La tripartite, pour quoi faire ?

En chantre zélé du pouvoir, l'invamovible Sidi Saïd, va encore faire semblant de défendre les travailleurs.
En chantre zélé du pouvoir, l'invamovible Sidi Saïd, va encore faire semblant de défendre les travailleurs.

Du côté du gouvernement, on parle, triomphalement, de la relance économique et aussi des mesures sociales prises en faveur de la population, notamment, à l’occasion des tripartites passées.

Le discours reste, pourtant, inaudible à en juger par la grogne des travailleurs qui est à son paroxysme et la spirale de l’envolée des prix qui n’a pas de limites. C’est sur ce fond, clair obscur, que s’est faite l’annonce de la tenue d’une tripartite, la 15ème du nom, ou d’une "tripartite élargie" comme l’a appelé le Premier Ministre; elle sera étendue aux syndicats autonomes, comme ceux des secteurs de l’éducation, des PTT ou encore de la santé qui, faut-il se l’avouer, ont damé le pion à l’UGTA ; et s’ils sont conviés à cette tripartite, ils ne feront pas de la figurations.

Cela ne fera certainement pas plaisir au secrétaire général de l’UGTA, lui qui fait de cette rencontre, bon an mal an, son fond de commerce, voire son jour de gloire. En effet, Sidi Saïd, n’a jamais boudé son plaisir, allant jusqu’à anticiper sur les résultats de la tripartite, en annonçant avant tout le monde les résultats, surtout quand cela concerne des augmentations de salaires et de les présenter comme un acquis, arraché de haute lutte. Politique quand tu nous tiens ! En réalité, et nul ne l’ignore, depuis 1991, date de la première tripartite qui s’est déroulée dans des conditions économiques et politiques particulières, des réunions, aussi stériles qu’interminables, qualifiées de marathoniennes, pour donner l’idée de négociations ardues ont meublé ce type de rencontres triangulaires.

En réalité, les décisions étaient prises d’avance en règle générale ou sous la pression, faut-il le rappeler, du Fond Monétaire International (FMI), pour ce qui est de la tripartite de 1991. Comme à chaque tripartite, Sidi Saïd s’approprie le premier rôle, fait son show pour éblouir des travailleurs exsangues, mais néanmoins, sensibles au moindre dinar d’augmentation agité sous leur nez. Même si le Salaire National Minimum garanti (SNMG) a triplé depuis 12 ans, passant de 6000 dinars à 18000 dinars, il est loin de confier aux travailleurs un pouvoir d’achat conséquent, en rapport avec l’inflation à deux chiffres (8,9% en 2012) que connait le pays. 

Des tripartites passées, il faut cependant rappeler que la seule fois où les choses ont été prises en compte, sérieusement, c’est le 28 mai 2011 où fut organisée une session spéciale consacrée "à la recherche des voix et moyens pour soutenir le développement de l’entreprise économique et améliorer le climat des affaires".

Discours redondant, sinon comment expliquer que depuis des décennies que l’on parle d’entreprise et de favoriser la production nationale et de la diversifier, afin de sortir du statut de pays exportateur de gaz et de pétrole et d’importation de Khordawates, on est, encore, au point de départ, loin très loin même des pays voisins ou des pays arabes, dont on arrive même pas à exploiter les difficultés conjoncturelles qu’ils rencontrent, comme par exemple dans le secteur touristique. Pourquoi n’arrive-t-on pas à mettre en place des politiques économiques viables ? Faut-il, pour autant, revenir au bon ministère de la planification, pour mettre de l’ordre dans ce «désordre» ? En outre, si les investissements algériens ne trouvent pas intérêt à aller vers la production nationale, vers la création de l’emploi, il ne faut pas s’étonner, encore moins, s’attendre à ce que les investisseurs étrangers, qu’il y ait la règle du 51/49%, ou même l’inverse, fassent preuve de plus d’engagement. Depuis, l’entreprise reste au cœur de tous les discours politiques, elle est conjuguée à tous les temps, mais de mesures positives sur le terrain, point. Pendant ce temps là, les conflits à l’intérieur de l’entreprise s’intensifient et ils sont toujours perçus négativement alors qu’ils portent sur des revendications socioprofessionnelles, avérées.

