La médecine algérienne au rebut !

Malgré la richesse du pays, les hôpitaux algériens sont dans un état lamentable.
Malgré la richesse du pays, les hôpitaux algériens sont dans un état lamentable.

Un président s’en va aux Invalides se faire soigner, un ex-Premier ministre, tombé en disgrâce qui, depuis, se fait opérer à Barcelone, un pistonné ou un ponte du régime est pris en charge pour une cure de jouvence ou un petit bobo en Suisse. Ça nous renseigne, nous autres la plèbe, du degrés de confiance de nos dirigeants en la médecine de leurs pays. La médecine selon que l’on soit puissant ou misérable.

La grogne du corps médical et paramédical et la revendication de leurs Droits et leurs silence quant à leurs Devoirs, les sorties médiatiques «tape à l’œil» du Dr Djamel Ould-Abbas (vous-rappelez-vous son passage au ministère de la Santé publique et de la population), la récente déclaration du gouvernement de faire construire 7 grands hôpitaux à travers le pays, interpellent désormais plus d’un à réfléchir sur le devenir de notre système de santé.

Qu’à cela ne tienne ! La série d’infortunes dont souffre notre système de santé n’est pas pour étonner lorsque l’on sait que depuis l’avènement de la gratuité des soins, l’obsolescence du concept santé publique s’est fait de plus en plus ressentir notamment par les lourdeurs administratives, engendrées par la bête immonde qu’est la bureaucratie : l’on se rappelle les équipements médicaux flambants neuf moisissant sur les quais des ports pour cause de formalités de dédouanement, les ruptures de stock répétées de médicaments cruciaux, la sommaire éducation sanitaire d’une partie du personnel soignant, l’incompétence des gestionnaires,et,plus grave encore, le manque de civisme de quelques concitoyens. Dès lors, la question se pose, l’Algérie a-t-elle, au jour d’aujourd’hui, une politique de santé ? Non ! Et tous les problèmes que l’on évoque sont dus à ce manque. Depuis la fin des années 1980 et début 1990, le pays applique aveuglement les recommandations du FMI et des bailleurs de fonds : réductions drastiques des effectifs, arrêt de l'embauche, gels des salaires, désengagement de l'Etat des processus de commercialisation des produits pharmaceutiques et hospitaliers ... l'énumération serait trop longue. Tout cela dans le but de donner le coup de grâce à la santé publique et d'ouvrir grandes les portes à la médecine privée.

Malaise exacerbé davantage par le dépouillement par le gouvernement à partir de 1984, des Centres Médicaux Sociaux et autres structures de santé des unités économiques et de la CNASAT, alors "biens des assurés sociaux", qui bénéficiaient jusque-là d’une couverture médicale qualitative, et, qui plus est, rendaient d’inestimables service à la population.

La déperdition de l’échelle de valeur occultée par le statut général des travailleurs, dés les années 1990, n’a fait "qu’enfoncer le clou" au point où il était plus rentable de faire vendeur au souk el fellah que d’être médecin spécialiste dans un hôpital, situation du reste, qui a poussé bon nombre de praticiens de renom à immigrer et faire le bonheur de leurs respectifs pays d’acceuil,qui n’en demandaient pas tant ! Constat conforté par la déclaration de M. Halim Benatallah, l’ex-secrétaire des AE, chargé de la communauté nationale à l’étranger : "Avec la pléiade de médecins algériens, toutes spécialités confondues, l’on peut créer le meilleur Centre hospitalier universitaire de France…". C’est, en effet, très révélateur !

Il ne se passe pas d’une journée où le dossier Santé n’est pas énoncé par un quelconque journal pour disserter sur les problèmes inhérents au secteur : le largage à vau-l’eau des Cancéreux, des diabétiques, la mafia des médicaments. L’abattage médiatique est, très souvent, sabordé par les formules creuses, le ton présomptueux, et la langue de bois des divers ministres de la santé, qui se sont succédés, et qui semblent faire’ leurs’ le credo : "le château brule, mais tout va bien madame la marquise !". Pour paraphraser le docteur Foudhil Saffar-Zitoun, médecin spécialiste en anesthésiologie : "cette absence de l'Etat, que l'on ne retrouve pas uniquement dans le secteur de la santé, a été très vite supplée par la mafia du médicament et du matériel médical et c'est elle qui gère actuellement par "ministres" interposés la santé en Algérie. Peu lui importe la santé de notre système de santé pourvu que l'argent rentre".

