Y a-t-il un conflit entre Ferial et le ministère algérien de l’Energie ?

La société Fertial
La société Fertial

1.- Ferial et les prérogatives l’IRH

Privatisée en 2005 dans le cadre d'un partenariat avec le groupe espagnol Villar Mir, entré à 66 % dans son capital, la société, devenue Fertial, du groupe Villar Mir, a investi, selon ses responsables 220 millions de dollars (170 millions d'euros) depuis 2005, dont une grosse moitié a servi à moderniser ses unités de production. Elle a enregistré en 2012 ses meilleurs résultats, avec plus de 245 000 tonnes d'engrais produits ainsi que 858 000 tonnes d'ammoniac - l'un des constituants des engrais, essentiellement vendues à l'export. La production s'est accrue de 10 % en dix ans et le chiffre d'affaires a atteint 444 millions d'euros en 2012, contre 284 millions en 2010. Fertial a multiplié ses ventes par trois et son résultat net par 11. Ainsi, ses exportations de l’ordre de 74% de sa production place Fertial comme leader dans le bassin méditerranéen et deuxième dans le monde arabe, derrière l’Arabie Saoudite. Les déchets rejetés par le complexe pétrochimique Fertial sont envoyés selon la direction en France et en Allemagne pour être retraités et recyclés. Selon le site Maghreb Emergent en date du 31 juillet 2013, l'ARH, l'agence de régulation des hydrocarbures a ordonné une baisse de 30% des livraisons de gaz naturel aux deux complexes d’Arzew et Annaba dans une correspondance adressée le 1er juillet 2013 dernier au DG du groupement Fertial propriétaire des deux complexes d'engrais d’Arzew et d’Annaba. L'ARH y somme la société Fertial SPA "de réduire l'exploitation, au minimum technique garantie (...) soit 70% de la consommation actuelle au plus". 

Selon cette correspondance, la décision de l'ARH est motivé par des audits et inspections réalisés en 2013 sur les deux sites de production d'ammoniac d'Arzew et de Annaba, évoquant « la non mise en conformité des installations, le constat de surconsommation en énergie, la non-réalisation des engagements par le Groupe Villa Mir notamment en matière de mise à niveau, d’optimisation de la consommation spécifique du gaz naturel et la mise en œuvre du plan de choc pour la maintenance des installations». Pour rappel l’Agence Nationale de Contrôle et de Régulation des Activités dans le Domaine des Hydrocarbures, appelée «Autorité de Régulation des hydrocarbures» ARH, a été créée en application de l'article 12 de la Loi 05-07 relative aux hydrocarbures. L'ARH est une agence indépendante placée sous l'autorité du ministre de l'Energie et des Mines. en même temps que l’ALNAFT (qui délivre les permis de prospection et non plus Sonatrach) et que conformément à l'article 13 de la loi 05-07 relative aux hydrocarbures les principales missions de l'ARH s'énumèrent comme suit : régulation du marché national des produits pétroliers dont les prix sont administrés; règlementation technique appliquée dans le domaine des hydrocarbures; règlementation relative à la tarification et au principe de libre accès des tiers aux infrastructures de transport par canalisation et de stockage moyennant un tarif non discriminatoire ; règlementation en matière d'hygiène sécurité et environnement (HSE) et de gestion des risques majeurs; cahier des charges de la réalisation des infrastructures de transport par canalisation et de stockage ; application des normes standards établis sur la base des meilleures pratiques internationales ; l’examen des demandes d'attribution de concession de transport par canalisation et soumission des recommandations au ministère en charge des hydrocarbures ainsi que du contrôle de leur application et enfin la gestion de la caisse de péréquation et de compensation des tarifs de transport des hydrocarbures.

