car devant déduire les couts plus les profits pour le partenaire étranger.

Pour la durée, il faut diviser les réserves exploitables par la consommation intérieure plus la part exportable. Pour ce gisement, la profondeur du puits étant de 3.700 mètres, l’entreprise devra recourir à la fracturation hydraulique devant utiliser des techniques non conventionnelles pour l’exploration. Selon le ministre de l’énergie, si nous utilisons des techniques conventionnelles, nous ne pouvons exploiter ce puits que dans une proportion de 10% à 15% du pétrole qui se trouve à l’intérieur alors que les techniques non conventionnelles devraient permettre d’extraire 40% à 50%, taux qui laissent sceptiques bon nombre d’observateurs étant surestimé selon la majorité des experts tant algériens qu’étrangers consultés qui avancent environ 15% de couts supplémentaires et pour le vice-président de l’amont de Sonatrach,une hausse d’environ 10% du coût. Selon, William Byrd, expert américain du pétrole, le taux moyen de la récupération primaire est de 15%, une récupération secondaire pouvant obtenir 15% supplémentaire. Au-delà il faut des investissements additionnels couteux et surtout le savoir faire, le ministre l’énergie ayant reconnu récemment que l’Algérie n’a pas encore acquis le savoir ni dans le gaz de schiste, ni dans le pétrole de schiste dit, « pétrole Tight ». Sachant qu’ un pole gazier conventionnel comme Gassi-touil et Rhourd Nouss nécessiterait 90 puits pour son développement, et pour un gisement de schiste il faudrait 900 puits soit 10 fois plus, le gisement d'El Merk nécessiterait donc 10 fois plus de puits qu'un gisement de pétrole conventionnel alourdissant donc les couts. Et se pose un problème de rentabilité, mais moins de problèmes au partenaire étranger puisque les amendements à la Loi sur les hydrocarbures basés sur la rentabilité (assiette fiscale, incluant tous les surcouts) garantirait donc, une rentabilité au partenaire. Selon un des meilleurs expert en hydrocarbures algérien Nazim Zouiouèche, responsable pendant de longues années à l’amont et ancien PDG de Sonatrach, la découverte à été réalisée dans ce que l'on appelle les quartzites de Hamra dont les caractéristiques pétrophysiques sont mauvaises(porosité et perméabilité), d'où la nécessité de recourir aux forages horizontaux et à la fracturation pour améliorer la récupération. L’investissement étant un calcul d’opportunité, selon cet expert cela n'empêche pas de porter une attention particulière à Hassi Messaoud qui renferme environ 50 milliards de pétrole en place. La récupération max prévu par Sonatrach à ce jour serait de 27% étant faible pour une accumulation de cette taille. On pourrait espérer en jumelant frac et forage horizontal au moins 37% soit 5 milliards de baril supplémentaires. En investissant au moins 10 milliards de $, surt les 100 milliards de dollars annoncés par le PDG de Sonatrach, on pourrait, selon cet expert augmenter la récupération et porter la production annuelle à 800.OOO barils par jour. Comme on le constate c’est tout un large.

2.- Qu’en est-il de la production de gaz ?

