Affaire "Sonatrach 2" - SNC Lavalin : l'AACC interpelle le gouvernement

Affaire "Sonatrach 2" - SNC Lavalin : l'AACC interpelle le gouvernement

L’entreprise canadienne SNC Lavalin impliquée dans des affaires de corruption en Algérie : Sonatrach 3 et Sonelgaz 1. L’AACC appelle le gouvernement à sortir de son silence et à annoncer des mesures urgentes

Ce que l’association algérienne de lutte contre la corruption (AACC) soupçonnait et redoutait très fortement depuis quelques temps déjà, vient d’être confirmé hier, jeudi 21 février 2013, par l’enquête conjointe menée par les journaux canadien et italien – The Globe and Mail et Il Sole 24 ore: l’entreprise canadienne SNC Lavalin est impliquée dans des affaires de corruption en Algérie, affaires où l’on retrouve notamment un des intermédiaires cité dans le tout récent scandale entre Saipem l’italienne et Sonatrach, Farid Bédjaoui, neveu de l’ancien ministre des affaires étrangères du pouvoir en place.

L’AACC avait été contactée depuis plusieurs semaines par des journalistes canadiens de différents médias (presse écrite papier et électronique, et télévision) à l’effet d’échanger des informations sur le risque de corruption de SNC Lavalin en Algérie : ces médias – qui font un travail remarquable -, enquêtent depuis plusieurs mois sur SNC Lavalin dans le monde, au Maghreb plus particulièrement.

Suite aux révélations d’hier, dans un communiqué rendu public le même jour, SNC Lavalin a reconnu que M. Bedjaoui a été «impliqué» avec plusieurs sociétés avec qui elle a obtenu des contrats et des marchés en Algérie. «Ces contrats ont été négociés par d'anciens salariés de la société et, au meilleur de notre connaissance, sont des arrangements commerciaux ordinaires à l'époque», écrit la porte-parole de la compagnie. Est-ce le début des affaires Sonatrach 3, Sonelgaz 1 et d’autres entreprises algériennes ?

Dès le 10 février 2013, lors d’un entretien à Echorouk TV, puis dans El Khabar le 16 février et Le Soir d’Algérie le 18 février, le porte parole de l’AACC Djilali Hadjadj avait évoqué l’affaire SNC Lavalin demandant l’ouverture d’une enquête en Algérie.

D’ailleurs dès le lendemain de l’entretien accordé par l’AACC à Echorouk TV, l’ambassadeur du Canada en Algérie, prenant les devants, réagissait par un étrange communiqué adressé à l’APS – communiqué passé inaperçu, dans lequel il déclarait notamment : «Le gouvernement canadien intensifiera sa lutte contre la corruption transnationale, en prenant de nouvelles mesures pour combattre ce phénomène... en déposant devant le Sénat des modifications à la loi sur la corruption d’agents publics étrangers» et que son gouvernement «s’attendait aussi à ce que "de leur côté, les entreprises canadiennes respectent les règles du jeu» !

En fait l’implication de SNC Lavalin dans des scandales de corruption dans la région du Maghreb – Libye (160 millions de pots-de-vin à un des fils Kadhafi) et Tunisie -, a fait l’objet de révélations fracassantes en 2012, suite à des enquêtes menées principalement au début par des médias canadiens, puis relayées par des enquêtes des autorités suisse et canadienne : l’ancien patron «Afrique du Nord» de la société canadienne étant détenu en Suisse depuis avril 2012 (le tunisien Riadh Ben Aïssa, ex-vice-président directeur Infrastructures, eau et construction), ainsi qu’un des avocats de la firme.

Au niveau international, 3 pays mènent déjà l’enquête sur les pratiques délictuelles de SNC Lavalin en Algérie, et coopérent entre eux : la Suisse, l’Italie (indirectement par l’implication de Farid Bédjaoui) et le Canada.

