Propaganda : Les attachés de presse de Bouteflika sont en campagne

Propaganda : Les attachés de presse de Bouteflika sont en campagne

Par Ghania Hammadou

L’offensive est plus feutrée mais non point invisible : le virage n’est pas passé inaperçu. Les stratèges en « communication » ont pris en main la campagne pour le viol de la Constitution, préalable au mandat à vie convoité par Bouteflika, inaugurée par des grands shows à l’américaine, sauce Belkhadem. Fini les bains de foule, les spectacles de rue trop risqués, la bataille se déroule à présent sur le terrain médiatique - un terrain maîtrisé, parfaitement « sécurisé », neutralisé par les moyens de la carotte et du bâton. La propagande, désormais appelée communication, est une technique vieille comme la politique. Ses missions ? « Fabriquer du consentement » pour… « dompter le troupeau dérouté », nous explique Noam Chomski dans Propaganda, un recueil d'articles sur les instruments de manipulation de l’opinion en démocratie.

La campagne de Bouteflika procède selon les mécanismes décrits dans le livre du célèbre linguiste, et pour des buts identiques. Des chargés de la communication opérant comme des attachés de presse professionnels contactent des rédacteurs attitrés (pas forcément les meilleures plumes des rédactions) pour leur proposer en exclusivité des « informations » confidentielles sorties toutes chaudes des coulisses du pouvoir ou de ses cercles proches (plus c’est haut, plus l’appât est attractif). Objectif ? Faire émerger une opinion favorable au président en imposant une grille de lecture de ses projets qui renvoie de lui l’image d’un démocrate. Bref…, dompter le troupeau et fabriquer le consentement. Encore et toujours !

Avec une presse pervertie par la censure ou l’autocensure, une profession dévoyée par la quête permanente du scoop et de l’inédit, il ne manque pas d’ambitieux Rastignac pour se prêter au jeu. Le rôle n’exige pas du reste de talent particulier : les chargés de la com’ mâchent le travail au journaliste qui se contente de signer l’article. L’informateur fournit l’info et l’argumentaire, assignant le « rédacteur » à un simple rôle de caisse de résonance. La campagne de communication peut se déployer à travers plusieurs journaux, et se répéter simultanément autant de fois que l’on veut. Ce qui s’est passé récemment.

On a vu des plumes inspirées par les sources anonymes, mais « bien informées », labourer le terrain de la « révision » constitutionnelle, creuser le même sillon, toujours dans le même sens, celui voulu par ces attachés de presse. Grâce à ce plan communication, l’opinion ainsi travaillée, sans cesse ramenée vers le même thème - révision constitutionnelle, candidature présidentielle, - décliné au travers d’une même grille de lecture, finirait, c’est l’objectif visé, par adhérer au message. Et l’omniprésence médiatique masquant la désertion de la fonction, même absent, Bouteflika continuera d’occuper la scène politique.

Durant cette offensive médiatique, à quelques exceptions près, l’ensemble de la production éditoriale consacrée à cette question, s’appuyant sur un même schéma d’analyse, a reproduit une vision caricaturale d’un espace politique animé par les manœuvres de deux uniques acteurs - Bouteflika et l’Armée, ou, du moins, un ses service -, un espace clos d’où rien ne filtre, sur lequel ne pèsent ni enjeux géostratégiques, ni conjoncture international, ni mouvement social. Tout la complexité de la société algérienne est évacuée et l’histoire expurgée, rétrécie à la dimension d’un supposé affrontement souterrain entre deux protagonistes. Le débat canalisé est entièrement focalisé sur un pseudo affrontement entre, d’un côté, un « angélique » président de la République, et, de l’autre, une « maléfique » DRS, et tout l’espace politique national réduit à ce face-à-face entre ces deux acteurs, présentés jamais comme alliés, toujours comme ennemis. Car, il faut à tout prix casser l’image contreproductive d’une connivence entre les deux parties, détruire l’idée de leur appartenance commune à un système politique où les partenaires sont unis par la rente, pour accréditer auprès des gogos algériens (« le troupeau dérouté » ?), la thèse du conflit d’intérêts au sein du pouvoir. Vous vous méprenez, nous susurrent-on, l’intention du président est d’ouvrir la voie au changement de régime, notre homme est un réformateur contrecarré dans ses nobles desseins par des clans soucieux de maintenir le statu quo.

Et ce n’est pas terminé. L’engagement vient à peine de commencer, mais il est facile d’imaginer la suite des événements. De semaine en semaine, alors qu’on agitera sous notre nez l’épouvantail DRS - histoire de suggérer que les jeux sont faits et qu’il est inutile de se battre, allez savoir ? -, le « mystère » sur les intentions de l’instigateur du viol (candidat, pas candidat ? révision, pas révision ?), entretenu par des commentateurs se confondant en conjectures, ira en s’épaississant. Pendant ce temps, de nouveaux procédés de brouillage continueront à se déployer, plus grossiers les uns que les autres, comme celui consistant à mettre dans le même sac, et sous la même étiquette de préférence ignominieuse, les opposants au programme Bouteflika. L’artifice déjà en service a le double avantage de diaboliser la contestation et de blanchir l’auteur du projet. Il sera sans aucun doute un des moyens pour escamoter le débat autour d’une question mettant en jeu l’avenir du pays.
Grossière dans sa forme, l’offensive des attachés de presse de Bouteflika traduit quant au fond un mépris manifeste pour le mouvement social. Ses analyses que l’on voit se répandre à longueur de colonnes sous-estiment les changements apportés par les luttes, organisées ou spontanées, de la société ; elles sous-estiment la capacité des Algériens à agir pour imposer leurs propres choix, leur capacité à réagir contre la dégradation de leurs conditions de vie, la réduction de leurs droits, de leurs libertés, de leurs espaces d’expression. Bref, elle les ignore, et ignore leur extraordinaire potentiel de résistance et de rébellion.

Ghania Hammadou

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Commentaires (11) | Réagir ?

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farouk bouguendoura

statèges de la communication ???? ah ben mince alors !!!! je veux voir !! ce qui se passe est très simple : dans les communautés primitives, les sorciers répétaient des milliers de fois leur désirata attendant qu'il se concrétise. nos journaleux font la meme chose. ceux qui veulent une révision et un 3° mandat ecrivent cela tous les jours, et ceux qui sont contre l'écrivent aussi inlassablement. tous les deux espèrent que leur désirata se concrétise. je crois que freud a appelé cela LA MAGIE IMITATIVE. et de grace ne parlez plus de stratèges, d'analystes et patati patata

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daniel touré

l'algérie aux algériens

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