Le marché du gaz est un marché segmenté avec la prédominance des canalisations, devant généraliser les GNLs pour qu’il devienne un marché mondial à l’instar du pétrole. Sur un total mondial de 190.163 milliards de mètres cubes gazeux, de gaz conventionnel, les réserves de la Russie représentent 44.800 - Iran- 29610-Qatar 25370- USA 7716 et selon le PDG de Sonatrach en date du 24 février 2013 les réserves algériennes en gaz conventionnel seraient de 2000 milliards de mètres cubes gaz, loin des données euphoriques de 4500, (données internationales de 2004 qui n’ont pas été réactualisées) soit 1,3% des réserves mondiales. Africa Energy Intelligence, magazine spécialisé vient de révéler fin octobre 2013 que le méga-champ gazier d’Hassi R'mel connaît une baisse sensible de sa production faite de maintenance, le site gazier en question, qui produisait 75 milliards de m3 en 2008, a livré 52 en 2011 et 55 milliards de m3 en 2012. Le constat, contrairement à certains discours déconnectés de la réalité, en fait politiques pour calmer le front social intérieur, est qu’ en 2013 l’Algérie peine toujours à maintenir le niveau des volumes exportés au-dessus de 60 milliards de mètres cubes, un seuil qui était bien conservé entre 2001 et 2008 et les prix élevés cachent une baisse du volume encore que le Ministère de l’Energie rassure avec la mise en exploitation courant 2014 des nouveaux gisements mais tout reste une question non d’offre mais de demande fac à la crise mondiale de longue durée. Par ailleurs, il ne faut jamais oublier de comptabiliser la forte consommation intérieure. Pour l’Algérie, le constat en 2012 est que 96% de l’électricité est produite en Algérie à partir du gaz naturel, 3% à partir du diesel, 1% à partir de l'eau et que face aux contraintes.

La consommation intérieure en 2012, selon le Creg est de 30 milliards de mètres cubes gazeux en 2012 et avait extrapolé environ 50 milliards de mètres cubes gazeux horizon 2017/2020. Mais ce montant a été calculé avant l’annonce des nouveaux projets consommateurs d’une grande quantité de pétrole et de gaz. Mais, le prix de cession du gaz sur le marché intérieur étant d’environ un dixième du prix international occasionnant un gaspille des ressources, la consommation résidentielle (riches et pauvres payent le même tarif ; idem pour les carburants et l’eau) représente 60% contre 30% en Europe et la consommation du secteur industriel 10% contre 45% en Europe, reflet de la désindustrialisation du pays. Aussi, la consommation intérieure risque d’être fortement augmentée (pour rappel le prix de l’électricité est plafonné depuis le décret de 2005 expliquant en partie le déficit structurel de Sonelgaz qui est passé de 41 milliards de dinars en 2011 à 44 en 2012, devant s’accentuer en 2013/2015 du fait de la lourdeur des investissements réalisés) après les décisions courant 2012 d’installer d’importantes capacités d’électricité fonctionnant au gaz. En effet, suite aux coupures récurrentes d’électricité, il a été décidé de doubler la capacité d’électricité à partir des turbines de gaz. Sonelgaz dans son programme 2012/2017 vise à investir, avec l’appui du gouvernement pour lui permettre d’augmenter sa production de 8.000 Mégawatts supplémentaires, portant le total à 12.000 Mégawatts. Dès lors, avec cette augmentation de la consommation intérieure, du fait de la décision de ne pas modifier les prix intérieurs, il y a risque d’aller vers 70/75 milliards mètres cubes gazeux horizon 2017-2020 de consommation intérieure, dépassant le volume des exportations de 2012 et rendant problématique les extrapolations d’exportation de 85 milliards de mètres cubes gazeux prévus dès 2014. Soyons optimiste et en prenant l’hypothèse d’exportation de 85 milliards mètres cubes gazeux et 70 milliards de mètres cubes gazeux de consommation intérieures, il faudrait produire dès 2017 155 milliards de mètres cubes gazeux.

