Empêchement du président : "Conseil constitutionnel ou Conseil anticonstitutionnel" ?

Pourquoi tant de secret sur une maladie ?
Pourquoi tant de secret sur une maladie ?

Depuis quelques jours, le mot impeachment, ce substantif dérivé du verbe empêcher dans son sens politique précis est pratiquement sur toutes les lèvres. En droit procédural c'est la situation dans laquelle se trouve un magistrat de n'être pas en mesure d'accomplir les tâches de son emploi, en particulier, de ne pouvoir siéger pour connaître d'une affaire particulière.

Selon la Constitution de 1996 modifiée, c’est l’article 88 qui régit expressément l’empêchement en ces termes : "Lorsque le Président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l'impossibilité totale d'exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel, se réunit de plein droit, et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose, à l'unanimité, au Parlement de déclarer l'état d'empêchement". 

La procédure est donc claire. Après donc une absence prolongée qui approche les deux mois, il appartient au Conseil constitutionnel de s’autosaisir et de constater l’empêchement (???????). Les voies et moyens expressément mentionnés dans la Constitution sont là. Après plus d’un mois, nous en sommes au quarantième jour, alors qu’au tout début on voulait nous faire admettre qu’il ne s’agissait que d’une "banale" ischémie ; entre les premières déclarations et le lourd silence, y a plus besoin de photo. Les bulletins émis par les pouvoirs publics officiels, que sont les services de la présidence, du Sénat et du Premier ministère ont tous reconnu et annoncé la maladie du président; même s’ils ont chacun à sa convenance essayé d’en nuancer les contours, ce qui les a totalement discrédité, sachant au passage qu’aucun officiel, y compris le Consul général et l’Ambassadeur et ami du Président Missoum Sbih, n’ont pu rendre visite au patient. Peu à peu le doute a remplacé la patience. Désormais, la rue s’installe dans l’après-Bouteflika. 

Pourquoi tant de secret sur une maladie ? N’y a-t-il pas autre chose qui empêche et les visites et les bulletins officiels, les vrais, pas les canulars. Et parmi les griefs les plus importants, c’est que le titulaire de la fonction présidentielle a renoncé depuis déjà quarante jours à tous les actes officiels et habituels liés à sa fonction. Si au début, on voulait bien croire à un malaise passager, ce que les officiels n’ont cessé de dire, faire admettre, après près de deux mois d’absence injustifiée auprès des électeurs et c’est leur droit, cela constitue ni plus ni moins qu’une vacance en bonne et dû forme de la fonction. En tout état de cause et quels que soient les arguments avancés par les uns et les autres, à commencer par le ministre 1er du groupe, le doute est bien là. Désormais, les capacités de l’homme à revenir aux commandes, n’est plus qu’un souvenir, sauf pour les tambourins et autres amateurs de fraude et de mensonges à l’instar de la trotskiste Louiza, son ami Sidi Said et toute la faune de prédateurs souteneurs du programme virtuel de son "excellence"». S’agissant du cas précis, savoir, l’empêchement, l’instance compétente pour procéder à cette qualification juridique n’est autre que le Conseil constitutionnel même si le Président de cette instance fait partie du "clan présidentiel". Les preuves tangibles (la maladie est apparente, le sujet hospitalisé et le pouvoir vacant), ne prêtent nullement à confusion et interdisent à leurs auteurs de se murer dans un silence de "cimetière".

Il est utile de rappeler que cette instance ne diffère en rien de celle qui l’ont précédé. Tout le monde s’en rappelle le soir du11 décembre 1991. Ce soir là, la TV montrera des images pathétiques et combien frustrantes, où Abdelmalek Benhabyles, «Socrates» pour les intimes, alors président du Conseil Constitutionnel, la main tremblante et le visage livide, recevoir la lettre de démission présentée à lui par feu le président Chadli. Et parce que le Conseil Constitutionnel n’avait pas pu ou su assumer ses prérogatives, le pays basculera dans une grave crise qui durera prêt de dix années de destruction, de feu, de sang et de larmes.