L’UGTA pendant ce temps là se contente d’observer les grèves, à partir du banc de touche, pendant que les syndicats, autonomes agissent et gagnent en crédibilité, même si, faut-il l’admettre l’action de certains d’entre-eux n’est pas dénuée d’arrière-pensée… politicienne. 

La quinzième tripartite sera-t-elle exceptionnelle par son contenu, tel qu’annoncé à savoir la relance de l’investissement ? Pour le Premier ministre la solution consisterait en "la création d’unités productives pour que l’Algérie récupère sa base industrielle".

Le ministre de l’Industrie, de la PME et de la Promotion de l’investissement a affirmé, de son coté, que c’est de cette tripartite que sera dévoilée "la nouvelle politique industrielle de l’Algérie". Des préoccupations partagées, semble-t-il, par les organisations patronales qui espèrent «des mesures de facilitation d’accès aux financements bancaires, au foncier industriel ou plus encore à l’assainissement du marché des produits industriels». 

Beaucoup d’espoirs et beaucoup de problèmes en perspective de cette 15ème tripartite, axée sur les questions économiques, qui se tailleront la part du lion, comme aime à le répéter Sidi Saïd qui sera forcé, cette fois-ci, un, de ravaler son égo et deux, partager "son succès" en cas d’abrogation de l’article 87 bis. 

Oui mais voilà, le Premier Ministre lors de l’annonce de cette prochaine tripartite a affirmé «que beaucoup de procédures seront incluses dans la loi de finances complémentaire 2013… pour faciliter davantage le climat des affaires, surtout pour les investisseurs algériens…»

Or depuis, l’on a appris qu’il n’y aura pas de loi de finances complémentaire pour 2013. Et là, à priori, il y a problème ! En effet, il y a toutes ces mesures prises par le gouvernement pour calmer le front social qui risquent d’être problématiques. Je veux parler des crédits sans intérêts, proposés aux jeunes chômeurs de l’Ansej et de la Cnac, qui ont suscité la crainte des banquiers, en l’absence d’ancrage réglementaire les justifiant. 

Il y va de la légalité de toutes les décisions prises à cet effet, d’autant plus que la loi de finances complémentaire, sensée leur conférer la couverture juridique, n’est pas d’actualité. Différer les textes juridiques les concernant et l’impact financier en découlant pour les inscrire dans la loi de finance pour 2014, c’est, par ailleurs, non seulement alourdir cette dernière mais également embarrasser davantage les responsables de banques qui sont, pour le moins, gênés aux entournures dans ces histoires de crédits sans intérêts, distribués à la volée. Si on ajoutait le souci de l’organisation patronale la plus importante, j’ai nommé le FCE «qui déplore le retard pris dans la concrétisation sur le terrain, de la réforme du système financier et bancaire et l’absence de prospectives pour les secteurs maritimes et portuaires, on se pose légitimement la question : la tripartite, pour quoi faire ?

Oui pourquoi faire, sachant que l’investissement productif en Algérie, ne représente que 2% du PIB hors hydrocarbures et hors dépenses publiques, selon le FCE. Et les choses vont perdurer ainsi, d’autant plus que le baril de pétrole augmente, augmente et augmentera encore, si à Dieu me plaise, Obama et son congrès décident de frapper la Syrie et embraser toute la région du Moyen-Orient. De plus, comment va-t-on aborder cette question de relance de l’investissement, alors que perdurent, encore, selon le FCE, le blocage de l’information économique, le recours obligatoire au Credoc et l’absence d’efficacité des chambres de commerce, qui sont autant d’obstacles empêchant la relance de l’investissement. Je ne parlerais pas, ou très peu, de l’article 87 bis relatif aux relations de travail qui, selon Tayeb Louh, ancien ministre du Travail, "ne facilite pas la tâche du gouvernement…et crée beaucoup de problèmes".