3.- Sonatrach face aux contraintes internationales

Mais l’Algérie n’est pas seule sur le marché mondial devant tenir compte de la concurrence où je recense quatre contraintes notamment pour le gaz. Premièrement comme le montre mon ami le polytechnicien et président de KB intelligence.com (Paris - France) Jean Pierre Hauet, les importantes découvertes de gaz en Méditerranée où à partir de 2009, de ressources pétrolières et gazières en off shore profond, dans le bassin levantin en Méditerranée Est ont été découvertes. N’oublions pas que la Méditerranée était jusqu’à présent une mer profonde peu accessible à l’exploration pétrolière mais de nouvelles techniques ont été mises au point permettant d’explorer à plus de 6 000 mètres sous 2 000 mètres d’eau. Israël est le premier à avoir fait état de découvertes importantes sur les gisements de Dalit, Tamar et plus récemment de Léviathan, ce dernier gisement, localisé sous la couche de sels messinienne, semble très important et entrera en production en 2016. Des forages sont en cours afin d’aller explorer les couches encore plus profondes qui pourraient contenir du pétrole. Chypre (Aphrodite – 2011) et la Grèce ont également trouvé des réserves apparemment considérables de gaz, toujours dans le même thème géologique qui était resté largement inexploré jusqu’à présent, posant des délimitations géographiques – comme en mer caspienne- avec l’Egypte, le Liban, la Turquie et la Syrie expliquant en partie la situation en Syrie où la Russie et surtout préoccupé par ses intérêts économiques à travers le géant russe Gazprom, et pas seulement sur le sort du régime syrien, une entente entre les USA et la Russie étant envisageable, sous tendant les négociations de Genève2. Deuxième contrainte, la concurrence notamment russe où la Russie possède 1/3 des réserves mondiales de gaz conventionnel en plus du savoir-faire technologique et managérial contre 15% pour l’Iran et 10% pour le Qatar, ces trois pays totalisant plus de près de 50% des réserves mondiales. Ainsi se pose tout le problème de savoir si face à la concurrence notamment russe, Sonatrach a une stratégie gazière devant prendre avec sérieux Gazprom principal conçurent de l’Algérie. Concertant le gaz conventionnel, il y aura lieu de tenir compte de la concurrence du Qatar, de la donne libyenne qui avec des réserves de 1500 milliards de mètres cubes gazeux non exploitées et des nouvelles découvertes en Afrique. La stratégie de Gazprom, grande société internationale dynamique cotée en bourse, ce qui n’est pas le cas de Sonatrach, à travers le North Stream et le South Stream est offensive. Le Nord Stream, permet l’acheminement de gaz russe en Europe d’une capacité dépassant 55 milliards de mètres cubes gazeux.. Quant au projet de South Stream, concurrent direct de l’Algérie, il doit alimenter en gaz russe l'Europe occidentale dont l’Italie d'une capacité de 63 milliards de m3 de gaz, L’ensemble de ces projets ont remis en cause le projet algéro-italien Galsi d’une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux dont le cout ramené aux capacités et à l’investissement par rapport au South Stream serait supérieur de près de 15% et est posé le problème de sa rentabilité, pour un investissement de 2,5 milliards de dollars initialement, mais dont le coût en 2013,dépasse actuellement les 4 milliards de dollars alors que la mise en service était prévue pour 2014. Troisième contrainte, le gaz de schiste américain par le recours massif à la fracturation hydraulique est un autre facteur concurrentiel de Sonatrach. Les USA pourraient devenir le premier producteur mondial de pétrole de schiste ainsi que de gaz de schiste à la fin de la décennie, selon le directeur adjoint de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) Certes, il faudrait vérifier concrètement ces prévisions, mais ne devant pas les ignorer. Cet essor a fait chuter les cours du gaz naturel sur le marché américain, désormais inférieurs à 3/5 dollars par million de BTU contre 9-10 dollars en Europe et entre 12 - 15 en Asie, où la catastrophe de Fukushima a fait bondir la demande japonaise en gaz. Donc, des enjeux stratégiques pour l’Algérie et comment fera Sonatach dont 25% de ses recettes en devises provient des USA (18/25 milliards de dollars selon les cours mondiaux) ? Et se pose en dehors du risque de la détérioration de l’environnement, les couts et donc la rentabilité par rapport à la concurrence mondiale du pétrole-gaz de schiste qui nécessité un savoir faire aigue des gisements algériens ? Quatrième contrainte qui limite la manœuvre de Sonatrach où d’ailleurs aucune information sur la rentabilité de ses investissements à l’étranger, le gel du projet NIGAL (Gazoduc reliant la région de le Nigéria) à l’Algérie et l’ Europe, prévu pour le transport de 20 à 30 milliards de m3 par an, en majorité vers le marché européen pourra-t-il permettre d’ accroître les capacités d’exportation? Avec un coût prévu initialement à 7 milliards de dollars, son cout dépasserait 20 milliards de dollar selon une étude du 28 avril 2O11 de l’institut français des relations internationales IFRI. Ce projet financé pour partie par l’Europe avec la crise d’endettement est–il réalisable d’autant plus que comparé aux canalisations russes, son coût est trop élevé. Enfin cinquième concernant le GNL, l’Algérie pourra-t-elle du fait des faibles capacités et de la déperdition de ses cadres, avoir été par le passé leader dans ce domaine, concurrencer le Qatar, l’Iran proche de l’Asie, la Russie, et surtout tenant compte du cout de transport devant contourner toute la corniche d’Afrique pour arriver en Asie, liant forcément son marché naturel à l’Europe ? Et c’est là que rentre la concurrence et les décisions du Conseil européen qui vient d'approuver l'accord énergétique stratégique entre l'Algérie et les 27 pays de l'Union européenne qui a été signé à Alger à l'occasion de la visite du commissaire européen à l'Énergie début juillet 2013(devant passer ensuite par le parlement européen) où actuellement, l’Algérie est le troisième fournisseur de gaz de l’Europe (13/15%) après la Russie et la Norvège. Comme je l’ai montré (contribution parue le 02 juillet 2013 du quotidien financier les Echos.fr), les négociations sur ce contrat sont intervenues dans un contexte particulier, marqué par des bouleversements profonds de la carte énergétique mondiale comme analysé précédemment et le nouveau mémorandum insistera certainement sur la déconnexion des prix du gaz et du pétrole qui n’est plus en vigueur depuis au moins trois années et qu’adviendra-t-il des prix du gaz algérien aussitôt les contrats à moyen et long terme arrivés à expiration, l’Europe faisant pression pour une baisse des prix ? La stabilité juridique et l’adaptation aux mutations étant une urgence de l’heure pour Sonatrach, à l’instar de Gazprom, rappelons que dans le cadre de la renégociation de contrats de gaz à long terme par le groupe italien Edison qui a été repris par le groupe français EDF, Sonatrach a perdu en mars 2013, une affaire d'arbitrage où le groupe italien a obtenu la révision à la baisse des prix d'un contrat de fourniture de gaz naturel et (décision de la Cour d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale) avec un impact estimé à 390 millions de dollars) sur l'Ebitda (excédent brut d'exploitation) en 2013.

