L’Algérie face à la problématique de la sécurité au Sahel et en Méditerranée

Eu égard à sa profondeur géographique, l'Algérie se doit toujours d'avoir un oeil sur le Sahel et ce qui s'y passe.
Eu égard à sa profondeur géographique, l'Algérie se doit toujours d'avoir un oeil sur le Sahel et ce qui s'y passe.

Nous devrions assister entre 2013/2020 à de profondes reconfigurations socio-économiques, technologiques mais également sécuritaires.

Privilégiant en premier lieu ses intérêts stratégiques, partie prenante du dialogue méditerranéen (DM), l’Algérie se doit d’agir en fonction d’un certain nombre de principes et à partir d’une volonté avérée de contribuer à la promotion de la sécurité et de stabilité dans la région que ce soit dans le cadre d’une coopération avec l’ Otan, en fait avec les USA, ou avec les structures de défense que l’Union Européenne entend mettre en place. Les derniers évènements au Sahel, faute d’une coordination, montrent son incapacité à agir sur des évènements majeurs.

1.- La fin de la guerre froide marquée par l’effondrement du bloc soviétique et les attentats survenus aux Etats-Unis le 11 septembre 2001 représente un tournant capital dans l’histoire contemporaine. Le premier évènement marque la fin d’un monde né un demi siècle plutôt et la dislocation d’une architecture internationale qui s’est traduite des décennies durant par les divisions, les déchirements et les guerres que nous savons. Aujourd’hui, les menaces sur la sécurité ont pour nom terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, crises régionales et délitement de certains Etats. Or, les défis collectifs, anciens ou nouveaux, sont une autre source de menace : ils concernent les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies, l’environnement. Ils sont d’ordre local, régional et global. Entre la lointaine et très présente Amérique et la proche et bien lointaine Europe, entre une stratégie globale et hégémonique, qui possède tous les moyens de sa mise en œuvre et de sa projection, et une stratégie à vocation globale qui se construit laborieusement et qui peine à s’autonomiser et à se projeter dans son environnement géopolitique immédiat, quelle attitude adopter et quels choix faire pour l’Algérie ? Interpellée et sollicitée, l’Algérie s’interroge légitimement sur le rôle, la place ou l’intérêt que telle option ou tel cadre lui réserve ou lui offre, qu’il s’agisse du dialogue méditerranéen de l’Otan ou du partenariat euro-méditerranéen, dans sa dimension tant économique que sécuritaire. L’adaptation étant la clef de la survie et le pragmatisme un outil éminemment moderne de gestion des relations avec autrui, l’Algérie doit faire que celui que commandent la raison et ses intérêts.

2.- C’est dans ce cadre que doit être placée la stratégie de l’Algérie dans le dialogue méditerranéen de l’OTAN. Le cadre défini au sommet de l’Otan de promouvoir le dialogue méditerranéen de l’Otan au rang de véritable partenariat ambitionne de contribuer à la sécurité et à la stabilité de la région méditerranéenne par le truchement d’un certain nombre d’actions au nombre de cinq qui se veulent complémentaires avec d’autres actions internationales : a.-le renforcement de la dimension politique du dialogue méditerranéen avec l’Otan ; b.- l’appui au processus de réformes de la défense ; c.- la coopération dans le domaine de la sécurité des frontières ;d.- la réalisation de l’interopérabilité ; e- la contribution à la lutte contre le terrorisme. L’objectif poursuivi par l’initiative d’Istanbul est de renforcer la sécurité et la stabilité par le biais d’un nouvel engagement transatlantique en fournissant un avis adapté sur la réforme de la défense, l’établissement des budgets de défense, la planification de la défense, les relations civilo-militaires et l’encouragement de la coopération entre militaires ; lutter contre le terrorisme par le partage de l’information, la coopération maritime, lutter contre la proliférations des armes de destruction massive et contre les trafics. Face à ces propositions, quelle est l’attitude de l’Algérie ? 