Le Conseil Constitutionnel, version Bouchair, lui est resté plus de six mois sans tête, jusqu’à la veille des élections présidentielles de 2004, qui verra un ami et proche du Président tout à fait étranger au corps de la magistrature, se voir confier la direction du conseil, il s’agit de Boualem Bessaih, qui à son tour ne dérogera pas à la règle de violation de la Constitution. Il se verra prolonger le mandat au-delà de ce que la Constitution fixe comme règle absolue. Mieux, hors délai, il validera toutes des lois organiques votés par le parlement en janvier 2012. Le mandat au niveau de cette instance constitutionnelle est fixe, non renouvelable et non extensible ; En d’autres lieux, les lois organiques entérinées hors délais sont frappés du sceau de nullité. Hélas, comme le dit si bien notre ami Hakim Laâlam ; c’est à nouveau Louisa Hanoune qui est montée au créneau affirmant «j’ai des informations que je tiens d’un haut responsable de l’Etat qui m’a assuré que l’état de santé du président Bouteflika est en constante amélioration et qu’il va bientôt rentrer en Algérie pour poursuivre sa mission» en attendant, nous continuerons à fumer du thé.

Ce sont là quelques ingrédients, pas tous qui ont permis les violations et atteintes à la Constitution, et qui ont abaissé la notion d’Etat de droit. En plus de la maladie, un autre fait gravissime est venu alourdir la situation. Il s’agit de la signature en terre étrangère d’un document de souveraineté. Il s’agit donc de deux cas bien définis par les articles 87 (décret présidentiel signé à l’étranger) et de la vacance définie par l’article 88. Se dérobant derrière un "non-dit" dans la Constitution en vigueur, cette institution, dont le rôle principal consiste à défendre l’Etat Nation et non le prince, continue à s’abstenir malgré une absence prolongée suite à une maladie handicapante suivie par une atteinte à la souveraineté nationale.

Il est vraiment dommage que certains constitutionalistes dont Maître Rekhila ancien membre du CNT et du conseil constitutionnel, et Mme Bennabou professeur en droit constitutionnel, se sont tous les deux exprimés sur le cas de l’espèce, quant à la signature extra muros d’un document officiel de la république Algérienne. Si Maitre Rakhila avait justifié l’acte anti national par «un non dit» dans la constitution, Mme Bennabou, elle, est allé jusqu’à supposer que le document aurait été signé bien avant la maladie du président, comme si le président s’était donné rendez vous avec la maladie à Val-de-Grace le 19 mai 2013. Avec tout le respect pour nos deux éminents , nous leur disons que les motifs invoqués pour justifier l’acte «anti national» ne tiennent pas la route. La présidence étant une institution républicaine, pas une "boutique" cf. Sellal de tels documents de souveraineté ne peuvent en aucun cas être signé par le président en dehors de la date de leur émission, -19 mai 2013- d’une part et que le droit positif fait chaque fois qu’il y a vide ou manque "non-dit" il est fait appel à la jurisprudence. Sinon quoi sert –elle cette jurisprudence ou "ijtihad" ? S’agissant du cas précis de la signature par le président de documents officiels en terre de "l’ancien colonisateur", il n’y a qu’à se remémorer la Soummam, Evian, St'Egidio…, N’est ce pas les lieux où ont été établi et signé ces documents qui ont font référence, non le pays ou la ville dans lesquels ils ont été établie (Algérie, France, Italie). 

Plus grave encore, la publication de documents officiels par la presse privée proche du "clan présidentiel", montrant "en couleurs" l’original d’un décret présidentiel signé le 19 mai au Val-de Grace, donne là plus d’arguments au conseil de s’autosaisir sans attendre le feu vert de qui que ce soit. Là j’ouvre une parenthèse : pourquoi le Parquet ne s’est pas autosaisi pour connaître l’auteur des fuites d’un document officiel, remis à un organe privé (TV et journal Ennahar). 

