L’Algérie : 42 années après la nationalisation des hydrocarbures

A horizon 2020, l’Algérie sera importateur net de pétrole et horizon 2030 importateur de gaz conventionnel
A horizon 2020, l’Algérie sera importateur net de pétrole et horizon 2030 importateur de gaz conventionnel

En tant que jeune conseiller au ministère de l‘Energie et ayant eu à diriger le premier audit sur Sonatrach en 1974, j’avais émis un grand espoir en la nationalisation des hydrocarbures décidée le 24 février 1971, qui s’est traduite dans les faits par la signature d’une ordonnance, le 11 avril de la même année, promulguant la loi fondamentale sur les hydrocarbures, définissant le cadre dans lequel devrait s’exercer l’activité des sociétés étrangères en matière de recherche et d’exploration des hydrocarbures.

A l’époque je me rappelle il y a eu une très forte mobilisation des cadres de Sonatrach. Depuis nous avons assisté à différentes lois sur les hydrocarbures qui ont vu l'élargissement du partenariat étranger, qui ont largement contribué à développer les capacités locales. Le véritable tournant a été la loi du 28 avril 2005 modifiée et complétée par la loi du 19 août 1986. Ensuite nous avons la loi n°91-21 du 4 décembre 1991, puis la loi du 28 avril 2005, modifiée par l’ordonnance du 29 juillet 2006 et la dernière en date celle du 20 février 2013. Quel constat et propositions à faire après ces 42 années de nationalisation ?

1.- Il faut éviter de raisonner à prix courants de peu de signification, la parité du dollar et le pouvoir d’achat mondial ayant évolué, devant donc déflater pour avoir le montant réel aux prix de 2013. Par exemple, un baril de 20 dollars en 2000 équivaut à prix constant à plus de 90 dollars prix 2013. Uniquement entre 2000 et 2012 Sonatrach a pu engranger 600 milliards de dollars selon les bilans officiels de Sonatrach. Qu’en a-t-il été entre 1971 et 2012 ? En tout cas, en termes de parité de pouvoir d’achat 2013, plusieurs milliers de milliards de dollars.

2.- Il faut éviter la sinistrose, car nous avons assisté grâce à cette ressource éphémère à d’importants investissements dans ce secteur et dans d’autres qui font vivre aujourd’hui l’Algérie. Mais il faut également éviter toute autosatisfaction source de névrose collective car existe une disproportion entre la dépense et les impacts.

3.- En ce mois de février 2013, 98% des exportations sont le fait d’hydrocarbures à l’état brut et semi brut et important la majorité des besoins des entreprises qu’elles soient publiques ou privées ainsi que la couverture des besoins des ménages : dans la mesure où Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach. C’est ce qu’ on appelle le syndrome hollandais, source de mauvaise gestion et de corruption faute de mécanismes de contrôle démocratiques et de la transparence des comptes. En ce mois de février 2013, après l’Italie, voilà le Royaume Uni et le Canada qui remettent en cause la transparence de la gestion de Sonatrach, pouvant être suivi par d’autres pays et d’autres secteurs, discréditant l’image internationale de l’Algérie.

4.- Le poste services au niveau de la balance des paiements, en grande partie accaparé par Sonatrach et à un degré moindre par les infrastructures (sans compter les transferts de profit) est passé est passé de 2 milliards de dollars en 2002 à plus de 12 milliards de dollars fin 2012, témoignant d’une déperdition de la ressource humaine locale au niveau de cette société stratégique( faiblesse de l’accumulation du savoir faire technologique et managérial).

5.- La sphère informelle tisse des liens dialectiques avec la logique rentière qui assoit son pouvoir sur la bureaucratie.

6.- Il s’ensuit qu’il ne pourra pas avoir une véritable démocratisation de la société algérienne tenant compte certes de son anthropologie culturelle, sans une démocratisation de la gestion de la rente des hydrocarbures. D’où l’importance d’un large débat national sur la gestion de cette rente qui irrigue tous les segments de la société, de la rentabilité des investissements et des réserves de change, placées à l’étranger, produit de cette rente.

7.- Les conservateurs minoritaires en tant que segments dans la société sont dominants, assis sur la rente, et font tout pour bloquer les réformes structurelles. Les réformateurs dominants certes au niveau de la société, mais minoritaires au niveau des sphères décisionnelles ont ayant peu d’impacts. Il serait illusoire de croire en des miracles techniques sans une profonde mutation systémique. Tout processus de développement étant forcément porté par des forces sociales, il ne pourra y avoir de développent de filières hors hydrocarbures, s’insérant dans le cadre des nouvelles mutations mondiales, sans un réaménagement des structures du pouvoir algérien.

En conclusion à horizon 2020, l’Algérie sera importateur net de pétrole et horizon 2030 importateur de gaz conventionnel tenant compte de la nouvelle transition énergétique, de la concurrence internationale, (bon nombre des clients de Sonatrach demanderont certainement à l’Algérie courant 2014 une baisse des prix de cession du gaz, aussitôt les contrat à terme arrivé à expiration, l’indexation sur le prix du pétrole n’étant plus à l’ordre du jour), de la révolution du gaz de schiste aux USA, des coûts, des exportations prévues et surtout de la forte consommation intérieure, avec le doublement des capacités d’électricités à partir des turbines de gaz horizon 2017. Que deviendra la population algérienne de 50 millions ? Et que deviendra Sonatrach ?

Abderrahmane Mebtoul, professeur d'universités

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Commentaires (9) | Réagir ?

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algerie

merci

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algerie

merci

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