Libye : le patron d'une télévision privée enlevé

Mohamed Al-Megaryef
Mohamed Al-Megaryef

Le propriétaire d'une télévision privée libyenne proche des libéraux et son ancien directeur exécutif, enlevés hier par un groupe armé au cours d'une attaque contre le siège de la chaîne, sont toujours détenus par leurs ravisseurs, selon la télévision.

Violence ordinaire, diront les observateurs de la scène libyenne. La chaîne a précisé ignorer toujours l'identité des ravisseurs, leurs revendications et le lieu où sont toujours retenus Jomaa Al-Osta, propriétaire et président du conseil d'administration, et Nabil al-Chibani, ancien directeur exécutif qui se trouvait par hasard sur les lieux au moment de l'attaque. Hier, un groupe armé a pris d'assaut le siège d'Alassema TV à Tripoli, a saccagé les locaux et a enlevé Jomaa Al-Osta et Nabil al-Chibani, ainsi que quatre présentateurs et des journalistes. Selon les journalistes et présentateurs qui ont été libérés l'un après l'autre au bout de quelques heures, les ravisseurs reprochent à la chaîne sa ligne éditoriale, en particulier son opposition présumée à un projet de loi excluant de la vie politique des collaborateurs du régime de Mouammar Kadhafi. 

Cette loi a provoqué des remous au sein de la classe politique, dans la mesure où elle risque d'exclure des dirigeants du pays ainsi que plusieurs personnalités politiques, dont le chef de l'Alliance des forces nationales (AFN, libérale), Mahmoud Jibril. Equation difficile à résoudre, s'il en est quand on sait que bon nombre des principaux responsables des anciens tombeurs du dictateur Kadhafi avaient frayé avec celui-ci.

Aujourd'hui, l'organisation Reporters sans frontières a condamné dans un communiqué l'attaque de la chaîne et a exprimé sa "vive inquiétude" sur le sort de Jomaa Al-Osta et Nabil al-Chibani, appelant les autorités libyennes à «prendre toutes les mesures nécessaires afin d'obtenir leur libération". L'Assemblée nationale libyenne, la plus haute instance politique du pays, a appelé hier soir "le ministère de l'Intérieur à assumer totalement sa responsabilité et à intervenir immédiatement pour libérer les prisonniers".

Mardi dernier, la voiture du président de la plus haute autorité politique de Libye, Mohamed Al-Megaryef, a essuyé des tirs dans la soirée à Tripoli, au moment où il quittait une salle de réunion assiégée par des manifestants. Le ministre de l'intérieur Achour Chwayel a précisé que M. Megaryef, chef du Congrès général national (CGN), était sorti indemne de l'attaque. Sa "voiture a essuyé des tirs, à la sortie des membres de l'Assemblée, qui s'est faite dans la confusion la plus totale". Selon M. Chwayel, "des manifestants étaient armés et certains étaient en possession d'explosifs".

Quelques dizaines de protestataires ont assiégé mardi jusqu'à une heure tardive de la soirée plus d'une centaine de députés, dont le président du CGN, dans un bâtiment de la banlieue de Tripoli, pour les obliger à voter une loi sur "le bannissement politique" des anciens collaborateurs du régime déchu. Tout l'enjeu de ces luttes sourdes, mais parfois fracassantes, réside dans l'exclusion ou pas de larges pans de l'ancienne classe dirigeante.

L'agence libyenne Lana, qui a cité un responsable non identifié du CGN, a indiqué de son côté que la voiture de M. Megaryef avait été la cible de "tirs nourris". Le responsable a dit ignorer "s'il s'agissait d'une tentative d'assassinat ou de tirs accidentels". Assassinats ciblés, menaces et pressions multiples, il est manifeste qu'en Libye existe encore des groupes politico-militaires qui n'entendent pas rester en marge de la décision politique. Quitte à faire usage de violences armées. Ce que le gouvernement n'ignore pas.

R.N/AFP

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