Ces cours "particuliers" et cette école où rien ne colle

Le ministère veut réglementer les cours particuliers.
Le ministère veut réglementer les cours particuliers.

"Un problème créé ne peut être résolu en réfléchissant de la même manière qu’il a été créé". (Albert Einstein)

L’APS rapporte qu’"à l’issue d’une réunion avec les membres de la Fédération nationale des associations des parents d’élèves (FNAPE) présidée par le ministre Abdelatif Baba Ahmed, le ministère a précisé dans un communiqué que le dossier des cours particuliers est à l’étude et fera l’objet de larges concertations avant l’élaboration des textes organiques pour lutter contre ce phénomène" et que "les membres de la FNAPE ont exprimé leurs regrets de voir le phénomène s’amplifier à tous les niveaux d’enseignement, appelant le ministère à adopter une position ferme pour mettre fin à cette situation qui constitue un danger pour la scolarité des élèves et menace la stabilité du secteur". L’agence de presse ajoute que "la FNAPE rejette la réintégration de l’enseignant, qui constituait la revendication principale des enseignants grévistes du CNAPEST" et signale qu’au cours de cette réunion "plusieurs autres questions pédagogiques et éducatives ainsi que la réintégration des élèves exclus ont été abordées". La FNAPE a proposé "la tenue d’une deuxième session du Baccalauréat ou de reconsidérer la question du rachat". Quant à la tutelle, celle-ci n’exclut pas "d’associer la fédération pour trouver les solutions adéquates aux autres problèmes". Et selon le communiqué du ministère "il a été convenu de maintenir le dialogue par la tenue de réunions bilatérales et la coopération pour la promotion de l’école algérienne". Voilà donc ce que nous pouvons retenir de cette réunion telle que rapportée.

Soulignons, tout d’abord, la légitime inquiétude des parents, devant l’ampleur et le déroulement des cours dits particuliers. En effet, si ce «phénomène» qui engendre un mercantilisme a été soulevé par des associations ou à titre individuel, la Fnape et la tutelle ont lancé des constats superficiels où, comme nous le verrons plus loin, des solutions fausses et intentionnellement différées sont proposées pour un problème mal posé.

Remarquons aussi, que ces cours de soutien, sont une offre qui répond à une demande pressante et ne sont pas spécifiques à l’Algérie où leur ampleur paraît néanmoins importante. Sous d’autres cieux, cet enseignement qui vise la performance n’est pas réglementé, quand il est réalisé par petits groupes ou à titre individuel. Ainsi, le tarif de ce type de service reste variable, élastique et non soumis au fisc, pour le cas de la France entre autres, un pays qui ne transige pas sur les activités faussement déclarées, et encore moins informelles. Pour ce qui concerne l’Algérie, comment comprendre alors le fait qu’on veuille lutter, être ferme et mettre fin aux cours de soutien ?

Nous constatons également que la FNAPE rejette la non réintégration de l’enseignant syndicaliste et l’on peut s’interroger sur la nature et les motivations d’une telle démarche, alors que le syndicat avait fait de ce point une question de principe, lors de son débrayage inutilement prolongé et dont les enfants en ont fait les frais. Si la tutelle et le syndicat ont fait un pas en avant en réintégrant l’enseignant en question, cette fédération exige un pas en arrière ; la danse du tango se faisant au détriment de l’essentiel, assistons-nous à un petit règlement de comptes ?

Nous pouvons aussi nous demander, si les prérogatives d’une association de parents d’élèves, lui permettent d’aborder des questions d’ordre pédagogique ou d’exiger la réintégration d’élèves exclus, quand on sait par exemple, que la tutelle sous pression, a été souple envers les fraudeurs au Bac 2013.D‘autre part, les responsables de la FNAPE semblent ignorer totalement, que l’organisation d’une deuxième session du Baccalauréat va énormément perturber le déroulement des enseignements à l’université, en retardant la rentrée universitaire et en faisant baisser encore plus la qualité de l’enseignement et augmenter le nombre de chômeurs diplômés de l’université, évalué récemment à 25%. Quant au rachat, quel va être le devenir de la qualité d’un enseignement déjà malmené si on persiste à faire encore dans le populisme ? On peut aussi se demander pourquoi la tutelle insiste sur le caractère bilatéral d’un dialogue qui semble exclure la collaboration des enseignants, de leurs syndicats et de compétences ignorées. Car avec qui aborder les questions d’ordre pédagogique et éducatives, et qui peut contribuer à la promotion de l’école algérienne ?

D’autre part, il est probablement faux de dire que la plupart des enseignants assurent des cours de soutien, car seule une étude minutieuse peut nous éclairer sur l’ampleur du "phénomène". Et si des enseignants sont mercantiles, il ne faut pas oublier que les avides d’un gain plus important, plus rapide et moins fatiguant, sont légion au niveau d’autres secteurs d’activité. Pour qualifier ces cours d’onéreux, il faudrait avoir des éléments de référence et de mesure objectifs que nous n’avons pas. Et chacun sait qu’en sus des commerces et autres activités informelles qui ne rapportent pas un centime au fisc, il existe une foultitude d’activités légales qui traficotent avec le Trésor public. Il semble dès lors, que le montant des cours privés représente le prix de l’effort de celui qui les assure, en comparaison avec les prix d’autres services, dans d’autres secteurs, même si cette activité n’est pas réglementée, reste informelle. Comment alors s’attendre à lutter contre l’organisation de ces cours, avec un texte dit organique, quand l’informel n’a pu être rayé, ou du moins freiné dans d’autres secteurs d’activité, en dépit de la bonne volonté affichée par les pouvoirs publics.