L’AACC suggère aux autorités algériennes une démarche à 3 niveaux :

1. L’Algérie doit s’associer aux enquêtes menées dans les pays cités plus haut, et le gouvernement au plus haut niveau doit rapidement sortir de son silence et annoncer sa volonté politique de faciliter toutes les enquêtes sur SNC Lavalin en Algérie, volonté qui doit se traduire par des mesures concrètes portées à la connaissance de l’opinion publique. Des instruments internationaux (Convention de l’OCDE, Convention des Nations unies, Conventions bilatérales en matière d’entraide judiciaire) existent pour permettre cette coopération judiciaire internationale et des enquêtes conjointes.

Pour rappel, la Suisse, l'Italie et le Canada sont tous signataires de la Convention de 1997 de l'OCDE, Convention anti-corruption dans les transactions commerciales internationales, et, à ce titre, sont tous engagés à appliquer des lois qui interdisent aux entreprises de payer des pots de vin à des gouvernements étrangers. Mais le Canada n’est pas un bon élève de cette Convention : très peu d’affaires de corruption ont été initiées par la justice depuis l’entrée en vigueur de cet instrument en 1999 !

2. Le gouvernement algérien doit aussi diligenter au plan interne une très large enquête qui commencerait par l’audit de tous les marchés attribués ces dernières années à SNC Lavalin : en auditionnant notamment l’ensemble des dirigeants des entreprises algériennes, publiques et privées, co-contractantes et sous-traitantes de ces marchés ; en auditionnant les ministres de tutelle de ces entreprises publiques ; en auditionnant le président et les membres de la Commission nationale des marchés publics ayant annulé en 2010 et en 2011 certaines attributions provisoires de marchés au profit de SNC Lavalin ; en auditionnant les dirigeants de SNC Lavalin en Algérie et en prenant sans plus tarder des mesures conservatoires à leur encontre, mesures à l’effet de faciliter l’enquête judiciaire ; et aussi, en auditionnant les responsables sociétés d’audit et les commmissaires aux comptes des entreprises publiques cocontractantes de marchés au profit de SNC Lavalin.

Malgré le fait que l’Algérie savait que ces 10 dernières années SNC Lavalin avait été régulièrement éclaboussé un peu partout dans le monde par des affaires de corruption, le gouvernement avait continuer d’attribuer d’importants marchés à cette firme pour un montant dépasssant 6 milliards de dollars !

3. A court terme, l’Algérie doit se doter d’un nouveau et plus efficace dispositif – législatif, réglementaire, institutionnel et humain-, de prévention et de lutte contre la corruption : l’actuel dispositif (dont il faut faire le bilan), inachevé et toujours en cours d’installation depuis 2006, a montré toutes ses limites et ses nombreuses insuffisances. Le nouveau dispositif doit être élaboré dans la plus large concertation et s’inspirer totalement des instruments internationaux en vigueur, notamment la Convention des Nations unies de 2003 contre la corruption, Convention ratifiée par l’Algérie et qui en a fait un très mauvais usage. Dans le sens de cette concertation, l’AACC, comme elle l’a toujours exprimé ces dernières années, rappelle sa disponibilité à engager sans plus tarder le dialogue avec le gouvernement à ce sujet.

Pour l’AACC, Djilali Hadjadj, porte-parole.

Quelques repères chronologiques

1. SNC Lavalin dans le monde

2004. SNC Lavalin a été la première firme occidentale d'importance à être sanctionnée pour fraude par une grande agence internationale finançant le développement dans les pays pauvres. L’«Asian Development Bank», soutenue en partie par le gouvernement canadien, avait banni deux filiales de SNC-Lavalin de ses projets de développement, parce qu'elles avaient remis des documents mensongers visant à obtenir un contrat routier au Laos.

2009. Les autorités anticorruption de l'Inde ont accusé SNC-Lavalin et l'un de ses anciens dirigeants, à la suite d'une enquête de corruption pour des projets hydroélectriques. Selon le «Central Bureau of Investigation», organisme indien chargé de lutter contre la corruption, l'ancien ministre de l'énergie de l'État du Kerala a fomenté avec ses fonctionnaires «une conspiration criminelle avec un vice-président directeur de SNC-Lavalin» pour forcer l'attribution d'un contrat à la firme. 