A noter que le gouvernement ne parle que « d’amendement » de ce fameux article 87 bis, au moment où le Secrétaire Général de l’UGTA parle de son «abrogation» et ce n’est pas une simple question de sémantique à mon avis. Je subodore, personnellement, son abrogation prochaine ; elle fera certainement des heureux dans les rangs des travailleurs, qui en tireront quelques profits. Elle rendra aussi plus heureux le Secrétaire Général de l’UGTA qui la brandira comme un scalp obtenu de haute lutte et remerciera, au passage, le président de la République «pour la confiance placée en lui». Oui je sais, la formule n’est pas de lui, mais elle lui sied en pareilles circonstances ! 

Les travailleurs feront semblant de le croire et s’en retourneront à leur triste quotidien qui a, au moins, ému la fédération algérienne des consommateurs qui a lancé un appel au Premier ministre, lui demandant "l’ouverture d’une enquête approfondie sur les mécanismes de régulation du marché, de mesurer leurs effets et leur efficacité sur le terrain et procéder à la poursuite des responsables qui exposent le pouvoir d’achat des consommateurs à l’effondrement". Tout un programme !

Pendant ce temps là, on continuera, dans notre pays, à se rejeter la balle longtemps : c’est pas moi c’est l’autre, ou l’éternelle chicanerie du rôle de l’Etat régulateur, de la responsabilité des producteurs, de la non maîtrise des prix des matières premières qu’on ne produit pas, de l’anarchie de la consommation, de la faiblesse de l’agriculture, de l’industrie, etc. On retrouvera aussi la même agitation du coté des travailleurs pour cause de pouvoir d’achat en berne, d’inflation galopante et des prix qui s’envolent. 

Oui mais jusqu’à quand continuera-t-on à fuir ces problèmes, qu’au final on réglera à coups de subventions qui en définitive "ne profiteront qu’aux profiteurs", ce qui ajouterait encore au désordre social ? A moins de reformuler l’ordre du jour de cette prochaine tripartite, de l’élargir à un grand nombre d’intervenants et de décider de débattre de la thématique qui nous intéresse, celle consistant à plancher sur "le passage d’une économie de rente à une économie de production, seule manière de réhabiliter la notion de productivité et de relier les revenus à la production".

En définitive, peut on dire que la tripartite n’intéresse personne ? Non bien sûr, puisque : Les patrons trouveront toujours leurs comptes. Le gouvernement pour sa part, assure et rassure tant les citoyens, les partenaires sociaux que les opérateurs, sur le bien fondé des mesures qu’il engage à leur profit. Le secrétaire général de l’UGTA, grand gagnant, qui retirera, à coup sùr, le plus grand bénéfice de ce type de rencontre et qui, bien sûr, ne boudera pas son plaisir.

Il reste les déçus, c’est tous ceux qui sont de l’autre coté du miroir et qui se réveilleront avec la gueule de bois, conséquemment aux titres affichés par leurs quotidiens nationaux : "La tripartite a accouché d’une souris !". Alors, permettez moi pour ma part, non seulement d’être réservé quant à l’issue de cette tripartite, mais également de garder ma liberté de penser et de dire «la tripartite, pour quoi faire ?»

Cherif Ali

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Commentaires (2) | Réagir ?

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Massinissa Umerri

je ne peux lire votre machin du moment que tout ce brahaha, se resume au pouvoir d'achat, c. a. d. inflation et salaire. on achete tous les jours et on n'est pas paye' a la journe'e. Vous parlez d'inflation ANNUELLE pour 2012, n'indiquez pas la mesure quand au SNMG. Vous citez 18. 000 dinards, est-ce de l'heure, la semaine, ou la vie ? Ici aux USA, il est toujours exprime' a l'heure. Qu'en est-il des 18. 000, que vous citez?

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Nassima Chaouech

L'UGTA est un mal à eradiquer.