Réponse à M. Benchicou à propos de "l’illusion Benbitour"

Réponse à M. Benchicou à propos de "l’illusion Benbitour"

Face à l’immoralité outrancière du système de pouvoir, le défi de sa mise à l’épreuve, par la volonté patriotique dépouillée, optimiste et déconcertante d’Ahmed Benbitour, se dresse comme une gêne troublante devant la fatalité de la démission, de l’impuissance et du pessimisme de nos élites.

Oui, le rapport de forces est terriblement inégal, il rappelle par ailleurs de loin, l’autre rapport de force auquel était acculé le peuple algérien pendant la nuit coloniale. Il fallait aller aux urnes et subir l’humiliation de la fraude électorale autant de fois jusqu'à l’épuisement de toute illusion. Il fallait ensuite par la force des choses prendre les armes comme dernier recours possible devant un ennemi étranger à notre Nation, pour restituer notre dignité de peuple libre, par le sacrifice qu’impose le combat inégal, pour l’affirmation de notre existence. Pendant ce temps-là, l’ennemi était une nation hostile, qui convoitait nos richesses, notre terre et jusqu’à notre identité. Aujourd’hui, nous avons affaire à une méprise, représentée par un système cynique issu de nous-même, qu’il faudra éradiquer. Les conditions qui sont les nôtres aujourd’hui devant cette méprise nous imposent la voie pacifique. Car nous avons tout à préserver, notre sang en premier, puis nos biens matériels et surtout notre plus grand bien : l’acquisition d’une conscience politique collective et l’élévation de notre peuple à la conscience citoyenne pour l’arracher de son aliénation dans le pré politique. Instaurer la démocratie dans un état de droit et permettre au peuple d’acquérir les moyens de les préserver. 

Le rapport de force est certes, inégal, tellement les forces de prédation sont puissantes et fortement coalisées contre un peuple démuni de tout. Démuni d’éducation politique, de capacité d’organisation et surtout, démuni d’une élite, démissionnaire ! qui aurait pu l’éclairer et l’encadrer pour son émancipation politique.

Il aurait fallu commencer par identifier l’ennemi et mettre un nom sur son vrai visage. Cet ennemi qu’incarnent ces forces prédatrices, spoliatrices des souverainetés et des moyens d’éveil du peuple pour inhiber sa potentielle résistance à leur hégémonie. Devant le risque du ridicule pour son action de paraître puérile, un homme seul, doué d’intelligence et d’une force tranquille sans pareille osa l’affront. Nommer les responsables de la faillite de l’État en l’identifiant à tout le système de pouvoir : "Je pense que la faillite de l’État depuis l’indépendance est à imputer à tout le système de gouvernance préparé en 1959, et mis en place en 1962... " Benbitour n’a pas mâché ses mots en affirmant cette compromméteuse-vérité. Il n’est pas à son premier affront, car il avait déjà démissionné auparavant pour marquer son désaccord avec le fonctionnement de ce système. Il était resté longtemps au service de l’État certes, mais en lui prêtant son savoir-faire pour sauver ses finances d’une faillite annoncée, dont les répercussions auraient été surtout néfastes pour les plus vulnérables, ces millions d’Algériens exclus du système.