2.- Le marché de l’engrais, un enjeu mondial, en expansion

L’ammoniac utilisé dans le commerce est appelé «ammoniac anhydre» et doit être stocké sous pression ou à basse température pour demeurer liquide. Les principaux engrais fabriqués à partir de l’ammoniac sont : l’urée, le nitrate d’ammonium, le phosphate et le sulfate. L’ammoniac est également employé dans plusieurs industries : textile, cosmétique, pharmaceutique, explosif, réfrigération, nettoyage et chimie. L’ammoniac est produit avec de l’air et de l’hydrogène. Comme l’air est gratuit, l’essentiel du coût de production revient à l’hydrogène. «En prenant le gaz naturel comme matière fossile pour la production d’hydrogène, le coût de production dépend entre 70% et 90% de celui-ci. La majorité des autres formes d’engrais chimiques proviennent de l’ammoniac», indiquent les auteurs de ce travail de recherches. Ce qui explique le fait que le prix des engrais soit tributaire de la tendance des cours du gaz naturel. D’autant que 50% des 500 milliards de Nm3/ an d’hydrogène produits dans le monde sont absorbés par l’industrie de l’ammoniac. C’est un marché à plus de 150 millions de tonnes. Avec la tendance à la hausse de la consommation mondiale d'ammoniac, une demande qui augmente de 3% par an, la fermeture prévisible de plusieurs usines à travers le monde du fait du prix élevé du gaz, élément essentiel dans la production de cette matière, la demande est en progression continue. Sur le plan international où la demande est en hausse comme actuellement en Chine et en Asie du Sud, les USA et l’Europe consomment plus de 30 millions de tonnes métriques à eux seuls. Cependant il faut tenir compte de la récession économique mondiale, la crise politique avec l’Iran qui est un grand producteur d’ammoniac qui influe sur le marché, l’Iran pesant le double de Fertial avec une production s’élevant à 1,2 million de tonnes. De sérieuses incidences sont attendues. Il s’ensuit que nous assistons à une volatilité des prix. En 2012 : entre décembre 2011 et janvier 2012, une baisse de 15% soit de 525 dollars à 448 dollars la tonne, contre en 2011 530 dollars la tonne. Les exportations algériennes risquent ainsi d’être dynamisées et ce suite de l'avis de l'expiration de la mesure anti-dumping, qui prenait effet à partir du 22 décembre 2011. La suppression de cette mesure a été officialisée que fin 2011 selon l’APS. Cette taxe de 13% qui frappait jusqu'ici les exportations algériennes d’engrais, avait été instituée par l'UE, suite à une plainte de l'association européenne des producteurs de fertilisants qui avaient considéré que les fertilisants produits dans certains pays gaziers dont l’Algérie, arrivaient moins chers sur le marché européen faussant la concurrence. Mais pour l'Algérie, le prix de cette énergie pratiqué en Algérie et livré aux firmes exportatrices couvre les frais de l'exploration, l'extraction, le transport, le stockage avec une marge bénéficiaire suffisante pour le réinvestissement. Rappelons que la Russie lors de son adhésion à l’OMC a été confrontée aux mêmes problèmes.

3.- Quelles sont les raisons de ce conflit ?

L'actionnaire majoritaire de Fertial évoque selon Maghreb Emergent, un préjudice pour 1300 travailleurs et un réseau de sous-traitants de près de 5000 personnes. Selon les dirigeants de Ferial, existerait une volonté de la part des autorités algériennes de changer la donne patrimoniale au sein de Fertial, en imposant la règle des 49/51%, bien que la loi n’est jamais rétroactive, le premier ministre Abdelmalek Sellal venant en juin 2013 d’affirmer que les investissements préalables à 2009 n’étaient pas concernés. En cas d’application, ira-t-on vers un nouvel arbitrage international ? Les responsables de Ferial y voient également une manière de favoriser d’autres concurrents arguant que la construction d'une nouvelle usine d'ammoniac sur le site d'Arzew a été bloquée par les autorités algériennes au moment où des projets venus plus tard dans la même filière ont été autorisés. Répondant aux critiques de l’organe de régulation, selon les responsables de Ferial, le plan environnemental a connu d’importantes améliorations. Tous les équipements de réduction d’émissions existants. En conséquence, Fertial a obtenu les certifications ISO 9001 de qualité et ISO 14001 de l’environnement et actuellement, 98% de la production est en spécification et est pleinement commercialisable. Sur le plan social, selon ses responsables, l’amélioration des résultats financiers de l’entreprise s’était soldée par un important rattrapage salarial, dont la rémunération moyenne par employé est passée de 81 758 dinars/mois en 2005 à 151 948 DA/mois début 2012. Concernant les critiques d’exportation à l’étranger, il y aurait nécessité de passer par des traders pour la vente de l’ammoniac algérien sur le marché international, l’ammoniac n’étant pas un produit boursier. A cet effet, les prix de vente de Fertial sont calculés sur la base des cours du port de Yuzhny, la seule référence mondiale, une sorte de bourse, étant négociable avec les traders uniquement l’impact de la proximité. Certes, Ferial bénéficie d’un avantage sur le prix du gaz qui intervient à hauteur de 85% dans le processus de fabrication de l’ammoniac, mais Fertial ne fait pas l’exception, étant une formule de prix arrêtée par décret et appliquée depuis 2005. Cette formule est en vigueur pour tous les investisseurs étrangers où le gaz intervient dans leurs activités. Défendant leurs positions, pour les responsables de Ferial, même si le prix du gaz était avantageux, il est impossible de vendre notre ammoniac à des prix supérieurs à ceux du marché devant s’aligner sur les prix internationaux c’est-à-dire ceux de Yuzhny. S’il n’avait pas d’exportation, (90% de la production) que ferait Ferial des 600.000 du moment que l’agriculture algérienne n’en est pas demandeuse ? Aussi, la polémique à propos des prix pratiqués à l'export, pour les responsables de Ferial, la vente d'ammoniac à Fertibria est une polémique qui n'a pas de sens car, l'ammoniac est vendu sur la base d'un prix international qui est très volatil, pouvant fluctuer 190 et 800 dollars selon la loi de l’offre et la demande et le prix de cession du gaz. L'actionnaire minoritaire qui est Asmidal perçoit des dividendes chaque année avec une contre-prestation, même s'il ne dispose que de 34% des actions dans le capital. Cet avantage trouve sa genèse dans le fait que Ferial achète le gaz à un prix avantageux. C'est un pacte entre les deux partenaires selon Ferial.

