Affaire du journaliste Benamghar : le verdict sera rendu mercredi prochain

Rabah  Benamghar.
Rabah Benamghar.

A quelques jours seulement de la journée nationale de la presse 18 octobre, décrétée par le Président de la République Abdelaziz Bouteflika, le journaliste du site électronique kabyle.com, Rabah Benamghar, a été cité à comparaitre, mercredi à la cour de Tizi Ouzou. Le verdict n’est pas rendu ce jour-là. Il sera prononcé le 30 octobre.

Rabah, Benamghar qui exerçait depuis une quinzaine d’années pour le compte du site électronique Kabylé.com est accusé par l’ex-président de Mizrana pour diffamation. En effet, la genèse remonte aux élections du mois de novembre 2012. R. Benamghar a été poursuivi en justice suite à une plainte déposée pour diffamation par Hachemani Mohamed, ex-P/APC de Mizrana, une localité en Kabylie maritime.   

"C’est parce que j’ai dit que le maire aurait été écarté pour mauvaise gestion par son parti [le RCD] dans un article où j'ai parlé du climat de préparation des élections en Kabylie maritime" qu'il a été poursuivi en justice." Dans la commune voisine du Mizrana, l’actuel président de l’APC (Assemblée populaire communale) d’obédience RCD conduirait une liste d’indépendants. Son parti d’origine l’aurait écarté pour mauvaise gestion. Il jouerait ainsi les trouble-fêtes et espère barrer la route à ses anciens collègues du parti RCD envers qui il tient rancune et enfin espérer revenir aux affaires par une autre porte", c’est qui a suscité du courroux et m’a fait comparaître devant le tribunal. Pour s’éclaircir davantage et comprendre la genèse des faits, nous l’avons approché et il a eu l’amabilité de nous éclairer en retraçant à effet rétroactif sur son affaire.

Pouvez-vous nous éclairer davantage sur votre affaire en justice, et se situer en viseur rétroactif ?

Rabah Benmghar : Comme je l’ai déjà dit à maintes fois, cette affaire n’a pas lieu d’être dans un pays de liberté et de démocratie. Je suis attaqué au pénal pour diffamation en tant que personne alors que je devrais être poursuivi pour un écrit de presse en tant que journaliste. Je suis correspondant du média kabyle.com qui existe en tant que tel depuis 1997. J’ai travaillé avec les artistes, les autorités civiles et militaires en tant que journaliste sans que cela ne pose un quelconque problème depuis 2010. J’ai fourni une attestation de travail attestant ma qualité au service de la gendarmerie et de la justice depuis le dépôt de plainte. Le Tribunal de Tigzirt a unilatéralement jugé qu’un media électronique n’est pas considéré comme un organe de presse et qu’un correspondant de presse n’est pas journaliste. Et là, on commençait les ennuis. Malgré l’insistance de mes avocats pour inscrire l’affaire dans le volet relatif à la liberté de la presse conformément aux textes régissant le code de l’information, une condamnation à la prison avec sursis et une amende ont été prononcées par le juge.

A quelques jours seulement de la célébration de la journée mondiale de la presse ; un droit à la liberté d’expression, vous avez été convoqué en mai dernier par la justice algérienne, en particulier par le tribunal de Tigzirt, une attitude contraire, voire ostentatoire au code de la presse, quelle était votre impression ? 

Si l’on sait aussi que votre procès, coïncide à quelques jours de la journée nationale de la presse, décrétée par le Président de la République Abdelaziz Bouteflika, quelle est votre impression, ou comment qualifiez-vous cet agissement ? Le bras de fer de la justice continue de plus en plus eu égard des textes ?