Indépendamment de l’action pour dans l’Art. 169 de la Constitution de 1996 modifié en 2008, Il est bien spécifié que "lorsque le Conseil constitutionnel juge qu'une disposition législative ou réglementaire est inconstitutionnelle, celle-ci perd tout effet du jour de la décision du Conseil", le décret présidentiel en question étant régi par l’article 87, de la constitution. La signature d’un tel document "extra muros" particulièrement en terre de l’ex colonisateur et dans une structure hospitalière militaire, n’entache-t-elle pas la souveraineté nationale ? L'empêchement que devrait prononcer le Conseil Constitutionnel, s’articulerait sur deux manquements : le premier en relation directe avec la maladie et le second en relation directe avec la dignité de la fonction.

Au vu de ce qui précède, tout indique que le Conseil constitutionnel s’il veut éviter au pays le scénario 1992, se doit impérativement de prendre les responsabilités qui sont siennes en engageant la procédure d'empêchement à l'égard du Président de la République, même si celui-ci a pour nom Abdelaziz Bouteflika. Que les membres de cet organe montrent un peu de courage et de patriotisme ; la "culture de l’Etat" doit primer sur celle du "culte du zaim".

Smail Saidani

Jil Jadid

Membre de la commission de rédaction de la Constitution de 1996

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Commentaires (15) | Réagir ?

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farouk bougandoura

il n' y a qu'une seule solution pour éviter le problème bensalah (origine marocaine) pour décréter l'empechement:

autodissolutiondes 2 chambres

automatiquement l'interim sera confiée à bessaieh, qui lui, est d'origine algerienne.

sans ça, y aura un grave probleme constitutionnel pour invoquer l'article 88.

une situation de blocage est à l'horizon (qui d'ailleurs est bouché)

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R A M E S S E S II

Monsieur farouk bougandoura:

Est ce que celui qui vient de passer 14 bonnes et loyales années à la tête de l'Etat Algérien est un pure souche Algérien, celui qui est rentré en France en 1958 avec un passeport Marocain pour rencontrer Ben Bella, lui même un Birbirouche Marocain, toujours, article 00 de la constitution, le président de l'Algérie doit être Marocain d'origine ou Algérien née au Maroc ou sa famille réside au Maroc, pas en Kabylie, pas à Batna, ni Constantine, ni Tamanrasset d'ailleurs, il faut qu'il vient du Maroc, ça donne envi de snifer cette affaire de l'article 88, et puis si Bouteflika est là ou il n'est pas là, vous avez remarqué une différence, Nada!

La vacance du pouvoir depuis Massinissa et Kahina jusqu'à ce jour d'ailleurs, lorsque un Roi vient de l'Est, l'Algérie retrouve sa stabilité et dés que ça vient de Kabylie, ça déborde! et pire quand ça vient de l'Ouest !

Le délire

RM II Alias Ysl Mld

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Khalida Tichert

Vous me faites bien rire avec vos commentaires sur le conseil constitutionnel et la constitutionalité des choses!! Comment voulez-vous que Boutef et sa clique, DRS et tous les autres inclus, respectent quoi que se soit. Ces gens la ont déjà bafoué la constitution plusieurs fois: en long, en large et de travers.

Les peuples ont toujours les dirigeants qu'ils méritent, l'indépendance et l'émancipation s'arrachent par un combat quotidien de toutes les élites contre l'injustice et les passe-droits. C'est la conscience collective des algériens qui peut sauver la mise en élevant les valeurs d'honneur et de dignité et en refusant toutes les compromissions et les soumissions pour avoir droit à quelques miettes des richesses fantastiques de ce pays.

Tout se concocte à Paris et les algériens doivent comprendre que l'Algérie est toujours sous tutelle.

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