3.- Les menaces qui pèsent sur les peuples et leurs Etats et les défis collectifs qui leur sont lancés doit amener l’Algérie à se doter d’une politique extérieure globale des enjeux, des problèmes et des crises que connaît le monde et à déployer ses capacités, ses moyens et son savoir-faire dans une logique de juste et fécond équilibre. Le dialogue et la concertation entre les peuples et entre les acteurs sont la clef et en même temps la meilleure des garanties pour instaurer la paix et la stabilité de manière juste et durable. C’est sur cette base que me semble-t-il que l’Algérie doit s’engager dans le dialogue méditerranéen de l’Otan et dans d’autres initiatives régionales ou sous régionales. Car, face à l’Otan, existe une volonté politique de l’Union Européenne d’avoir une stratégie de défense et de sécurité qui concerne tant l’Algérie que le Maghreb. Sur le plan militaire et géostratégique c’est à travers les activités du groupe dit des « 5+5 » que peut être apprécié aujourd’hui la réalité d’une telle évolution.C’est que la lecture que font les Européens des menaces et défis auxquels le monde et notre région sont confrontés repose essentiellement sur la nécessité de développer ensemble une stratégie de riposte collective et efficace concernant notamment le terrorisme international, le trafic des êtres humains et la criminalité organisée à travers la drogue et le blanchissement d’argent. Par ailleurs, selon la commission de Bruxelles et le parlement européen entre l’Europe et le Maghreb, et plus globalement l’Europe et la zone méditerranée, il s’agit de faire bloc, de rapprocher les Européens et leurs voisins immédiats. Pour le cas du Maroc, de la Tunisie et de l’Algérie qui ont qui a signé l’Accord de libre échange avec l’Europe, en matière de défense et de sécurité, des consultations relatives a la mise en place d’un dialogue entre le Maghreb et l’Union européenne ont lieu sous forme de consultation informelles et de réunions formelles. Mais il serait souhaitable des clarifications portant sur deux questions jugées fondamentales : la valeur ajoutée de cette offre de dialogue par rapport au dialogue méditerranéen de l’Otan et la coopération de lutte contre le terrorisme avec l’UE dans le cadre de la PESD.

4.- D’une manière générale et au vu de ce qui se passe au Sahel, des tensions au Sud algérien qu'il ne faudrait aps prendre à la légère, il y a urgence pour le l’Algérie de s’adapter aux réalités locales et mondiales. Il faut comprendre les enjeux géostratégiques et j’ai été étonné que certains officiels algériens aient voulu opposer les USA à la France sur le dossier du Sahel et notamment du Mali. car s’il y a parfois des divergences tactiques de court terme mais, il n’existe aucune divergence stratégique entre les Etats Unis d’Amérique et la France et plus globalement avec l’Europe. Il ne fallait pas être un grand diplomate et analyste pour savoir en nous en tenant à nos voisins frontaliers que le Niger, le Mali, allaient s’aligner sur la position de la France. Nous ne parlerons pas de la Libye, de la Tunisie, de la Mauritanie et du Maroc qui ne s’opposent en aucune manière à la vision US/Europe, surtout pour les deux premiers dont les régimes ont une dette envers l’Occident. Cela a été également une erreur de la diplomatie algérienne de croire qu’au conseil de sécurité, il y aurait une opposition de la Russie et de la Chine qui ont avalisé d’ailleurs l’intervention militaire française. Ces pays n’ont pas d’intérêts stratégiques dans la région, et également pour des raisons internes ne voulant pas être confrontées à des mouvements extrémistes islamistes en Tchétchènie (Russie) et des centaines de milliers de musulmans en Chine. Il est entendu et c'est un secret de polichinelle, qu’à la fin de toute guerre ce sera la diplomatie qui prendra la relève. Incontestablement, la position diplomatique algérienne a subi un sérieux revers qui risque de se répercuter sur son influence déclinante en Afrique. Cependant, du fait de son expérience de lutte contre le terrorisme, encore qu'il faille ne pas l’utiliser comme alibi pour freiner les réformes politiques et économiques par les tenants de la rente, les puissances occidentales reconnaissent que rien ne peut se faire durablement sans l’Algérie. Et ce de par sa position géographique, comme en témoigne l’autorisation du survol des avions militaires français au dessus de son territoire, étant par ailleurs une grande puissance militaire régionale. D’autant plus que ce conflit peut avoir des répercussions sur la tant sur toute la région Europe/Afrique via le Maghreb, que sur la sécurité intérieure de l’Algérie notamment toute la zone Sud où sont concentrés les principaux gisements pétroliers et gaziers comme en témoigne l’attaque terroriste d’In Amenas, sans compter que bon nombre de familles notamment Touaregs du Sud ont des liens étroits souvent familiaux avec les familles au niveau du Sahel. 

