Samantha Power, l'inattendue ambassadrice Par Mohamed Benchicou

Samantha Power
Samantha Power

Pour nous Algériens, cette femme rousse flamboyante, sportive et journaliste est une parfaite inconnue, sauf pour ceux qui suivent de près les débats d'idées en Amérique et ceux qui lisent Hannah Arendt dont elle se revendique des idées et se pose en continuatrice.

Samantha Power est cette «tête brûlée» qui a préconisé l’envoi d’une force d’intervention américaine dans les territoires occupés par Israël pour mettre fin aux «abus majeurs des droits de l’homme» commis par les deux parties et l'investissement de milliards de dollars non dans l’entretien d’Israël mais uniquement dans le futur état de Palestine. "Je sais que le lobby juif va m’attaquer pour ce que je viens de dire", a-t-elle publiquement déclaré. Membre du staff de campagne de Barack Obama, elle en sera débarquée en 2008 pour avoir qualifié Hillary Clinton de "monstre".

Cela dit, pour nous Algériens, Samantha Power, conseillère pour les droits de l´homme du président Obama depuis 2009, n'est pas tout à fait une étrangère. Ce serait elle qui aurait reçu notre "Lettre au président Obama" (1) dénonçant le projet d'inviter à Washington 18 chefs d’Etats africains, dont le président Bouteflika, pour fêter les 50 ans d'indépendance de leurs pays et "débattre de l’avenir avec ces jeunes dirigeants d’Afrique". "Si vous recevez ces autocrates, Monsieur le Président, vous les laverez de leurs péchés et ils vivront cinquante autres années de votre absolution. Vous ferez pleurer nos Rosa Parks, Mandela et Lumumba. Ecoutez plutôt l’Africain qui rêve et qui se bat. Vous le savez, aujourd’hui, monsieur le Président : on ne peut rien contre un homme qui rêve et qui se bat. Lui seul saura vous raconter l’avenir. Cet homme existe, monsieur le Président. Il est vivant. Il est dans les geôles des potentats, parfois en exil, souvent traqué, ignoré, mais vivant. Il représente les sociétés civiles de l’Afrique muette".

Mme Power, qu'on dit sensible au rôle des sociétés civiles dans le monde et qui serait pour beaucoup dans les deux discours cinglants de Barack Obama à Accra et Le Caire, aurait alors pesé pour annuler cette absurde rencontre avec 18 dirigeants africains pour la plupart illégitimes, et la remplacer par une invitation à des représentants de la société civile africaine. C'est que Samantha Power aurait l´oreille du président. Elle serait parvenue à le convaincre d´intervenir en Libye, en 2011 puis de mettre sur pieds un Bureau pour la prévention du génocide et des atrocités criminelles, qui se réunit une fois par mois à la Maison Blanche. C´est ce bureau qui aurait décidé Obama à évoquer avec Thein Sein, le président birman, les persécutions qui se multiplient dans son pays contre les musulmans.

En vérité, Mme Power a des idées bien arrêtées sur les sujets qui fâchent, notamment le silence devant les génocides. En 2002, marquée par la tuerie de Srebrenica où 8 000 musulmans sont massacrés par les Serbes de Bosnie, elle écrit un livre, A Problem from Hell, récompensé par le prix Pulitzer, dans lequel elle dénonce la frilosité des États-Unis face aux massacres des populations, du Cambodge à la Bosnie en passant par le Rwanda. En 2004, Samantha Power fut l´une des premières journalistes à couvrir le nettoyage ethnique au Soudan, réalisant un reportage à partir des zones du Darfour tenues par les rebelles. 

 Elle se revendique de la continuation de la pensée de la philosophe allemande naturalisée américaine Hannah Arendt, dont elle a rédigé l'introduction de la seconde édition, en 2004, du best-seller Les origines du totalitarisme, publié une première fois en 1951. Divisé en trois parties, "L'Antisémitisme", "L'Impérialisme" et "Le Totalitarisme", le livre d'Arendt a été rédigé au rythme de l'histoire cruelle : Arendt a écrit les deux premières parties dans la première moitié des années 1940, lorsque le fascisme était l'objet de sa peur et une Fédération Européenne social-démocrate son principal espoir. Elle a écrit le dernier tiers du livre en 1948 et 1949, dans les premières années de la guerre froide. Samantha Power utilise cette dernière section pour examiner les génocides récents, "réactualisant" en quelque sorte Hannah Arendt contre son gré, l'analyse de cette dernière étant que le totalitarisme ne cherche pas l'élimination d'un peuple, mais la liquidation de la personne. Pour ses analyses sur al-Qaïda et le Hamas, Samantha Power se base également sur l'analyse d'Arendt de l'impérialisme semble plus pertinente sur le sionisme et l'impérialisme. Des carrières académiques sont construits sur des interprétations de son travail, et le carriérisme, comme Arendt a noté dans son livre sur Eichmann, est rarement propice à la pensée.

