Retour sur les 80 jours "parisiens" de Bouteflika / 2. LES FAUSSAIRES

Retour sur les 80 jours "parisiens" de Bouteflika / 2. LES FAUSSAIRES

Un cordon de mensonges, de contrevérités effrontément soutenues, a entouré l’hospitalisation du président de la République durant 80 jours. Objectif : ne rien laisser filtrer qui puisse justifier la mise en application de la procédure d’empêchement prévue par l’article 88 de la Constitution algérienne "pour cause de maladie grave et durable". Cela eut été une réaction somme toute logique dans un pays gouverné par le bon sens.

C’est ce qu’avaient pensé les quelques têtes de l’opposition, du monde des médias et de l’élite intellectuelle qui se mirent à parler, trop tôt, de «l’après Bouteflika», persistant décidément à vouloir pratiquer la politique sans cynisme, gagnés par cette euphorie, souvent irrésistible, qui nous porte à croire à la victoire de la vertu sur le vice, de la morale sur le clanisme, de la science sur l'improvisation, du savoir sur l'ignorance, voire du patriotisme sur le népotisme... De nombreux acteurs politiques estiment qu’après 45 jours d’absence du Président pour cause de maladie, il faut déclarer l’état d’empêchement, écrit le quotidien El Watan de ce lundi 10 juin tandis qu'à Paris, le très sérieux Valeurs Actuelles donne une information "recueillie par la rédaction aux meilleures sources" et selon laquelle l'état de santé du président Bouteflika c'est très sérieusement dégradé, qu'il serait inconscient mais, précise le journal, "la nouvelle est gardée secrète pour mieux verrouiller sa succession, sur les plans politique et financier, après 14 ans de pouvoir sans partage." À Alger, d'autres informateurs affirment à des journalistes, ce lundi 10 juin, que "les décideurs sont en pleines tractations sur les scénarios possibles pour la succession et privilégient une transition douce." El-Watan croit savoir que les dits décideurs, pris de court par la brusque rechute du Président, le 27 avril dernier, veulent gagner du temps en repoussant l’échéance. Ils croyaient qu’était venue, enfin, l’heure qui délivrerait enfin l’Algérie de cet homme qui, à contresens d’une société qui s’autonomisait autour des valeurs de modernité et de démocratie, avait imposé un pouvoir personnel, absolu.

…Mais Saïd veillait...

Pour prouver que le président est encore actif et qu'il ne relève pas de l'article 88 de la Constitution, Said ose même un spectaculaire subterfuge : parler à la place de son frère ! C'est ainsi que deux jours à peine après l'hospitalisation de Bouteflika au Val-de-Grâce, l'agence de presse officielle diffuse un curieux message du président à ses concitoyens, les rassurant sur son état de santé. "Il m’est très difficile, alors que je me trouve dans un hôpital à l’étranger, de ne pas être, pour la première fois, aux côtés du peuple algérien pour célébrer la Fête des travailleurs et assister aux finales de la Coupe d’Algérie de football et de la Coupe d’Algérie militaire de football. Quelles que soient les circonstances, je partagerai avec les filles et les fils de ma patrie leur joie en cette journée. Alors que je continue à recevoir des soins médicaux, je tiens à remercier Dieu Tout Puissant de m’avoir permis de me rétablir et d’être à présent sur la voie de la guérison. Je tiens également à rassurer mes chers compatriotes et à les remercier pour leurs prières et leurs messages de sympathie. Je saisis cette occasion pour exprimer à toutes les travailleuses algériennes et à tous les travailleurs algériens mes voeux sincères et fraternels à l’occasion de la Fête des travailleurs, leur souhaitant de réaliser leurs aspirations au développement, à la prospérité et au bien-être.Je m’adresse à la famille sportive et en particulier aux amateurs de football en souhaitant que les finales de la Coupe d’Algérie de football et de la Coupe d’Algérie militaire de football soient des évènements qui fassent honneur au sport algérien et une fête empreinte de concorde et de fraternité. Je salue les équipes en lice et félicite d’avance les deux futurs vainqueurs".

Nous sommes bien face a une opération de séduction. En 14 ans de règne, c'est la première fois que le président envoie un message de félicitations à l'occasion de la fête du travail du 1er mai ! C'est dire... Mais non content de cela, Said Bouteflika, dans le but de gagner la presse algérienne à sa cause et redorer le blason de son frère auprès des journalistes, fait diffuser un communiqué dans lequel le président Bouteflika, en bon prince, décrète la journée du 22 octobre, "journée nationale de la presse", en hommage, précise-t-il, à la parution, le 22 octobre 1957, du premier numéro du journal El-Mouqawama El-Djazairia (La résistance algérienne), organe du Front de libération nationale (FLN) et de l’Armée de libération nationale (ALN). La ficelle est trop grosse. A Alger, la corporation accueille avec un haussement d'épaules cette bizarre initiative. C'est que ce geste du président qui s'est voulu noble, porte, grossièrement, les marques de l'arrière-pensée et de l'insincérité. Cette presse algérienne dont il loue la contribution à "la promotion de l'homme, la défense des fondements de la société", cette presse, il ne l'a jamais reçue à la présidence en 14 ans d'exercice, triste performance quand on sait que le président Boudiaf, lui, avait rencontré la presse de son pays sept fois en six mois d'exercice ! Alors, à quoi la presse Algérienne doit-elle, aujourd'hui, ce brusque retour en grâce ? Difficile de ne pas y voir une initiative intéressée d'un président qui se prépare à entrer en campagne. Le chef de l'État, qui prépare une offensive pour le quatrième mandat, utilise la presse comme munitions bon marché. C'est carrément écrit noir sur blanc. Le président, craignant que le mérite ne soit pas remarqué dans toute sa dimension, prend même soin de souligner qu'il a pris cette décision "bien que me trouvant à l’étranger", nous laissant le devoir de nous incliner devant tant de commisération. La presse touchée par le Val-de-Grâce, en quelque sorte !