En bref, il faut nuancer les propos euphoriques de certains responsables de 50 ans de réserves, la réalité tenant compte du cout croissant, du prix international, de la concurrence et de la forte consommation intérieure étant bien en deçà, bien Sonatrach, c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach. Car, la rente des hydrocarbures est une richesse artificielle qu’il s ‘agit impérativement de transformer en richesse réelle, posant la problématique de la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures fonction elle-même d’une transition énergétique impliquant un nouveau modèle de consommation énergétique. Et se pose cette question pour bon nombre d’experts : alors pourquoi continuer à placer 86% des réserves de change à l’étranger produit des hydrocarbures à un taux presque nul, parfois négatif tenant compte de l’inflation mondiale ? Et face à l’épuisement des réserves, où en sont les réalisations dans les économies renouvelables où avaient été programmées en conseil des ministres courant 2011, environ 100 milliard de dollars pour produire 40% de l’électricité horizon 2030 à partir de cette ressource ?

Dr Abderrahmane Mebtoul, expert International en management stratégique directeur d’Etudes ministère Energie/Sonatrch 1974/1979-1990/1995-2000/2006

Plus d'articles de : Analyse

Commentaires (4) | Réagir ?

avatar
adil ahmed

merci

avatar
Massinissa Umerri

Conclusions interessantes:

1. Algerie = Sonatrach, Sonatrach = Algerie = regime

2. Fin du petrole = Fin de l'Algerie = Fin du Regime

3. Fin du regime = Debut des Algeriens.

Je suggere a tous les barbus d'aller des maintenant s'installer chez leurs freres Arabes. . . Il y aura toujours du petrole et du mohamed, a gogo !

visualisation: 2 / 4