Corruption : Djilali Hadjadj rencontre des responsables de l’ambassade américaine

Djilali Hadjadj, porte parole de l'Association algérienne de lutte contre la corruption.
Djilali Hadjadj, porte parole de l'Association algérienne de lutte contre la corruption.

Le porte parole de l’Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), Djilali Hadjadj, a rencontré le 17 avril dernier, à leur demande, des diplomates de l’ambassade américaine, au siège de l’ambassade à Alger.

Des rencontres similaires avaient eu lieu depuis la création de l’AACC en 1999, ainsi qu’avec des diplomates d’autres ambassades en Algérie. Cette rencontre, à l’initiative des diplomates américains, entrait dans le cadre de la finalisation du Rapport annuel du Département d’Etat américain sur les droits de l’homme, l’AACC ayant été sollicitée pour ses analyses sur la corruption en Algérie, analyses rendues publiques et régulièrement mises à jour.

1.- L’AACC a saisi l’occasion de cette rencontre pour d’abord faire part de son point de vue sur un certain nombre de questions internationales dont les instruments de lutte contre la corruption et des contraintes et limites dans leur application. L’AACC a commencé par rappeler l’importance de la loi américaine de lutte contre la corruption de 1977 (enrichie et amendée depuis à plusieurs reprises) dans un contexte international marqué ces derniers mois par les révélations sur un nombre important de grands scandales de corruption transfrontalière où l’Algérie est citée notamment : la «Foreign Corrupt Practice Act» (FCPA) - loi sur les pratiques de corruption à l'étranger -, loi américaine fédérale. L’AACC a rappelé à ces interlocuteurs que cette loi confie aux Cours américaines une compétence extraterritoriale pour juger les citoyens et entreprises américains qui auraient corrompu ou tenté de corrompre des fonctionnaires gouvernementaux étrangers, ou des candidats à des postes gouvernementaux. Ce qui pourrait être le cas de l’ancien ministre algérien de l’énergie, Chakib Khelil, ayant la nationalité américaine et possédant d’importants biens immobiliers aux USA notamment, cité dans plusieurs grands scandales de corruption, tant au niveau de la justice algérienne que ses homologues italienne et canadienne , pour le moment, et si les faits qui pourraient lui être reprochés s’avéraient exacts. L’AACC rappelle à ses interlocuteurs que la FCPA doit s’appliquer contre tout ressortissant américain en tout lieu et à tout moment, sans que des intérêts bilatéraux ne soient mis en avant pour en empêcher l’application. A ce sujet, l’AACC cite deux précédents fâcheux au Royaume Uni : l’affaire dite «Yamama» - corruption dans une vente d’armes à l’Arabie Saoudite et blocage de l’enquête judiciaire par le Premier ministre Tony Blair pour «raisons diplomatiques» ; ou le flou entretenu par le gouvernement britannique au sujet de l’extradition de Khalifa en Algérie. Chakib Khalil, ressortissant américain, est concerné par la loi de 1977 : les responsables de l’ambassade américaine en Algérie ont déclaré que cette loi s’applique de manière ferme.

L’AACC a déclaré aux diplomates de l’ambassade américaine qu’au regard de l’opinion publique en Algérie, le gouvernement de Barak Obama semble protéger Chakib Khalil. A ce gouvernement – la balle est dans son camp- de démontrer le contraire. L’AACC a d’ailleurs fait état de plusieurs exemples récents où le ministère américain de la justice a agit promptement à l’encontre de dirigeants étrangers corrompus possédant des biens mal acquis aux USA ou contre des chefs d’entreprises impliqués dans des cas de corruption avérés un peu partout dans le monde.

Pour l’AACC, il est évident que si des dirigeants algériens sont impliqués dans des actes de corruption et possèdent des biens aux USA - biens mal acquis -, la justice américaine pourrait saisir ces biens au regard des instruments internationaux existants, à l’image de la Convention de 2003 des Nations Unies contre la corruption, Convention ratifié par l’Algérie et les USA. Dans la lutte internationale contre la corruption, la coopération et l’entraide judiciaire sont essentielles : faudrait-il encore, dans le cas de l’Algérie et des USA par exemple, que la volonté politique soit au rendez-vous au niveau des 2 parties en présence. Comment les USA comptent gérer le cas Chakib Khelil ?