5.- En conclusion la situation actuelle au Sahel pose la problématique d’une action en profondeur pour un développement durable. Le terrorisme se nourrit fondamentalement de la misère en se livrant au trafic de tous genres, rançons, drogue, armes, etc. L’Algérie a toutes les potentialités pour devenir une grande puissance régionale. Pour cela, des stratégies d’adaptation au nouveau monde sont nécessaires, étant multiples, nationales, régionales ou globales mettant en compétition/confrontation des acteurs de dimensions et de puissances différentes et inégales. Face aux menaces communes et aux défis lancés à la société des nations et à celles des hommes, les stratégies de riposte doivent être collectives d’où l’importance d’une coordination régionale, le Maghreb pouvant être le pont entre l’Europe et l’Afrique. L’Afrique est l’objet de toutes les convoitises où avec plus de 25% de la population mondiale horizon 2030/2040, recelant d’importantes ressources non exploitées. Sous réserve d’une meilleure gouvernance et d’intégration sous régionales à l’horizon 2030 l’axe de la dynamisation de la croissance de l’économie mondiale devait se déplacer de l’Asie vers l’Afrique d’où les rivalités notamment USA via Europe/Chine. L’Algérie est appelée de se déterminer par rapport à des questions cruciales et de relever des défis dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils dépassent en importance et en ampleur les défis qu’elle a eu à relever jusqu’à présent supposant de hautes compétences, une moralisation de la gestion de la Cité, la corruption étalée au grand jour et qui touche la majorité des secteurs ayant un effet démobilisateur où la population algérienne traverse une névrose collective, et une vision stratégique loin des replâtrages conjoncturels de court terme qui menacent sa sécurité. Un changement culturel, dépassant cette position figée et dépassée des années 1970, impliquant une nouvelle vision diplomatique, mais également économique, les affaires se faisant entre firmes et non plus d'Etat à Etat à travers des relations en réseaux et non plus de relations personnalisées, s'impose, afin de s'adapter au nouveau monde, et ce pour les intérêts supérieurs du pays.

Abderrahmane Mebtoul, expert international, Professeur des Universités en management stratégique

(1) Voir étude publiée par l’Institut français des Relations Internationales (Ifri) La coopération Europe/Maghreb face aux mutations géostratégiques mondiales- chapitre III le Maghreb et la sécurité euro-méditerranéenne, du professeur Abderrahmane Mebtoul. avril 2011 (70 pages Paris France).

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Commentaires (1) | Réagir ?

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Quelqun EncoreQuelqun

Vous avez écrit "... L’Algérie a toutes les potentialités pour devenir une grande puissance régionale. Pour cela, des stratégies d’adaptation au nouveau monde sont nécessaires... "

Monsieur Mebtoul, vous qui êtes Expert International et Prof d'Université, sauriez-vous (dhi lâ3nayak, ou s'il vous plait), nous expliquer ce que vous entendez par "grande puissance régionale".

En effet, vous abondez dans les voies pouvant y mener, mais ne vous attardez pas trop sur cette notion de puissance régionale.

Quand on sait que l'EU entière ne représente presque rien face aux USA, à la Chine... il est plus que permis de douter du bien fondé de cette histoire de puissance régionale.

Cela me fait penser aux clowns du Qatar accessoirement minsitre des affaires étrangères et 1er ministre. Le représentant permanant de la Russie auprès de l'ONU leur a remis les pieds sur terre (et même " sous terre ") avec une formule propre à celles et ceux que nous appelons chez nous des F'HEL : "... si vous continuez à vous adresser sur ce même ton au représentant de La Fédération de Russie, demain, il n'y a plus d'Etat s'appelant Le Qatar sur la carte.. "

Voilà, à peu près, ce que l'on pourrait qualifier de "puissance" (régionale, mondiale ou autre).