Relevons par ailleurs, que nos professeurs en médecine dans diverses spécialités ont déjà soulevé que le port des cartables lourds est responsable des scolioses (1) chez les enfants et que la surcharge des programmes est la cause du syndrome d’épuisement ou burnout (2), une maladie caractérisée par un ensemble de signes, de symptômes et de modifications avec des risques psycho-sociaux (3).

Le vrai problème

Par conséquent , le vrai problème ,celui qui a esquinté et esquinte encore le dos et le cerveau de nos enfants se résume aux défaillances du système éducatif, tels le contenu des enseignements, leur volume et les méthodologies appliquées, les conditions de recrutement des enseignants, l’absence d’une formation continue sérieuse de ces derniers, la surcharge des classes et autres qui sont à l’ origine de l’ampleur et de la nature des cours payants qui ne sont en fin de compte, qu’un colmatage au colmatage du système éducatif. Il s’agit donc d’attaquer les causes du marasme et non pas de remédier à ses incidences, ses séquelles.

Il est donc impossible de mettre fin aux cours de soutien, tout comme il est difficile d’anéantir, du jour au lendemain, l’informel dans les divers secteurs d’activité. Il parait toutefois probable d’atténuer ce recours systématique aux cours "particuliers" et d’améliorer par une certaine régulation leur objectif, si on s’attaque avec volonté, bonne foi, et par la science aux défaillances de l’école publique citées ci-haut. Ainsi, nous éviterons les mauvais ciblages tels ces enseignants pris comme maillon faible ou boucs émissaires.

Les calculs des uns et des autres, les réformettes alchimistes, font que ce sont nos enfants, transformés en mutants qui trinquent avant tout. Sauf que le mutant peut ne pas être épuisé autant que l’enfant, face à ces surcharges et autres défaillances. Les parents sont également aux abonnés absents, démissionnaires, l’important pour eux étant de voir leurs enfants accéder à l’année supérieure, à tout prix et sans qu’ils ne se soucient de leur suivi ou de la nature et la qualité de l’enseignement public dispensé. Et si le débrayage des enseignants avait duré trois semaines, c’est qu’il y a eu d’abord tergiversations (avec une guerre des chiffres gagnée par les enseignants–syndicalistes) et non pas un respect mutuel pour des engagements et un calendrier précis.

Ainsi, aux problèmes mal posés par des dirigeants de la FNAPE, pour des raisons que ces dirigeants connaissent, la tutelle propose et mise à différer des solutions qui, le moins qu’on puisse dire, sont fausses. Pourquoi des adultes jouent-t-ils avec l’avenir des enfants et de la Nation ? Et pourquoi, encore une énième fois, ne tient-on pas compte des avis de maints experts, formulés à maintes occasions ? Le danger pour la scolarité des élèves et la menace de la stabilité, comme souligné lors de cette réunion, résulte de ce sourd acharnement à persister dans le formatage et le colmatage. Dans cette école où rien ne colle, la démarche scientifique et pédagogique doit primer au-dessus de toute autre considération, toutes sortes de pirouettes.

L’Algérie dans sa première et officielle dénomination est une République, et en tant que telle, elle doit épouser les valeurs républicaines. Eduquons donc, en nous inspirant de ce qui se passe dans ces pays républicains qui nous surpassent dans le domaine éducatif, et par ricochet, dans les autres secteurs stratégiques.

Rachid Brahmi

1. Le port de cartables lourds, responsable des scolioses chez les écoliers (spécialistes) - APS

2. Des programmes et des élèves «surchargés» - El Watan

3. Syndrome d'épuisement professionnel - Wikipédia

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Commentaires (1) | Réagir ?

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albert smail

Cela est vrai qu'une sorte d'école parallèle est en train de s'installer et, dans le même temps, l’école publique va à la dérive. Mais on a un peu trop tendance à accabler l'enseignant... on ferme les yeux sur le médecin qui a des tarifs exorbitants, l'élu prévaricateur, l'avocat qui amasse des millions, l’architecte qui engrange plein de sous, le fonctionnaire de Sonelgaz, de Sonatrach, le commerçant, le boucher, le gargotier du coin... tout ce monde gagne beaucoup et vite, sans choquer. Des que l'enseignant affiche une volonté de sortir du cadre de gagne -petit ou le petit bourgeois veut le reléguer.... aussitôt, des cris de condamnation fusent !

Sachez que 90% de profs souffrent de troubles nerveux, de troubles cardio-vasculaires, de diabètes et d’autres affections.

Mais dans une société qui érige un temple au gain, qui place et intronise l’argent Maitre Absolu, le sacrifice de l’enseignant est vain.