Je ne voudrais pas ici discuter les décisions de justice mais je me pose la question de savoir pourquoi on veut extraire le maillon faible de la presse, à savoir le correspondant local, de l’ensemble de la profession ? Et pourtant, c’est à lui que tout le monde fait appel pour vulgariser l’information. C’est lui qui collecte l’information au quotidien à ses risques et périls. Quant à la coïncidence de mon affaire avec la journée de la presse, il faut savoir qu’entre les textes, les ratifications et la réalité du terrain, il y a un océan de contradictions. Les cérémonies sont des trempes-œil pour cacher la realité aux observateurs de salons.

Suite à votre condamnation, vous avez fait appel à la cour de Tizi Ouzou, et l’affaire est reportée par cette dernière, pourquoi ou quelles sont les raisons de ce report jugé peu rédhibitoire, ce la ne tient pas à votre goût ?  

Si j’ai fait appel c’est pour expliquer à la justice un fait indéniable : j’ai été condamné pour un article journalistique alors que la diffamation n’est pas avérée vu que j’ai utilisé le conditionnel qui sous-entend que les faits rapportés doivent faire l’objet d’une vérification future et vu que les sources ne sont pas formelles. L’article en  question n’a pas visé directement le maire en question mais parle globalement du climat de préparation des élections municipales en Kabylie maritime. Quant aux raisons de ses reports à répétition, elles  sont tout simplement d’ordre procédural. 

Vous êtes condamné selon le code pénal, pourquoi on ne vous a pas jugé, plutôt condamné d’après l’article du code de la presse d’autant que votre avocate, Leila Hadj Arab, a plaidé sur cela ?

Tout le problème est là. Le tribunal de Tigzirt me refuse le statut de journaliste alors que j’ai présenté une attestation de travail signé par le responsable de la rédaction de kabyle.com. Dans ce document, la rédaction de ce media atteste qu’elle est seule responsable de tous les écrits publiés par le media en question.

Vous déplorez un manque de soutien de la part de la corporation des journalistes et surtout des citoyens, pouvez-vous nous éclairer davantage sur ce point?

Avec cette affaire, j’ai appris à mes dépends que la solidarité n’est qu’un vague mot de la bouche de certain. Je suis vraiment choqué par le silence des «grands quotidiens nationaux». Il paraît que j’appartiens au deuxième collège de la corporation sinon j’aurai eu droit à la une. Mis à part le journal le Temps et la Cité, aucun organe de la presse écrite n’a manifesté la moindre solidarité. J’aimerais par la même remercier tous ceux qui ont m’ont manifesté leurs soutiens, surtout la presse électronique. Je n’oublierai pas RSF France qui m’appelle régulièrement pour s’enquérir de l’évolution de mon procès ainsi que la maison des droits de l’homme de Tizi Ouzou.

Le fait est gravissime en Algérie, on ne reconnait pas la presse électronique, surtout lorsqu’il s’agit des médias étrangers, on leur exige toujours l’accréditation pour faciliter l’accès à l’information, Pourquoi et /ou est-il vrai à votre avis ? 

Vu le manque de transparence dans la gestion du pays, il ne faut pas s’attendre à des portes qui s’ouvrent dés qu’un journaliste-fouineur se présente devant un responsable ou une institution. La maison Algérie n’est pas en verre transparent. Des garde-fous sont installés délibérément pour empêcher le journaliste de faire son travail et par conséquent empêcher l’information de circuler librement.

Que représente pour vous le journalisme ou le fait d’être journaliste ?

Le journaliste pour moi est les yeux et les oreilles justes des gouvernants et du peuple. Les deux extrêmes ont intérêt à ce qu’il ait une presse libre pour informer tout le monde sur l’état des lieux de la maison l’Algérie en tous mieux et à tout instant. Le journaliste est l’anticorps de l’organisme national.

Vous vous montrez constamment confiant en la justice de notre pays (Algérienne), et cela en dépit des lenteurs, reports d’audience, n’est ce pas ?

La confiance aide les gens à avancer et à ne pas déprimer. Quand on vit dans une collectivité, quelqu’ en soit l’atmosphère, il faut la respirer sinon vous mourrez étouffer. 

Propos recueillis par Mohammed Amrous

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