 Il s’agit dans cette affaire d’un système structurant et handicapant la société dans son intégralité et non d’un clan qui a pris son essor hégémonique conjoncturellement au détriment d’autres clans qui seraient quant à eux innocents de toute flétrissure morale. L’Algérie est dominée par une dictature militaire et ses forces de sécurité répriment et neutralisent par tous les moyens possibles tous ceux qui s’opposent à son système de pouvoir totalitaire, centralisé et autoritaire à la fois et dont le centre se situe autour de l’état-major de l’armée et des services de sécurité exerçant le pouvoir de façon collégiale. Il n’y a pas en Algérie de clan Bouteflika ou de clan au sein de l’état-major de l’ANP ou du DRS qui s’affrontent. Il peut y avoir des rivalités entre personnes, mais sans remettre en question la structure du système en ses principes et ses finalités. L’Algérie est dominée par l’ANP depuis l’indépendance du pays, qui abrite en son sein la police politique, représenté aujourd’hui par le DRS, comme force de régulation de la société civile, par la coercition de la violence. Elle exerce une autorité absolue sur tous les ordres de l’État et de la société : le gouvernement, l’administration, la religion, la justice, les services de sécurité, l’économie, les finances et tout ce qui représente dans son ensemble l’État et la société. La présidence de Bouteflika ne pourrait exister sans la complicité de quelques officiers supérieurs de l’Armée et de sa force de régulation qu’est le DRS. Bouteflika est comme tous ceux qui l’ont précédé et ceux qui l’entourent pour le seconder : un fusible interchangeable en cas de défaillance aux attentes du système, même s’il bénéfice, dans son cas particulier, de complicités plus importantes au sein du centre du pouvoir ou de soutiens extérieurs de la part de la pègre internationale du pétrole ! Pour quiconque ira prêcher l’éveil politique du peuple sur la place publique, ce ne sont pas les cercles de prédation qui gravitent autour de Bouteflika qui se chargeront de la répression, mais bel et bien les agents des services du système de pouvoir qui iront assumer cette basse besogne. Le véritable obstacle à la démocratie en Algérie, c’est son armée, qui prend le peuple en otage et qui considère la rente comme un butin de guerre. C’est en homme averti que Benbitour prit la décision de l’affront : "… toutes les élections présidentielles précédentes ont été déterminées par l’intervention de l’armée, apparente en 1965 et en 1979, ou déguisées par la suite." Benbitour aurait pu bénéficier d’un soutien de cette même armée pour l’inciter à initier le changement, comme un piège tendu à son insu, qui ne serait au bout du compte qu’une illusion que l’on lui a miroité pour gagner du temps et perpétuer le statu quo comme de coutume. Mais son insistance à changer le système n’est pas un slogan et dissipe toutes les suspicions sur son éventuelle compromission dans une quelconque méprise. Son programme défini clairement et sans ambiguïté les termes de la restructuration du noyau sur lequel repose le système: « Nous adopterons une modernisation de l’armée avec la définition d’une doctrine militaire afin de répondre aux nouvelles exigences de sécurité nationale qui mettent en premier lieu les questions de préparation à la vulnérabilité sur les questions de préparation à la guerre classique. Bien entendu, tout ceci dans le cadre d’une stratégie sécuritaire globale. De même qu’une diplomatie de bon voisinage, d’aide et de coopération avec les pays voisins au nord, à l’Ouest, au Sud et à l’Est […] Ce sera la fin du cloisonnement classique entre la défense et la sécurité, dans lequel, la police est chargée de la mission du maintien de l’ordre et l’armée celle du rétablissement de l’ordre […] Nous adopterons une vision stratégique et intégrée entre les cinq dimensions : militaire, diplomatique, économique, culturelle et informationnelle […] Dans ce modèle, l’armée devient une institution qui agit en partenariat avec les autres institutions de la République dans un environnement caractérisé par la transparence et la responsabilisation. » L’armée serait ainsi sous l’autorité du Président pour servir la patrie et non au service de certains de ses chefs, qui s’en servent pour leurs intérêts personnels contre l’intérêt général, comme c’est le cas depuis 1962. La tâche à laquelle Benbitour s’est attelée, ne s’arrête pas seulement au renversement par les urnes du système de prédation qui entoure Bouteflika, son projet est plus ambitieux. Il consiste en une véritable instauration d’un régime démocratique par la réhabilitation de tous les ordres de l’État et de la société.

C’est en pariant sur l’éveil politique du peuple et le retour de l’élite de la démission, qu’il compte atteindre son noble objectif et tant pis pour les fatigués, devrait-il se dire dans sa solitude agitée, celle qui caractérise les grands hommes qui ont changé le cours de l’histoire de leur Nation. Pour qui Antonio Gramsci a légué cet hymne à la liberté : "l’optimisme de la volonté contre le pessimisme de l'intelligence". C’est l’optimisme de la volonté qui semble être l’énergie motrice de l’initiative de Benbitour devant le rapport de force inégal auquel il doit faire face, certainement en reléguant au second plan le souci du poids de l’illusion qui l’accompagne, en murmurant à qui veut l’entendre, que "la gestion de la transition est difficile, parce que, ce sont les rapports de forces qui déterminent la nature du changement…" Car, si nous nous en remettions uniquement à notre intelligence et à notre faculté de jugement, nous ne ferions pas grand-chose dans ce monde, et nous vivrons sans illusions. Nous serons fatalement des réalistes et toute tentative d'entreprendre une action quelconque nous paraîtrait dans beaucoup de cas, à en juger d'une manière rationnelle, vaine, voire une téméraire naïveté. Mais la volonté humaine, elle, défie les lois de la logique, se nourrit de l’espoir et cultive le surpassement de soi. C'est cet "optimisme de la volonté" qui nous permet de vaincre le désespoir et de tenter ce qui, auprès des prudents raisonneurs, quelque chose d’impossible. En fait, "pessimisme de l'intelligence" et "optimisme de la volonté" s'opposent et se complètent l'un et l'autre pour faire naître les grands hommes et faire avancer l'histoire.

Youcef Benzatat

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Commentaires (12) | Réagir ?

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farouk bougandoura

mais !.... c'est quoi ce pays où nous vivons ?

des chefs de partis politiques qui ne sont pas candidats aux présidentielles....

des gus n'ayant aucun parti derrière eux se déclarent candidats.

du jamais vu ailleurs dans le monde !

un cas unique ici !

en 1999 bouteflika n'avait aucun parti politique, il se presente aux élections

en 2014 benbitour n'a aucun pati politique, il se présente aux éléctions.

par contre ouyahya et belkhadem qui eux, ont des partis politiques ne se présentent pas aux élections.

en principe, n'importe quel parti politique vise à arriver aux pouvoir, c'est sa raison d'être, mais chez nous NON, les mecs ils sont présidents de partis mais ils ne cherchent pas à arriver au pouvoir, à quoi jouent ils alors ?

c'est une schyzophrénie générale ma parole !

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albert smail

POURQUOI, le nom de HAMROUCHE n'est t il jamais évoqué ici. ?

Et si le peuple desire Hamrouche comme president. ?

Et si par hasard le peuple veut Zenati Djamal?

Et si le peuple adore passionnement Ahemd Djedai!!

Tous ces honnetes gens ont le droit de presenter leur candidature à la presidence de la republique et c au peuple de trancher.

Mais les forbans de presse essayent à tous prix de nous vendre Benbitour.

je n'ai rien contre Benbitour. Mais pourquoi lui spcialement et non d'autres.

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