Depuis hier, Samantha Power est ambassadrice des Etats-Unis à l´ONU, en remplacement de Susan Rice, nommée conseillère pour la sécurité nationale. Chose incroyable, il a fallu un feu vert israélien pour qu'elle puisse occuper ce poste. La Republican Jewish Coalition et la Zionist Organization of America avaient, en effet, exprimé, en termes très durs, leur opposition à Mme Power. Morton A. Klein, le président au niveau national de la Zionist Organization [of America], avait même écrit dans son communiqué : "Le bilan de Mlle Power montre avec clarté qu’elle est viscéralement hostile à Israël.» Michael B. Oren, l’ambassadeur d’Israël à Washington, avait posté des messages sur Twitter pour saluer la nomination de Susan E. Rice comme conseillère à la sécurité nationale – une fonction qui ne nécessite pas de confirmation du Sénat – et pour louer son prédécesseur, Tom Donilon. Il avait gardé le silence sur Mme Power. Coup de théâtre cependant : vendredi dernier, Samantha Power obtenait un vote de confiance inattendu de la part du représentant de l’Etat d’Israël aux Etats-Unis. Le même M. Oren déclarait qu’Israël "fera bon accueil à quiconque sera désigné par le président et confirmé par le Sénat comme ambassadeur auprès des Nations Unies. Comme pour enfoncer le clou, Barack Obama déclarait dans un communiqué : "Je sais que sous sa direction, notre mission aux Nations unies à New York continuera à représenter le meilleur de la diplomatie américaine".
Signe d'un changement majeur ? Trop tôt pour le dire. Mais quelque chose vient peut-être de se passer du côté de Manhattan.

M. Benchicou

(1) Lire la "Lettre d'un Africain perplexe au président Obama "

 

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Commentaires (7) | Réagir ?

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laid baiid

Samantha ne nous interesse pas Mr MB.

Donnez nous du concret.... la chute du clan Mafieux... la lutte des clans...

Nous gettons vos articles sur ces voyoux du Pouvoir.

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Massinissa Umerri

Mais voyons, ca ne sera jamais la personne, mais le poste. celui-ci est important. Son interet pour les droits des autochtones est tres utile. Esperon s seulement que l'expertise de son mari en loi constitutionnelle (tiens, la meme specialite' que Barack, comme par hasard....), lui servira a octoyer des droits legaux a l'echelle internationale... c. a. d. du genre Darfur.

La question est de savoir si dans le droit a la difference, elle nee percoit que du black-and-white, c. a. d. la race seulement, ou consideront-ils le plus important dansune personne sa culture.

Vous savez, je me crompe toujours a ma chaise, quand j'enttend un Italien, Irelandais, et d'autres encore qui insistent que les Mexicains apprennent l'Anglais aux USA - Ce sont souvent des Democrates et des gens sans aucun lien avec l'Engleterre sinon un antecedant de domination par les Anglais. Leur loupe est insensible a tout, sauf a la couleur de la peau.

Ils se font tous ennemis des Allemands dans leur socialisme hypochrite. En fait, ils ne detestent dans l'allemand que le rappel, que les Allemands ne les voyaient point differents des autres. Des orientalistes Americains, a la francaise, ca existe. Tous ceux-la qui sont democrates, qui adorent Jefferson mais pas Washington. La ddifference? Jefferson voulait un roi, que Washington devienne emperreur des USA, et le Washington a dit non merci, je rentre chez moi m'occuper de mes vaches, que chacun s'occupe des siennes.

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R A M E S S E S II

Tous les peuples du monde, essayent de sauvegarder leurs intérêts, et tirent leurs pays vers plus de démocratie, de transparence sauf nos Byzantins d'Alger!

Maintenant, cette lettre, il faudrait la rééditer et la renvoyer à Chakib Khalil non pas par voie diplomatique mais dans un pipeline!

RMII, the Ugly -Snake

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