Aujourd’hui par médias interposés, on jette l’anathème sur le corps médical et paramédical, en toute iniquité, oubliant parfois que la santé n’est qu’un maillon de la chaine des moult problèmes qui secouent le pays

La santé dans notre pays se déglingue, les 8es Journées internationales d’hygiène hospitalière organisées, octobre passé, par la société Nosoclean, à l’hôtel El-Djazaïr. Une rencontre qui a réuni plusieurs intervenants Algériens, mais aussi étrangers, mettant en exergue le pourcentage combien alarmant des infections contractées à l’intérieur des hôpitaux : selon une étude, 25% des patients contractent une infection nosocomiale, résultant des précaires conditions d’hygiène et de saleté de nos hôpitaux. En un mot, nos hôpitaux sont en passe de devenir des mouroirs, s’ils ne le sont pas déjà, et leurs parking déjà squattés par bus, camion et camionnette pour les petites bricoles de mécaniques sur le champ.

A Médéa, l’unique hôpital de la ville, hérité du temps colonial, n’arrive plus à contenir le flux des malades transférés du fin-fond de la wilaya, et compte-tenu de l’extension du chef-lieu de la wilaya avec une population avoisinant les 155000 habitants, la construction d’un nouveau hôpital, pourquoi pas universitaire avec des spécialités multidisciplinaires, pourrait demain rendre d’inestimables services aux malades lourds, aux parturientes, aux dialysés, aux polytraumatisés des régions avoisinantes enclavées et déshéritées de la wilaya.

Une telle initiative, toutefois, exige un visionnaire, un rassembleur et un très bon gestionnaire à la tête de la Direction de la santé et de la Population (D.S.P), ce qui n’est pas le cas présent, sinon comment expliquer le mépris affiché à la corporation médicale, pas même une visite de courtoisie aux chefs de services des hôpitaux ,les retards enregistrés dans le lancement de projets tels que : l’Hôpital "Mère et Enfants", l’hôpital psychiatrique et le Centre anti-cancéreux… Ici et là, la rumeur va en s’amplifiant qu’il est question de choix d’entrepreneurs qui se soumettent à la "soumission". Allez-savoir !

Le mystère d’une affaire d’harcèlement sexuel et de la levée de boucliers des fonctionnaires de la santé demeure entier, étouffée par les inspecteurs du ministère, pour, semble-t-il, ne pas nuire à la carrière professionnelle du coupable.

Un coupable qui se targue, en privé, d’avoir le bras long en haut lieu. Impunité quand tu nous tiens ! En vérité, cette clochardisation de nos salles de soin n’est pas pour étonner lorsque l’on voit le tabagisme régner en maitre dans les dédalles et les couloirs de nos hôpitaux, en dépit des signes d’interdiction de fumer. Comble de l’ironie, un responsable de la DSP et médecin de surcroît, des praticiens, des infirmiers, des malades mêmes censés donner l’exemple transgressent, en toute impunité, cette sacro sainte interdiction. Juste Dieu, sous d’autres cieux la prohibition du tabac dans les lieux publics : hôpitaux, cafés, restaurants et moyens de transports, est strictement observée. Jusqu’a quand continuera-t-on alors, à faire preuve de complaisance et de silence complice ? Que dire alors du nombre de plus en plus alarmants de personnes atteintes du Sida, selon l’institut Pasteur : 500-séropositifs et 60 sidéens nouveaux cas dépistés, durant l’année en cours, entrainant dans leurs sillages un surcoût très significatif sur le plan financier à l’Etat.

Quelle autre signification peut-on donner à l’affectation de médecins généralistes, fraichement diplômés d’universités aux pavillons des urgences où l’expérience professionnelle est primordiale pour sauver des vies. C’est navrant de constater que bon nombre de concitoyens ont fait les frais des négligences médicales, des premiers soins prodigués, à leurs arrivés dans les salles d’urgences. L’adage populaire : yataalam al hfafa fi rass el yatama étant de mise !!!

Les négligences et erreurs médicales se font légion dans nos hôpitaux et autres centres de santé, jusqu’à quand continuera-t-on à tolérer cette incurie et cette permissivité allouée aux jeunes du filet social, sans diplômes et sans connaissances pratiques et paramédicales à régner en maîtres dans les salles de soins ? La forfaiture des autorités locales (APW, APC) dans les actions d’hygiène et de prévention du milieu social, source de nombreuses maladies infectieuses est si criarde, en atteste le nombre effarant des victimes de la rage des hordes de chiens et chats errants, qui sitôt la nuit tombée, font la loi dans nos cités en imposant un décor hitchcockien. 