2.- Au vu de l’actualité sur la corruption dans le secteur du pétrole où un grand nombre de grandes entreprises de par le monde sont impliquées, dont Sonatrach, l’AACC a ensuite abordé , en direction de ses interlocuteurs américains, les questions des initiatives internationales de ces 10 dernières ayant trait à la "Transparence dans les industries extractives", notamment celle lancée en 2002 par des ONG, dont l’AACC, intitulé "Publiez ce que vous payez" ( PCQVP) ; ou celle nommée "Initiative pour la "Transparence dans les industries extractives" ( EITI) tripartite (gouvernements, entreprises, société civile) créée en juin 2003, impliquant 37 pays, mais où l’Algérie (ministère de l’énergie et Sonatrach) est volontairement absente, malgré toutes les sollicitations dont elle a fait l’objet ces 10 dernières années. Autres initiatives plus récentes saluées par l’AACC à ses interlocuteurs, pouvant œuvrer à la "Transparence dans les industries extractives" : l'adoption de la Loi Dodd-Frank aux Etats-Unis (votée en 2010 et entrant en application en septembre 2013) qui exige de la part des sociétés pétrolières, gazières et minières des États-Unis et étrangères qu’elles publient les paiements qu’elles versent aux gouvernements américain et étrangers dans les rapports annuels qu’elles remettent à la SEC [Commission boursière des États-Unis], ce qui sera le cas pour la plupart des entreprises étrangères du secteur installées en Algérie, ou il y a quelques semaines encore l’adoption par l’Union Européenne (UE) d’une législation similaire : le cadre de la directive comptable de l’UE permettra également aux pays en voie de développement d’accéder aux informations relatives aux paiements versés à leurs gouvernements en provenance des industries pétrolière, gazière et minière, améliorant ainsi l'utilisation de tels revenus. Pour l’AACC, œuvrer avec d’autres partenaires associatifs algériens à l’adhésion de l’Algérie à l’EITI, devient une priorité, surtout depuis l’éclatement des affaires de corruption où sont mêlés Sonatrach et nombre de ses partenaires étrangers. Là aussi l’AACC a fait part aux diplomates américains de son souhait que le gouvernement américain soit plus actif dans la mise en application effective de l’ensemble de ces Initiatives internationales pour la "transparence dans les industries extractives".

3.- L’état d’application de la Convention de 1997 de l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques) relative à la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales a été aussi évoqué par l’AACC. L’adhésion à cette Convention (qui obéit à des critères) est ouverte aux pays non membres de l’OCDE et l’AACC a souvent lancé des appels dans ce sens aux pouvoirs publics algériens, appels restés sans suite, alors que l’Afrique du Sud n’a pas hésité à adhérer à cette Convention. Même la mise en place par l’OCDE il y a quelques années d’un "Groupe informel" sur la lutte contre la corruption avec les pays du Maghreb et du Moyen-Orient, a été boudée par le gouvernement algérien, alors qu’il s’était engagé à y être actif. L’AACC a fait part à ses interlocuteurs américains de sa préoccupation au sujet des "mauvais élèves" de cette Convention (législation nationale insuffisante et très peu de procès anti-corruption), parmi eux d’importants partenaires économiques et commerciaux de l’Algérie, à l’image du Canada (affaire SNC-Lavalin), de la France et de l’Italie (Affaires Saipem, ENI, etc.). Question posée par l’AACC : comment les pays les plus engagés dans l’application de cette Convention peuvent continuer à faire pression pour qu’il y ait plus de progrès dans sa mise en œuvre ?

4.- Convention des Nations Unies contre la corruption 2003-2013 / 10 ans après. L’AACC souligne l’importance de cet instrument. L’AACC souhaite que le gouvernement de Barak Obama ait une attitude plus ferme quant à la définition et à l’application de mécanismes internationaux de surveillance effective de l’application de cette Convention par les pays qui l’ont ratifiée. L’AACC a rappelé le rôle négatif du gouvernement algérien – à côté notamment des gouvernements égyptien, russe, chinois et du Groupe de pays dit "des 77", dans l’élaboration des mécanismes actuels qui ne valent pas grand-chose, comparativement notamment aux mécanismes de la Convention de l’OCDE de 1997. Comment aussi le pouvoir algérien a tout fait – associé à d’autres gouvernements "non démocratiques et autoritaires" pour limiter au maximum l’implication de la société civile dans la mise en application de la Convention des Nations unies (ce qui transparait d’ailleurs dans la loi algérienne de 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption), notamment lors de la Conférence des Etats-parties de cette Convention ( qui se tient en moyenne tous les 2 ans), l’Algérie et ses «associés» ayant fait le forcing pour obtenir un très mauvais règlement intérieur des Conférences des Etats-parties où il est fait mention notamment d’un droit de veto pour les Etats-parties pouvant empêcher la participation d’une association avec statut d’observateur à ces dites Conférences. 

Ce droit de veto a été exercé à 3 reprises par le gouvernement algérien à l’encontre de l’AACC (en 2009 et 2011 lors des 3e et 4e Conférences des Etats-parties de l’UNCAC de Doha et Marrakech, et lors de la Conférence des Etats-parties de la 6ème Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée en 2012 à Vienne). Ce droit de veto dont a abusé le pouvoir algérien – unique dans les annales Onusiennes pour cette catégorie de Conférence des Etats-parties -, a eu des échos extrêmement négatifs au sein de la communauté internationale. L’AACC a fait part aux responsables de l’ambassade américaine en Algérie de son souhait de voir le gouvernement américain appuyer la démarche d’un certain nombre d’Etats-parties de réviser positivement le règlement intérieur décrié, en supprimant notamment ce scandaleux droit de veto à l’encontre de la participation de la société civile, et que la 5ème Conférence des Etats-parties de l’UNCAC qui doit se tenir au Panama en novembre 2013 soit l’occasion d’obtenir des avancées dans la mise en application de cet important instrument international. L’AACC considère que la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies contre la corruption est menacée de blocage : comment la communauté internationale acquise à cette Convention peut amener les pays les plus réticents, dont l’Algérie, à revoir leur position et à fournir plus d’efforts pour lutter contre la corruption ?