4.- Les raisons de ce conflit selon l’IRH

Ce n’est pas l’avis de l’IRH pour qui Fertial a l'avantage de bénéficier du gaz à des prix très bas et une main-d'œuvre peu coûteuse. Et que par rapport à ses concurrents (Ukraine et Russie) mais aussi à ceux de l’est du canal de Suez, l’Algérie jouit d’un avantage comparatif déterminant, le marché du bassin méditerranéen étant déficitaire en ammoniac, se trouvant en pôle position pour l’approvisionnement de ce marché qui demande 3 et 5 millions de t/ an. Selon le gouvernement algérien, "pour être vendues, les 600. 000t de Fertial sont annexées aux 2 millions de tonnes de la filiale espagnole Fertiberia, les Espagnols engrangeant de substantielles marges sans en faire bénéficier la partie algérienne. Sur le dos des Algériens grâce à un ammoniac obtenu à partir d’un gaz très bon marché". Les 600 000 tonnes vendues exclusivement à Fertiberia sont en réalité utilisées telles quelle, transformés sur place (en Espagne) en produits rémunérateurs tels que le nitrate d’ammonium et le Di Ammonium Phosphate. Pour l’Algérie, il faut impérativement résoudre définitivement le problème des prix (devant s’inscrire dans le cadre de la directive européenne interdisant le dumping) pour tous les partenaires afin d ‘éviter encore un arbitrage international. Dans ce cadre, quelle sera le prix de cession du gaz pour les nouveaux arrivants ? Notamment avec l’égyptien Orascom et l’omanais Suhail Bahwan Group Holding (SBGH) ? Avec les deux lignes d’ammoniac de 2200 t/j chacune -une ligne pour la transformation en urée et une ligne destinée à l’exportation- et une ligne d’urée de 3500 t/j issues de Sorfert auxquelles s’ajoutent celles d’AOA/Smida – deux pour l’ammoniac, 2200 t/j et deux à 3500 t /j d’urée chacune, l’Algérie va ainsi totaliser quelque 10 000 t d’urée /j. Avec une moyenne de prix actuelle allant de 350 à 400 dollars/t, ces deux nouvelles usines seront à même de générer des ressources s’élevant à 4 millions de dollars/j en moyenne. Sans compter les récents contrats où l’Algérie, le Qatar et la Norvège, lors de la visite récente du premier ministre algérien pour la réalisation de deux usines d’engrais, la première pour la fabrication d’acide phosphorique à Oued Kebrit (Souk Ahras), la seconde à Hadjar Essed pour la production d’Ammonium. Le projet algéro-qatari de Oued Kebrit, dans la wilaya de Souk Ahras porte sur la réalisation d’un complexe d’engrais phosphatés et azotés. L’Algérie est représentée dans cet accord par les filiales Menal et Asmidal relevant du groupe Sonatrach, le Qatar et la Norvège représentant le partenaire étranger. Les usines dont le coût de réalisation s’élève à 3,5 milliards de dollars fourniront dés leur entrée en service (prévue en 2017) plus de 1200 emplois directs. Le troisième et dernier accord porte sur la réalisation d’une unité d’ammoniaque pour la production d’acide nitrique, de nitrate d’ammonium et d’engrais azoté d’un coût global de deux milliards de dollars. L’accord a été signé par la filiale Asmidal (pour l’Algérie) et le groupe norvégien Yara.