Tout ça pour dire qu'il sera bien difficile d'absoudre en un message, intéressé de surcroît, 14 années de brimades (Bouteflika reste le président qui aura emprisonné le plus de journalistes durant son exercice) et de mépris. Le dédain présidentiel pour les journalistes est symbolisé par cet humiliant sobriquet de "Tayabet El Hammam" jeté à la face des journalistes algériens dont, curieusement, il découvre aujourd'hui "la contribution et le rôle au service du progrès de la prospérité de la nation".

Qui signe à la place du président ?

C'est la question que se pose ouvertement le quotidien El-Watan. "Les décrets publiés seraient-ils signés par un autre responsable de l’Etat, comme le laissent croire certaines rumeurs ces dernières semaines ? Selon Mme Benabou, les pouvoirs exclusifs qu’attribue au président la Constitution dans son article 87 ne peuvent être délégués. Pourquoi ne contrôle-t-on pas donc la constitutionalité de ces textes ? Pour Mme Benabou, le Conseil constitutionnel n’a jamais eu à contrôler la constitutionnalité d’un décret présidentiel, sauf une fois à l’initiative du chef de l’Etat en exercice pour annuler, au début des années 2000, le texte instituant le gouvernorat du Grand-Alger signé par l’ancien président Liamine Zeroual. A vrai dire, l’Algérie traverse une situation de non-droit à cause de la maladie du président Bouteflika, dont l’opinion algérienne ne connaît ni l’évolution de son état de santé ni n’a une visibilité sur l’avenir du pays. Pour certains observateurs, dans un tel contexte, c’est le politique qui intervient pour résoudre les problèmes, mais la politique obéit visiblement à d’autres agendas, et surtout à des logiques de pouvoir."

Le journal appuie ses doutes par des clarifications de la constitutionaliste Fatiha Benabou pour qui "le sceau de l’Algérie ne doit pas sortir du territoire national. C’est une question de souveraineté nationale. Les actes de gouvernement ne peuvent pas être décidés à partir d’un territoire étranger sauf dans une situation de guerre"

Autrement dit, la Loi fondamentale ne permet pas au Président de le faire, sauf s’il y a eu une volonté de tordre le cou à la Constitution.

Pour terminer, le quotidien se demande perfidement : "Le chef de l’Etat a-t-il alors signé ces textes aux «Invalides» de Paris, dans l’espace de souveraineté française, sous le portrait du président français François Hollande ? On n’a aucune image le montrant dans ce moment solennel, apposant sa signature sur les textes promulgués dans l’espace de l’ambassade algérienne à Paris. Si ce n’était pas vraiment le cas, on serait certainement dans une situation inédite de viol de la Loi fondamentale."

L.M.

Lire aussi :

- Retour sur les 80 jours "parisiens" de Bouteflika / 1. L'OMERTA

- Retour sur les 80 jours "parisiens" de Bouteflika / 3. LE PROTÉGÉ

- Retour sur les 80 jours "parisiens" de Bouteflika / 4. LE SOUTIEN FRANÇAIS

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Commentaires (3) | Réagir ?

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Khalida targui

depuis quand le peuple algerien se pose la question sur ce qui se passe chez les fakhamates, il s'en fout, et puis la constitution ils l'adaptent à toutes les charkchoukhates

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laid baiid

En Algérie qui se fiche de la constitution, des decrets, de la présidence, de l'armée.. du moment que les panses sont pleines. Les institutions sont aux mains de l'Etat, qui a permis leur corruption pour pouvoir les tenir en lesse. Les journalistes, lesquels?? en reste t il?

Ceci doit être le travail des partis d'opposition celui de réveiller le peuple dont plus de la moitié est déjà corrompue par les crédits en tout genres... Ils attendent tous le decret effaçant ces dettes....

De quell opposition parle t on, ils ont été à la Mangeoire, sans rechigner.....

Les Islamistes?? qui sont ils?? De grands estomac avide et toujours prêts à toutes alliance.

Moi je dis que ce SAID est un véritable génie et un grand startège... Et il n'est qu'informaticien....

Si seulement il venait à travaillait pour l'Algérie!!!!

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