Droits de l’homme/Rapport du Département d’Etat américain

Concernant l’état de la corruption en Algérie, l’AACC a rappelé ses analyses et ses études, déjà connues du grand public et des médias : très haut niveau de corruption à tous les étages des institutions de l’Etat, dans le secteur économique et commercial – public, privé national et étranger ; insuffisance du dispositif de prévention et de lutte contre la corruption ; absence de l’indépendance de la justice, etc. Les diplomates de l’ambassade américaine s’interrogent sur l’existence d’une volonté politique à lutter contre la corruption, sur l’étendue de la corruption dans le secteur de la justice et chez les magistrats, comme ils se demandent si les révélations des grandes affaires de corruption obéit plutôt à des règlements de compte au sein du pouvoir dans la perspective des présidentielles de 2014 ? Questions que se posent d’ailleurs nombre d’Algériens. Autre interrogation des interlocuteurs du porte parole de l’AACC : est-ce que les hauts fonctionnaires accusés de corruption sont traités de la même façon par la justice ? L’AACC rappelle là aussi ses déclarations antérieures : il y a une justice à plusieurs vitesses, ce qui a été confirmé notamment lors de l’instruction judiciaire et le procès de l’affaire Khalifa, accablant les uns et protégeant les autres (des ministres toujours en exercice). Ou la gestion judiciaire des affaires des ex-walis de Blida et de Tarf : le premier toujours "protégé" par la Cour suprême, et le second condamné à de la prison dans plusieurs procès.

Et l’Organe de prévention et de lutte contre la corruption (ONPLCC) s’inquiètent les diplomates américains ? Pour l’AACC, cet organe créé en 2006 (loi anti-corruption), installé 4 années plus tard, brille par son absence, démontrant encore une fois l’inexistence de volonté politique à lutter contre la corruption.

"Et Amar Ghoul ?" demande une diplomate américaine, sous-entendant très certainement s’il est impliqué ou non dans des affaires de corruption, dont l’énorme scandale de l’autoroute Est-ouest, d’une part, et si oui, comment et pourquoi échappe-t-il à la justice algérienne ? La réponse de l’AACC a été sans équivoque : elle s’est déjà prononcée publiquement à plusieurs reprises sur le cas Amar Ghoul. Lorsqu’il était ministre de la Pêche et des ressources halieutiques, de 1999 à 2002, l’AACC avait publié une enquête sur la corruption dans la gestion de la pêche au thon, enquête intitulée "Un Ghoul en cache un autre", demandant que la justice ouvre une enquête, demande restée sans suite alors que les faits étaient accablants. Plus grave, Amar Ghoul, au lieu d’être démis de ses fonctions, fut promu ministre des Travaux publics, puis éclata en 2010 l’affaire de l’autoroute Est-Ouest, toujours pendante devant la justice. Toujours selon le point de vue de l’AACC, à partir du moment où un nombre importants de hauts fonctionnaires de ce ministère et de l’Agence nationale des autoroutes sont poursuivis par la justice, ce ministre, dans l’hypothèse qui lui serait la plus favorable – mauvaise gestion et incompétence -, aurait dû de lui-même quitter le gouvernement.

L’AACC souhaite d’autres rencontres avec des diplomates de l’ambassade américaine pour débattre, dans un cadre public notamment-, de manière plus approfondie des questions suivantes : lutte contre la corruption dans les transactions commerciales internationales / Instruments internationaux de lutte contre la corruption (Nations unies, OCDE) : améliorer leur application effective et renforcer la coopération internationale, l’entraide judicaire et l’assistance technique/transparence dans les industries extractives et mise en application des initiatives internationales. Les diplomates américains ont fait part au porte-parole de l’AACC de leur intérêt pour tenir ces rencontres.

Djilali Hadjadj, porte-parole de l'AACC

Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), créée en 1999.

Adresse : Centre familial de Ben Aknoun, Alger.

E-mail : [email protected] / Tél.07 71 43 97 08

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Commentaires (20) | Réagir ?

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zwen

Je ne vois pas ce que cet article voudrait dire, c'est vraiment ridicule AACC? c'est quoi cette blague?

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Wahab Krause

il faut lutter contre la mafia de foncier

est sur tous les expert de foncier agrie par les tribunau d'algerie et qui sont protege meme si il sont des trafiqent autorise par la loi je peux vous revele prochain quelque nome

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