2011. Selon le journal québécois «Presse Affaires», édition du 13 octobre 2011, la Banque mondiale suspend le financement d'un pont au Bangladesh dont le marché a été attribué au groupe canadien SNC-Lavalin. Ce n'est pas la première fois que SNC-Lavalin se trouve sous les feux de la rampe pour ses activités à l'étranger. 

Toujours en 2011, son patron, Pierre Duhaime, a critiqué le «Rapport Duchesneau» (du nomd’une parlementaire) sur la collusion et la corruption dans le secteur de la construction au Québec. Ce rapport évoque le rôle des firmes de génie-conseil dans le système de collusion et de corruption. «Chez SNC-Lavalin, ça n'existe pas», a déclaré ce même patron. 

2011 bis. Le journal électronique «RueFrontenac.com» révélait que SNC-Lavalin avait obtenu un contrat de 275 millions de dollars du gouvernement du dictateur Mouammar Kadhafi pour construire une prison en Libye. 

2. SNC Lavalin en Algérie

SNC Lavalin a été l’heureux bénéficiaire de la réalisation de «Maqqam Echahid» et de «Riadh El feth» à Alger dans les années 80

SNC-Lavalin est très présent en Algérie depuis 30 ans. Son premier plus gros marché remonte aux années 80 avec la réalisation de «Maqqam Echahid» et du Centre commercial attenant, projet scandaleux qui a coûté plusieurs centaines de millions de dollars (à l’époque) aux contribuables algériens. Pierre-Elliott Trudeau, Premier ministre du Canada avait effectué une visite en Algérie en mai 1981 : juste après, SNC Lavalin obtienait le contrat de «Maqam chahid» pour 150 millions de dollars suivi d’un autre de 450 millions de dollars pour «Riadh el Feth»…

Puis suite à l’effondrement des prix du pétrole et l’endettement massif du pays, SNC-Lavalin disparaît d’Algérie pour revenir vers la fin des années 90, à la faveur de la remontée des prix de l’or noir : elle gagne le gros lot en remportant d’énormes marchés en Algérie dans différents secteurs : centrales thermiques de Hadjret en Nouss et de Skikda ; projets hydrauliques : dessalement de la station Fouka, réalisation du barrage Taksebt- Koudiat Asserdoune ; infrastructures et bâtiments : l’hôtel El-Mithak ; le musée de l’Armée ; le Palais de la culture ; le hangar de maintenance et les bâtiments d’entretien d’Air Algérie ; études et sous-traitance dans l’autoroute Est- Ouest ; projets ferroviaires, etc. 

Pour rappel, en juillet 2009, SNC-Lavalin avait annoncé l'obtention d'un contrat pour les études de la construction de la ville de Hassi Messaoud, pour un montant de 312 millions d’euros ! Puis en 2010 et en 2011, la Commission nationale des marchés publics, rattachée au ministère des finances, a annulé plusieurs marchés attribués provisoirement à SNC-Lavalin : ville de Hassi-Messaoud, pénétrante autoroutière Annaba - Souk-Ahras sur 220 km, projets ferroviaires, etc. Ces annulations - sans qu’aucune explication n’ait été rendue publique - auraient pu être le début d’une piste pourouvrir une enquête judiciare : il n’en a rien été.

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Commentaires (6) | Réagir ?

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gestion

MERCI

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sam abed

Vous voulez que Bouteflika et ses acolytes s'auto-condamnent? Qu'ils ouvrent une enquête pour enquêter sur leurs affaires louches? Vraiment n'importe quoi. Dire qu'il y a encore des naifs qui croient toujours a l'existence d'un état algérien et d'autres qui croient que Toufik va les sauver. Pauvre pays, pauvre peuple!

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