Santé publique dites-vous ? N’est-il pas temps de redorer son blason ? Cet enkystement du système exprime par lui-même le besoin d’être traité. Il est vrai qu’il suscite bien d’interrogations quant à l’urgence thérapeutique appropriée. Il est plus qu’impératif aujourd’hui de réévaluer les potentialités humaines et structurelles, d’en tirer les enseignements susceptibles de donner une impulsion nouvelle à une bien meilleure prise en charge du malade, de combler le vide informationnel concernant les buts et les prérogatives des unités de soins de base, de renforcer la lutte contre l’insalubrité du milieu, il serait souhaitable de mettre sur pied une police spécialisée pour l’hygiène et l’environnement, rôle tenu, jadis, par le garde-champêtre, de régulariser les situations administratives du personnel de santé (Statuts particuliers, plan de carrière, titularisations). De motiver les professionnels de la santé par des stages de recyclage, des reconversions de corps et des indemnités conséquentes et appliquer dans toute sa rigueur l’adage : "Qui aime bien, châtie bien !", le respect des horaires de travail, du malade..

De créer un centre de maintenance médical au niveau de chaque DSP, avec ses ingénieurs et ses techniciens prêts à intervenir sitôt la panne de tel ou tel appareillage signalée. De doter les unités de soins de moyens et d’équipements adéquats pour une bien meilleure prestation de service. D’évaluer l’acte médical et paramédical pour mieux traquer la gabegie et l’incompétence. De concevoir des émissions TV avec le concours de l’INSP (institut national de santé publique), de l’institut Pasteur, du PNUD, de l’OMS et des firmes pharmaceutiques pour l’éducation sanitaire et la lutte contre la surconsommation médicamenteuse. D’impliquer les écoles et les mosquées dans la sensibilisation civiques de nos concitoyens. Le volet Education civique dans nos écoles est sommairement dispensé.

Et, enfin d’entreprendre des visites d’inspection inopinées, pas celles annoncées à coup de clairon et de trompettes, pour dénoncer la médiocrité, le laxisme et le dilettantisme des uns et des autres. Ce sont là les conditions sine qua non qui peuvent booster le secteur et par ricochet regagner la confiance des malades, de croire en une réelle prise en charge de leurs préoccupations, et de cesser d’aller à l’étranger demander ce qu’ils peuvent avoir localement, pour peu que les moyens logistiques et techniques soient présents, et que les imminents docteurs installés à l’étranger soient conventionnés avec le ministère, viendront apporter leurs touches et leurs techniques et en faire profiter nos docteurs et nos étudiants. Gageons que ces grands axes puissent susciter l’intérêt en haut lieu pour sortir la santé publique de sa torpeur, qui n’a que trop durée !

Brahim Ferhat

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Commentaires (1) | Réagir ?

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Guel Dring

Tout ce qui est rapporté aurait pu l'être dans un autre style mais ce n'est qu'un constat qui entraine un autre constat : Tout est subordonné au Soit Divin. Dans l'ensemble, il est toujours mentionné l'absence de moralité dans tous nos comportements. Or la Moralité concerne principalement l'être humain car on ne va pas faire comprendre que c'est un péché que de voler à un chat, que le mensonge est méprisable et condamnable à un singe. Donc d'une façon ou d'une autre, l'homme se réfère à des commandements qui n'ont été conditionnés que dans les livres sacrés. D'autre part, l'homme veut se sentir libre, dans ses choix, dans sa vie, indépendant même vis à vis de son Créateur. Pourtant il se trouve après moult révoltes, révolutions, idéologies, comme devant l'évidence que l'on ne peut ni échapper à son destin, ni en tracer la forme parce que dépendant d'un espace temporel de l'univers. En conclusion, si nos dirigeants aiment se soigner à l'étranger, ce n'est pas seulement une question de confiance en la médecine de leur pays mais c'est la peur de l'inconnu, de la mort avec tout qu'on rappelle à son sujet. Et la pire des peurs provient du fait qu'il n'ont pas fait assez de biens pour avoir la conscience tranquille au contraire de mr lambda qui a pour devise : âche ma kseb, mête ma khalla.