En conclusion, à travers le cas de Ferial, le problème qui se pose pour l’Algérie est beaucoup plus profond et interpelle toute la politique socio-économique de l’Algérie dont la politique des subventions et notamment du prix du gaz cédé en Algérie à environ le dixième du prix international source de gaspillage, voilant la réalité de l’efficacité économique. Avec le doublement des capacités d’électricité à partir des turbines de gaz décidé courant 2012, suite aux coupures d’électricité, la consommation intérieure risque de passer de 32 milliards de mètres cubes gazeux en 2012 à 65/70 milliards e mètres cubes d gazeux dépassant les exportations de 2012. Si l’on extrapole 85 milliards de mètres cubes gazeux d‘exportation, et plus la consommation intérieure et au vu de la déclaration du PDG de Sonatrach ayant affirmé le 24 février 2013(communiqué officiel APS) que l’Algérie a seulement 2.000 milliards de mètres cubes gazeux de réserves de gaz conventionnel, l’épuisement des réserves tournera entre 2025/2030. Est donc posé, pour l’Algérie, le problème de la sécurité et de la transition énergétique.

Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités, expert International en management stratégique

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Commentaires (2) | Réagir ?

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Massinissa Umerri

A+, a chickh Mebtoul.

En reponse a votre derniere question: D'ici-la, un Qatari ou norvegien disposeront d'un portefolio d'investissement confortable dans les societe's, produits etc. companies qui seront performantes d'ici-la, c. a. d. qu'ils seront toujours dans le jeu (de la vie bien-enttendu) - car leur travail aujourd'hui degage suffisemment de sorte a vivre aux standards internationalesmais aussi avec un petit extra investi. Peut-on dire la meme chose de l'Algerien compare' a ces homologues norvegien ou qatari?

C'est tout de meme incroyable que l'algerie importe des produits agricoles, malgre' son export d'angrais et autres, et avec des terres infinimment plus fertiles, helas couvertes de beton, lui aussi importe' et plante' par du travail importe'... l'aagerien n'a pas le temps - tres busy a prier !

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R A M E S S E S II

Et la solution Monsieur Mebtoul? Je pense que les bénéfices de l'Algérie ne sont que de petites miettes, pauvre peuple Algérien, rien ne se fait dans la transparence!

Et pourtant dans la constitution, on est un pays musulman donc non voleur ou bien c'est juste des mots en l'air, cette religion n'est que parole et mensonge!

La solution y a Si Mebtoul, se trouve dans le système financier Algérien, trouvez-vous normal qu'un pays assis sur 200 M$ et que sa propre monnaie se dévalue de jour comme de nuit au vu et au su de tout le monde?

C'est quoi, est ce une monnaie de singe ou d'animaux?

Déjà, si l'organisme de contrôle Algérien surement a raison de fermer cette usine, déjà pour laisser la place aux nouveaux réseaux, qatari et machin, c'est clair et deuxièmement, aucune usine n'est conforme aux directives Européennes du point de vue environnemental, pas de laveur de gaz, pas de filtre conforme, pas de retraitement des effluents, pourquoi retraité les déchets en France, n'est ce pas une façon de blanchir de l'Argent via des sociétés écrans pour faire fuir des devises?

L'IGF doit se pencher sur ses malversations, et je trouve hallucinant quand au prix qui oscille entre 200 et 800 $/t, c'est quoi ce marché de dupes, on ne vend pas des tomates ou des fraiches, depuis quand l'Ammoniac, un produit essentiel dans presque toutes les industries à travers le monde pourri on Storage.

Je trouve que l'Algérie doit faire attention, à tous ce qui est usine d'Aluminium, de phosphate, de Nitrate, .... pourquoi les industriels fuient l'Europe et s'installent dans des pays limitrophes et producteurs de gaz de préférence, parce que les normes ne s'appliquent pas comme en Europe, la corruption est passée par là!

J'ai posé une question à un salarié de l'usine de fabrication du Poulet du coté de Taboukert (Tizi-Ouzou), tout le monde connait cette usine, en passant à coté on dirait une "Charogne" "El Djiffa", pas une usine à Poulet, je me suis quand même posé la question le pourquoi de cette odeur, est ce, de la dioxine ou du gaz Sarin! Au final le salarié m'a expliqué, que cette usine est importée d'Italy mais sans la partie, traitement des gaz en gros sans laveur de gaz et sans la partie traitement des effluents et des odeurs, mais sur les plans projets As Built, cette partie existe bel et bien! Le comble juste à l'entrée de cette usine, un barrage de gendarmes, les Pôvres, ils vont tous mourir d'un cancer, un terrorisme nouveau genre!

C'est ce genre de projet dont il faut se méfier, les cancers qui explosent en Algérie ne sont pas dû au hasard, chaque chose à une origine!

RMII